Khalo Matabane, réalisateur sud-africain du documentaire «Mandela, the myth and me » (Mandela, le mythe et moi), projeté dans le cadre du Festival international du cinéma d’Alger, dédié au film engagé, a animé, hier, à la salle El Mougar, un débat autour de son documentaire.
Se voulant une nouvelle narration sur Nelson Mandela, le documentaire, dans lequel le cinéaste s’adresse à la deuxième personne du singulier à Nelson Mandela, son «héros d’enfance», tente de comprendre les conséquences de sa politique de réconciliation menée entre Sud-Africains noirs et blancs durant son unique mandat présidentiel (1994-1999). Il s’interroge également sur l’héritage que ce dernier a laissé derrière lui à l’Afrique du Sud, un pays toujours rongé par les inégalités.
D’abord, Khalo Matabane, qui a vécu l’apartheid pendant son enfance, tient à souligner que son film est «une lutte pour la mémoire». A sa mort en décembre 2013, Nelson Mandela, qui a mené une lutte contre l’apartheid, depuis ses années de combat au sein de l’ANC jusqu’à sa libération triomphale en 1990, après vingt-sept ans de prison, suscite des interrogations. En effet, son parcours ne cesse d’intriguer : où est passée la colère de Madiba ? Nelson Mandela a pardonné aux acteurs de l’apartheid, ceux qui lui ont fait du mal. «Nelson Mandela incarnait le conflit entre la lumière et l’obscurité, il était tiraillé entre l’envie de se venger contre ceux qui l’ont maltraité et ce besoin de pardonner», dit Khalo Matabane. Et de poursuivre : «Il a préféré cependant l’option du pardon. Le documentaire porte beaucoup plus sur le pardon, la réconciliation et la liberté. Mandela a beaucoup pardonné à ses bourreaux.» C’est pour cette raison que Nelson Mandela, selon Khalo Matabane, est «considéré par les uns comme un héros, par d’autres comme un homme de paix, et par d’autres encore comme un révolutionnaire».
«Mais il faut considérer Nelson Mandela comme la figure symbolique d’une lutte collective, un homme en qui on peut projeter nos idées», souligne-t-il.
Celui qui refuse d’être un journaliste d’investigation, raconte en toute humilité Nelson Mandela.
Tour à tour fasciné, intrigué et déçu par une fi-gure de révolté devenue icône, Khalo Matabane réalise un film en forme de lettre adressée à Nelson Mandela, en convoquant ses souvenirs. Il donne également la parole aux observateurs et acteurs de l’histoire. «Je ne voulais pas être très personnel avec Nelson Mandela, je ne suis pas intelligent en prétendant détenir une vérité sur Mandela, cette figure historique, je pose dans mon film seulement des questions et je ne prétends pas y apporter des réponses. Je pose des questions et je cherche des réponses. Je cherche à comprendre comme celui qui va regarder mon film», explique-t-il. Ainsi, tente-t-il de comprendre Mandela, de comprendre les choix qu’il a faits.
Yacine Idjer
• En réalisant le documentaire, Khalo Matabane, qui refuse d’être considéré comme un intellectuel au sens prétentieux du terme, estime : «Je ne prétends pas apporter une vérité sur Nelson Mandela. Dans le monde où l’on vit, il y a une fine ligne séparant la réalité et le fantasme, il y a plusieurs vérités, tout dépend de l’angle où l’on se situe. Chacun dit détenir la vérité, il se trouve qu’il s’agit de de sa propre vérité sur Nelson Mandela, c’est selon le regard de chacun porté sur ce dernier.» A la question de savoir si le mot mythe que l’on retrouve dans le titre est approprié à un homme qui a changé le cours de l’histoire en Afrique du Sud, Khalo Matabane répond : «Le titre m’a été imposé par la BBC, qui a produit le film, il voulait changer certains aspects de mon film, mais j’ai catégoriquement refusé, la seule condition à laquelle je me suis soumis, c’est de changer le titre. A l’origine, le documentaire devait s’intituler Lettre à Mandela. Il ne faut pas considérer Mandela comme un mythe, car cela réduit son historicité, ou le hisser à un statut de saint ou quelqu’un d’intouchable. Mais Mandela est quelqu’un qui s’est inscrit dans un processus d’engagement et qui a concrétisé les aspirations d’un peuple.» Y. I.