Djamel Ould Abbes, SG du FLN à “Liberté” : “Saâdani ne pourra jamais revenir au FLN”

Djamel Ould Abbes, SG du FLN à “Liberté” : “Saâdani ne pourra jamais revenir au FLN”

Après la ville de Saïda, il animait son 50e et dernier meeting de campagne pour les législatives du 4 mai dans la wilaya de Mascara. Outre sa performance, le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbes, évoque, dans cet entretien à Liberté, le scrutin mais surtout les questions liées à la campagne émaillée d’attaques et de critiques de “la nouvelle méthode du parti”, venues d’adversaires politiques et de l’intérieur du parti. Ce sont, selon lui, des manipulations pour l’affaiblir et affaiblir le parti.

Aussi se place-t-il dans la posture du “gêneur” qui a, à la fois, empêché l’effondrement du FLN, mais aussi réussi le pari de lui rendre sa popularité. Il profitera de cette occasion pour répliquer à ses détracteurs, notamment Amar Saâdani, son prédécesseur à la tête du parti, et à Ahmed Ouyahia qui l’a pris pour cible durant cette campagne.

Liberté : Quel bilan faites-vous de cette campagne ?

D. Ould Abbes : C’était un défi, un grand défi. D’autant plus que j’étais animé d’une grande volonté. J’ai remarqué, juste avant cette campagne, que certains ont spéculé, ont parlé d’âge avancé. Ils ont parlé du mauvais état de santé du parti, de clivages, ils ont tablé sur une campagne ratée, surtout sur ma présence dans trois ou quatre meetings et sur des influences éparses et également sur des incidents. Aujourd’hui, c’est le 50e meeting que j’anime personnellement.

Et j’ai comptabilisé avec mes collaborateurs approximativement le nombre de présents dans chaque meeting. Comme aujourd’hui, il y a bien 8 à 12 000, Tlemcen c’était plus, à la Coupole, c’étaient 15 000. Au total, ce sont 260 000 personnes auxquelles je me suis adressé. 50 meetings et pas un seul incident n’a été enregistré. J’ai été ébahi par la discipline. Et puis, je n’ai pas utilisé la langue de bois. Dans chaque wilaya, j’ai potassé mes leçons et je connaissais les préoccupations.

Comme vous l’avez vu aujourd’hui, je m’adresse aux citoyens en citant leurs préoccupations, celles que je peux prendre en charge ; et j’en ai pris en charge certaines, en intervenant auprès des ministres qui nous sont affiliés, d’autres avec des engagements avec Sellal. Chemin faisant, j’ai constaté un engouement, non seulement des militants, mais également de la population. Pourquoi ? Parce que ceux qu’on a critiqués au début, ceux qu’on a critiqués, il y a deux jours, dans un certain fameux communiqué, “la non-cohérence des listes”, c’est absolument faux, parce que les listes comportent à 70% des visages nouveaux, des femmes, des jeunes et surtout le niveau intellectuel. 70% des candidats ont un niveau universitaire. Parmi les 30% restants, il y a du primaire, du secondaire, des fellahs, etc.

Ceux qui considéraient ces listes comme un handicap, il s’est avéré que c’est un véritable atout. Là où je suis passé, la population est satisfaite des listes. Ce que l’on pensait être un handicap était un atout. Les mécontents, chemin faisant, quand ils ont vu et vécu l’engouement, la motivation et l’engagement pas seulement des militants mais des jeunes, j’ai passé un accord avec toutes les organisations estudiantines, qui m’ont accompagné partout, et qui ont animé des meetings, avec la société civile, avec l’UGTA qui a marché, avec l’UNPA, l’UNFA, les handicapés, etc.

Cet accord a donné une vision différente du FLN à la population. Ils ont vu un FLN sans langue de bois, je parle de leurs préoccupations, parce que c’est un scrutin local où vous devez élire des gens qui doivent porter là où il faut vos problèmes et vos préoccupations. Je vais utiliser la formule d’un ancien SG du PC français, Georges Marchais, globalement positif. Je suis très satisfait d’avoir accompli un travail colossal. Quand on a constaté que la machine roulait bien, les compétiteurs ont manipulé l’histoire de mon passé révolutionnaire.

Justement, ce n’est pas parce que vous avez fait une campagne parfois personnalisée que vous faites l’objet de critiques et d’attaques ?

Non, ce sont eux qui ont sorti cela. Il n’est pas moudjahid, il n’est pas condamné à mort. On ne peut pas s’improviser moudjahid et condamné à mort. Ce n’est pas une partie de football, ce n’est pas un rôle dans une pièce de théâtre, c’est la vie de moudjahid, ça se sait. J’ai des documents, un mandat d’arrêt à Tlemcen, un mandat d’arrêt international, j’ai l’original, à Paris, ensuite le jugement des tribunaux des forces armées de l’Ouest qui me condamnent à la peine de mort.

Pourquoi alors ces attaques ?

C’est pour me handicaper, pour me diminuer pour que j’arrête cette campagne. Parce qu’elle a gêné. Parce que j’ai touché pas mal d’intérêts. Je dis bien pas mal d’intérêts. Les documents, je les ai. J’ai même un article du magazine Révolution africaine de 1985, il y avait à Saïda, un séminaire sur l’écriture de l’histoire de la Révolution, le 22 février, avec Messaâdia, il y avait un journaliste qui m’a interviewé et a fait un article intitulé : “Un ancien condamné à mort raconte”. Et Lamkami, qui dit cela maintenant et qui était député avec moi, a lu l’article.

Pourquoi n’a-t-il pas réagi en 1985 ? Il était député avec moi, il était au lycée avec moi avant 1954. Je l’ai perdu de vue. Il était à Oujda. Cerise sur le gâteau, je vais à Tlemcen pour un meeting, il y a un moudjahid qui a publié 10 livres, il est monté sur la scène, il a sorti deux livres, en arabe et en français, Une famille en tourment, il a dit à l’assistance, c’est moi qui lui ai remis la grenade pour tel attentat.

On s’est raconté d’autres événements. Puis, vient un fils d’un ancien adjoint de Boumediene, de Ghazaouet, qui, à son tour, est monté à la tribune, pour dire que le pistolet 11.49, c’est mon père qui le lui a donné. Tous ces témoignages ne leur ont pas suffi. Alors je leur ai dit, il faut se faire guillotiner pour qu’on croie que vous êtes condamné à mort.

Que pensez-vous de la lettre d’Amar Saâdani adressée aux militants et où il critique les listes du parti ?

Je vous raconte, la veille j’étais à Oued Souf, sa région, j’avais son frère mouhafedh assis à mes côtés. Lorsque j’ai pris la parole, j’ai évoqué l’histoire d’El-Oued, des personnalités et des responsables, dont Abdelaziz Khelaf, ancien ministre sous Chadli ou comme actuellement Haba, secrétaire général à la Présidence, d’autres ministres et évidemment Saâdani, qui était troisième homme de l’État. Et secrétaire général du parti, et c’est lui, qui, lors de la session du comité central, m’a proposé de prendre sa place et de me faire élire.

C’est lui qui me l’a proposé. Je l’ai mis en valeur par éthique. Je n’avais aucun problème avec lui. Il a sorti cette lettre, il a été très mal inspiré. Il veut peut-être revenir, mais il ne pourra jamais revenir au FLN, c’est impossible. Il cherche autre chose ? Il parle des listes, il sait dans quelles conditions j’ai travaillé. Nous travaillons sur cette élection depuis quatre mois. Ce que j’ai dit à la Coupole, un proverbe français qui dit : “La victoire a beaucoup de pères, la défaite est orpheline.” Comme certains ont beaucoup de flair, ils ont vu la victoire venir, ils montrent le bout du nez.

Maintenant que nous sommes à deux jours du scrutin, nous leur demandons de nous aider par leur silence. Je ne veux pas polémiquer avec lui, ça l’arrangerait. Il a perdu l’occasion de se taire. Et ce poste de SG, je n’y suis pas incrusté. C’est une mission, je peux partir à n’importe quel moment. Moi, j’ai servi mon pays, j’ai été comblé par mon pays et je le remercie. Je n’attends rien, mon avenir politique est derrière moi. Je le dis, je les ai gênés avec le travail que j’ai accompli. Ils ne s’attendaient pas à ce que je fasse autant de meetings.

Cette campagne a été aussi marquée par ce duel Ould Abbes-Ouyahia et son lot d’attaques et de répliques !

C’est lui qui a commencé. Ouyahia, il y a quelqu’un qui l’a épinglé, en disant tout haut ce que tout le monde pense tout bas, c’est Makri qui a dit qu’il est en train de faire une campagne présidentielle. Quand j’ai parlé de salaires, parce que j’étais au gouvernement, et il était Premier ministre, nous avons pris la décision collégialement, mais il fallait le dire au Président si on n’était pas d’accord. Il ne l’a pas dit.

Maintenant, il dit, je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas vrai. Maintenant, quand il a vu le nombre de meetings que j’ai animés, le nombre de personnes qui y ont assisté, ça l’a gêné, il s’attaque à Ould Abbes qu’il accuse de monopoliser le président de la République. C’est le Président de tous les Algériens, mais c’est le président de mon parti aussi. Puis il parle du programme, c’est le programme du Président. Nous n’avons rien inventé. Ses réactions sont le signe qu’il a perdu son sang-froid, il s’est vu en perte de vitesse par rapport au FLN. Il croyait remporter la victoire. Il a des ambitions présidentielles, moi, j’appelle ça des prétentions. Et le scrutin du 4 va être déterminant pour la prochaine présidentielle.