Des spécialistes décortiquent la nomination du nouveau P-DG de la compagnie: “Néfaste à la stabilité de Sonatrach”

Des spécialistes décortiquent la nomination du nouveau P-DG de la compagnie:  “Néfaste à la stabilité de Sonatrach”

Ces experts craignent que ce changement ait des répercussions négatives sur l’évolution et les résultats du groupe pétrolier national.

Amine Mazouzi, le désormais ex-Pdg de Sonatrach, a été limogé, comme l’ont été, avant lui, Mohamed Meziane, Abdelhafidh Feghouli, Noredine Cherouati, Abdelhamid Zerguine et Saïd Sahnoun. Abdelmoumen Ould Kaddour lui succèdera. Il prend les commandes d’une compagnie pas au mieux de sa forme et de ses capacités de production. Il va s’attribuer les pleins pouvoirs pour la conduire au mieux de ses compétences. Mais il part avec un handicap.

Ould Kaddour a eu à diriger Brown & Root Condor (BRC), une filiale de Sonatrach créée en partenariat avec une entreprise américaine. Brown & Root Condor mise en cause dans des affaires de corruption sous sa direction. Et cela ne joue pas en sa faveur. Pourquoi un tel choix ? “C’est déroutant, je ne comprends pas ce qui se passe dans une entreprise aussi importante que Sonatrach”, nous explique un ancien cadre au ministère de l’Énergie et des Mines qui connaît le nouveau P-dg de la compagnie nationale et qui a travaillé avec lui, au début des années 2000. Il dira qu’Ould Kaddour “a la tête bien faite” et est un “brillant” cadre. Mais, ajoute-t-il, sa désignation au poste de président-directeur général de Sonatrach m’intrigue.

Les nominations à la tête de Sonatrach ont souvent été “énigmatiques” et aussi paradoxales que révélatrices, souligne, de son côté, Nasreddine Lezzar, avocat, spécialiste du droit international. Après l’ère Chakib khellil, dit-il, un “obscur fonctionnaire” de la Banque mondiale, présenté comme un “concepteur hors pair” de politiques pétrolières, voilà qu’un autre membre de la meute libérale est nommé à la tête de la première compagnie d’Afrique, alors qu’il était “en phase terminale d’une maladie mortelle”.

Il s’agit d’une personne “douteuse, traînant la casserole d’une condamnation pour violation présumée du secret défense et ayant été à la tête d’une entreprise algéro-américaine au passé non moins douteux”. Cette nomination, ajoute-t-il, est décidée au moment où se construit un partenariat consistant avec l’italienne ENI, qui a été et qui est toujours au cœur d’un immense scandale financier impliquant des dignitaires algériens. Saïd Beghoul, expert pétrolier, estime, lui, qu’un changement à la tête d’une grande entreprise comme Sonatrach “doit se préparer” quelques semaines à l’avance pour les passations de consignes “préservant la continuité” des projets. Malheureusement, regrette-t-il, ce changement “brutal” semble ne pas tenir compte de cet aspect.

Et, par conséquent, poursuit-il, le nouveau P-dg va certainement tenir un autre langage, instaurer sa propre vision, installer son propre staff, voire lancer ses propres projets qui pourraient mettre aux oubliettes ceux engagés par son prédécesseur, ce qui est “néfaste” pour la stabilité de l’entreprise. Selon Saïd Beghoul, cette manière de faire va aussi “décourager” les investisseurs étrangers, lesquels souhaitent la “stabilité managériale”.

D’ailleurs, relève-t-il, depuis une quinzaine d’années, pas moins de sept P-dg ont géré la compagnie nationale d’hydrocarbures, et c’est durant cette période d’instabilité que le domaine pétrolier algérien a attiré le “minimum de partenaires”. Ali Kefaïfi, spécialiste des questions énergétiques, explique, dans une déclaration qu’il nous a faite, que les changements fréquents à la direction du Groupe pétrolier ne “la servent pas, a fortiori, dans la conjoncture pétrolière actuelle”. J’estime, juge-t-il, que c’est un “mauvais signe”. Ali Kefaïfi préconise qu’il faut “changer de politique pétrolière à Sonatrach” et travailler davantage sur les “gisements existants” en augmentant les taux de récupération. Il ajoute, cependant, que c’est une “mauvaise chose” que d’aller faire des forages en mer aujourd’hui. Car, précise-t-il, cela coûte très cher (100 à 200 millions de dollars).