Femmes battues : Briser le mur du silence

Femmes battues : Briser le mur du silence

actualite1[11891].jpgElles sont des dizaines de centaines à souffrir en silence. Meurtries,dans leur chair et leur âme, elles finissent par s’adapter, bon gré, mal gré,à la maltraitance qu’elles subissent quotidiennement, avec le consentement de toute la famille. Silence, on bat, humilie, corrige le « sexe faible ». Leur tort, c’est d’être femme.

En effet, de nombreuses femmes paient, aujourd’hui, leur statut de femmes qui fait d’elles, dans bien des cas, des êtres vulnérables, bonnes à être tabassées. L’ère de l’esclavagisme est révolue depuis plusieurs siècles.

Mais le phénomène s’obstine à la ressusciter ! La violence contre les femmes, bien qu’elle reste un sujet tabou qui ne dépasse pas le cercle familial tend, ces dernières années, à dépasser les murs de la maison, pour faire tache d’huile, dans une société qui se cache derrière de faux signes de modernité et d’émancipation. Selon un récent rapport de la police algérienne, plus de 7.500 femmes ont subi diverses formes de violences, durant les seuls premiers dix mois de l’année 2010, à l’échelle nationale. Les actes de violence envers la femme vont du harcèlement sexuel, au viol, en passant, bien entendu, par des coups et blessures.

La situation est dramatique et les statistiques avancées restent en deçà de la réalité, en l’absence de plaintes déposées par la victime qui favorise l’option d’étouffer l’affaire ou encore « laver le linge sale en famille », pour ne pas être la risée du quartier. Oser déposer une plainte contre son père, son frère ou son mari est carrément un blasphème pour l’Algérien.

Les chiffres relatifs aux femmes battues même s’ils sont loin de refléter le cauchemar vécu par cette catégorie et les sévices subis, montrent d’ores et déjà que le fléau va crescendo et évolue dangereusement puisque durant les six premiers mois de l’année 2008, les femmes ayant subi des violences étaient au nombre de 2.675 pour passer à 4.409 en 2009, selon les statistiques des services de la sûreté nationale. Ce constat a été mis en évidence dans un rapport d’enquête de l’Office national des statistiques et une enquête financée par l’Unicef et publiée en 2009, qui font ressortir que 67,9% des Algériennes acceptent les violences conjugales. La maltraitance des femmes s’exercent donc principalement au sein de la famille qui reste le réceptacle de plus de 80% des violences subies par la femme, puis intervient le milieu professionnel qui représente un taux de près de 15%. La journée internationale de l’Elimination de la violence à l’égard des femmes est un non-évènement, pour de nombreuses femmes en situation de détresse. Les statistiques font ressortir, en fait que le conjoint vient en tête du palmarès, puis le fiancé, le frère, l’oncle, le fils et enfin le père. Les mêmes données révèlent également que l’âge des victimes de violences varie entre 18 ans et 75 ans, et 4.183 d’entre elles, sont mariées, 2.033 célibataires, 726 divorcées, 494 veuves.

La maltraitance des femmes ne se limitent pas seulement aux coups et blessures et va jusqu’à toucher sa dignité. C’est que les violences psychologiques constituent, aujourd’hui, 86% des cas, suivies des agressions physiques avec 68% et des cas socioéconomiques avec 56%, c’est du moins ce qui ressort du bilan dressé, récemment par 18 centres d’écoute sur les violences contre les femmes, sur une période d’une année.

Le réseau « Balsam », constitué de 13 centres d’écoute, à l’échelle nationale a recensé ainsi, en juillet 2009, 147 cas de violence et 547 autres en juillet 2010. L’analyse des appels a montré que 65% des victimes de violences sont des femmes mariées, les divorcées représentaient 10% des cas et les veuves seulement 1% des cas. Les célibataires constituent 23% des victimes. En outre, même si pour la moitié des cas l’activité n’est pas déclarée, il n’en demeure pas moins que les violences rapportées concernent, dans 14% des cas, les femmes qui ont un travail régulier et 5% un travail informel.

Certaines statistiques font état de dix mille femmes qui sont battues, chaque année en Algérie, et plus de 40.000 nouveaux mariés qui ont divorcé en 2009. Le foyer familial n’est plus pour la sœur, l’épouse ou la mère, cet espace qui lui procure la sécurité et le bien-être, encore moins cet havre de paix dont elle ne cessait de rêver depuis son jeune âge.

Combien sont-elles, aujourd’hui, à se confiner dans leur mutisme, en attendant des jours meilleurs qui les aideraient à briser le joug de leur tortionnaire. Pour Faïza, universitaire, divorcée après une année de mariage, le comportement violent de son ex-mari ne pouvait que révéler le manque de civilité et d’un complexe nourrit durant plusieurs années. C’est le cas également de Souad, mère de deux enfants qui refuse de déposer plainte contre son mari, pour violence conjugal, de peur de briser son foyer. La mort dans l’âme, elle préfère le calvaire de son mari que d’être séparée de ses enfants.

En attendant de briser le mur du silence, des centaines de femmes continuent à vivre un calvaire au quotidien.

Samia D.

Les cellules d’écoute face à la détresse féminine

Les numéros verts pour dénoncer la violence à l’égard des femmes se sont multipliés, ces dernières années afin de « voler au secours » de dizaines de femmes qui subissent des sévices indélébiles tant au plan physique que moral. En effet, une nouvelle culture tend à s’installer dans la société, à travers la prolifération de centres d’écoute des femmes violentées.

Après, l’initiative lancée, en 2003, par l’UGTA, notamment par certaines femmes syndicalistes, pour prêter assistance aux femmes victimes de harcèlement sexuel en milieu du travail et ceux lancés par quelques associations féminines, c’est au tour du ministère délégué, chargé de la Famille et de la Condition féminine de se doter d’une ligne verte, pour contribuer à la prise en charge des femmes victimes de maltraitance. Ce dernier, néanmoins, annoncé, en grande pompe, en 2010 et qui devait voir le jour, durant l’année, en cours, n’est toujours pas opérationnel en raison, apprend-on, auprès du ministère, de problèmes, liés principalement à l’absence de l’équipe pluridisciplinaire, censée assurer la mission d’écoute et d’orientation des femmes qui appellent.

Il faut dire qu’en l’absence de structures de prise en charge de cette frange de la société, dans notre pays, d’une part et le poids de la mentalité algérienne qui fait passer sous silence la maltraitance de la femme, conjuguée à l’analphabétisme qui touche un nombre non moins important de la population algérienne, la consécration de numéros verts peut être perçue comme une bouffée d’oxygène pour des centaines de femmes qui prennent leur mal en patience, dans l’espoir de voir le bout du tunnel, d’autant plus que le recours à la consultation d’un psychologue ne fait pas partie des mœurs algériennes. L’importance de ce service, en fait, est confirmée par le nombre d’appels qu’ils reçoivent quotidiennement. Le centre d’appel d’Alger des femmes en détresse a réceptionné, durant l’année 2010, près de 500 appels, un chiffre révélateur de la détresse de ces femmes dont les droits sont bafoués chaque jour que Dieu fait.

S. D.