En Espagne, Sanchez remporte des élections favorables à l’extrême droite : Un pari risqué

En Espagne, Sanchez remporte des élections favorables à l’extrême droite : Un pari risqué

Par Chaabane BENSACI

Comme s’ils pressentaient tous ces enjeux, les Espagnols se sont rendus en masse dans les bureaux de vote, de sorte que le taux de participation a atteint 75,78%, en augmentation de neuf points par rapport à 2016, selon le ministère de l’Intérieur.

Les prévisions ont été confirmées, au lendemain des élections législatives espagnoles. Le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a en effet remporté, dimanche dernier, ce scrutin sans parvenir pour autant à rafler une majorité suffisante pour pouvoir gouverner seul un pays fortement divisé et où l’extrême droite vient d’accéder au Parlement, plus de quarante ans après la dictature de Franco. Les observateurs redoutent de ce fait que l’Espagne ne puisse échapper à l’instabilité dont souffre la vie politique ces dernières années. En 2015, la polarité conservateurs-socialistes était brutalement rompue et le Parlement s’est découvert quelque peu fragmenté entre différents courants aux accents plus ou mois hostiles tandis que la crise de la Catalogne en 2017 achevait d’exacerber les tensions.

A tel point que le très conservateur Mariano Rajoy a perdu la partie même s’il est parvenu à tenir tête à ses adversaires indépendantistes de la région catalane.Pedro Sanchez a le triomphe modeste. Certes, il déclare au soir même d’une victoire mitigée que «le futur a gagné et le passé a perdu» mais cette envolée lyrique n’avait pas d’autre but que de maintenir l’enthousiasme de ses militants réunis au siège du parti., à Madrid. Et pour cause, le score récolté au terme du dépouillement donne à ce dernier 29% des suffrages, soit 123 députés alors que la majorité absolue est de 176 sur les 350 sièges que compte la chambre espagnole. Pourtant, il y a de quoi se féliciter sans pour autant pavoiser, le progrès s’avérant effectif car en 2016 le parti socialiste n’avait obtenu que 85 députés. Son allié de la gauche radicale, Podemos, a lui obtenu 42 sièges contre 67 en 2016. Toujours est-il que Pedro Sanchez est dans une situation délicate, même si elle ne semble pas périlleuse. Parvenu au pouvoir après avoir écarté Mariano Rajoy, au moyen d’une motion de censure, il lui faut construire une coalition s’il veut diriger le pays. Ce ne seront pas, clairement, les partis de droite qui pourront l’en empêcher.

L’extrême droite a certes obtenu 24 sièges et entre contre toute attente au Parlement pour y jouer une partition probablement singulière tandis que les conservateurs du Parti populaire, descendus à 66 députés quand ils étaient 137 en 2016, auront bien du mal à se reconstruire. Quant aux libéraux de Ciudadanos, ils ont raison de pavoiser, passant de 32 à 57 sièges. Ces trois résultats, additionnés, ne suffiront pas au camp conservateur pour rééditer au plan national la surprise de décembre dernier, lors des régionales d’Andalousie, lorsqu’ils ont détrôné les socialistes de leur fief traditionnel. Cependant, il faut prendre au sérieux l’avertissement que constitue la montée de l’extrême droite, «venue pour rester» selon Santiago Abascal, son principal dirigeant. Inconnu, il n’y a pas si longtemps de cela, Vox a frappé fort en Andalousie et il confirme avec éclat cette expansion inquiétante dans ce scrutin. Il est soutenu par d’autres partis d’extrême droite en Europe (RN en France, et Ligue en Italie) et sa campagne ressemble à celles de Trump et Bolsonaro, axée pour l’essentiel sur les réseaux sociaux.

Comme s’ils pressentaient tous ces enjeux, les Espagnols se sont rendus en masse dans les bureaux de vote, de sorte que le taux de participation a atteint 75,78%, en augmentation de neuf points par rapport à 2016, selon le ministère de l’Intérieur. Dans les heures et les jours qui viennent, le parti socialiste et son allié Podemos (gauche radicale) vont devoir construire une alliance que la droite et Vox ne manqueront pas de stigmatiser, s’attaquant au «traître» Sanchez parvenu au pouvoir avec le soutien des séparatistes catalans. La crise en Catalogne avait engendré la pire crise traversée par l’Espagne depuis trois décennies et elle a contribué à renforcer l’extrême droite à un moment où les indépendantistes ont lâché le Premier ministre socialiste, contraint de procéder à ce scrutin plutôt risqué. Plus que jamais, le PSOE est à la croisée des chemins et le choix d’un allié se révélera aussi bien vital que fatal.