Fayez el Sarraj en visite aujourd’hui à alger: La diplomatie des petits pas

Fayez el Sarraj en visite aujourd’hui à alger: La diplomatie des petits pas

La scène libyenne a connu d’importantes modifications durant l’année 2016, dont les implications auront en 2017 des impacts imprévisibles.

Le président du Conseil libyen et chef du gouvernement d’union nationale Fayez al Sarraj est aujourd’hui à Alger, pour la seconde fois en moins de deux mois à peine. La crise grave que traverse le pays voisin a connu voici peu des rebondissements qui risquent de le conduire «vers des dérives», faute d’un dialogue inclusif intense, a rappelé, jeudi dernier, Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, africaines et de la Ligue arabe. L’Algérie qui se démène depuis deux ans pour arracher un consensus «ne peut rester indifférente, du fait que la Libye est un pays voisin avec lequel nous partageons une longue frontière, l’histoire, la culture et le voisinage». Pour cela, elle consacre des «efforts qui ne sont pas en contradiction avec l’initiative des Nations unies», et visent une solution politique qui préserve l’unité et la souveraineté de la Libye».

La diplomatie algérienne a travaillé de façon méthodique, loin des feux de la rampe, pour parvenir à ce «dialogue direct entre Libyens». Ce qui ne l’a pas empêché de plaider pour une conjugaison des actions internationales, à la condition qu’elles s’inscrivent dans l’objectif d’accompagnement des Libyens, seuls maîtres de leur sort. «C’est dans ce sens que notre pays a reçu plusieurs acteurs libyens dont M. Aguila Saleh, le président de la Chambre des représentants, et le maréchal Khalifa Haftar», a encore énoncé Messahel, avant d’ajouter que «l’Algérie recevra encore une fois, ce dimanche, Fayez al Sarradj, président du Conseil présidentiel et Premier ministre libyen, ainsi que d’autres personnalités libyennes dans les prochaines semaines».

La scène libyenne a connu d’importantes modifications durant l’année 2016, dont les implications auront en 2017 des impacts imprévisibles. Parallèlement à la reprise de Syrte, le maréchal Haftar et le Parlement basé à Tobrouk ont conforté leur position stratégique en contrôlant Benghazi, d’une part, et les bases pétrolières, d’autre part. S’y ajoutent les deux visites qu’il a effectuées à Moscou, en juin puis en novembre derniers, s’assurant une bienveillance russe d’autant plus utile que la stratégie de Poutine en Méditerranée orientale a triomphé durant l’année écoulée. Face à l’appui russe, chinois et égyptien dont bénéficient Haftar et le Parlement, le Conseil présidentiel hérite, depuis sa création, du soutien de l’Onu et des pays occidentaux. Autant dire que les accusations de connivence avec leur tradition néo-coloniale est parfois brandie pour justifier les méfiances, en particulier des tribus. La situation s’est envenimée lorsque Haftar s’est emparé du croissant pétrolier avec l’appui des milices de Zintan, contraignant celles de Misrata à revoir leur copie.

Dans la foulée, il négociait un accord avec Abdelhakim Belhadj, l’homme fort de Tripoli et le chef de guerre le plus expérimenté du pays, ainsi qu’avec Mohamed Sawan, le leader des Frères musulmans libyens, affaibli par sa défaite aux législatives de 2014 et la perte du soutien de Matteo Renzi. Ainsi, le dialogue entre Haftar et al Sarraj sera parrainé par les milices de Misrata elles-mêmes, un tournant dans leur bras de fer avec le maréchal dont elles ne voulaient pas entendre parler depuis trois ans. Le processus du dialogue inclusif trouverait, dans cette conjonction, matière à fructifier et pourrait même atteindre la phase de consolidation tant souhaitée par l’Algérie.

Un temps exclue des enjeux libyens, la Russie s’est replacée dans l’échiquier libyen avec Haftar, mais nul ne sait, pour l’heure, quelles sont les intentions véritables du président Poutine. En venant à Alger, le Premier ministre libyen table sur le savoir-faire diligent de la diplomatie algérienne qui a carrément mis les bouchées doubles, début novembre, tant la solution est devenue, pour la Libye comme pour les pays voisins, d’une urgence absolue.