Des manœuvres dilatoires empêchent la concrétisation du projet: FJD-Ennahda-El Bina : l’alliance compromise

Des manœuvres dilatoires empêchent la concrétisation du projet: FJD-Ennahda-El Bina : l’alliance compromise

“Nous ne nous pressons pas pour donner une structure fragile et de faux espoirs au courant islamiste”, affirme le chargé de communication d’El Bina.

La fusion projetée entre le mouvement Ennahda de Mohamed Douibi, le Front de la justice et du développement (FJD) d’Abdallah Djaballah et le mouvement El-Bina de Mustafa Belmehdi serait-elle un projet mort-né ? La perspective est franchement redoutée, étant donné les lenteurs mises à aller de l’avant dans cette construction censée arracher la mouvance islamiste aux atomisations.



Le doute s’est installé chez l’un, sinon deux segments agissants du regroupement islamiste. Une source proche de l’alliance islamiste bipolaire, constituée autour d’“Ennahda historique” et d’El-Bina, s’inquiète de l’absence de réunion de la commission de direction de l’alliance composée de Fateh Rebiai, Lakhdar Benkhellaf et Ahmed Dane, depuis plus de quatre mois, soit avant même les dernières élections législatives. Un retard qu’elle lit comme un révélateur des atermoiements dans l’édification de ce triumvirat rêvé, mais qui semble s’étrenner avec difficulté,   comme l’atteste une récente déclaration faite par le président du FJD, Abdallah Djaballah,  selon laquelle “des problèmes juridiques et techniques” font obstacle à l’achèvement du processus d’intégration. Conséquence : le processus de rapprochement s’en trouve perturbé, voire carrément obstrué. Le congrès rassembleur, passage obligatoire, est renvoyé aux calendes grecques. Un statu quo qui sclérose l’initiative islamiste et qui, peut-être, la voue à l’échec irrémédiable. En effet, depuis les dernières élections législatives, qui ont connu un enthousiasme chez le regroupement des trois partis, il y a de moins en moins de volonté affichée à poursuivre la construction du grand parti islamiste.

Un manque de volonté criant. Les résultats décevants récoltés par l’alliance électorale des trois partis n’ont pas été pour accélérer le processus. Le faible score électoral semble même leur donner à réfléchir (autrement). Et comme un malheur ne vient jamais seul, la situation organique de l’un des trois potentiels alliés n’est pas pour booster les choses. Le projet, longtemps caressé par les leaders islamistes depuis les années 70, subit, en effet, les contrecoups de la crise interne au sein du mouvement Ennahda, où le secrétaire général, Mohamed Douibi, a maille à partir avec le bureau national du parti, dont 11 membres influents ont claqué la porte. Selon notre source, le premier responsable du parti Ennahda agit délibérément dans le sens d’un retardement de la tenue du majliss echoura (conseil national), dont la session aura lieu, finalement, les 21 et 22 juillet prochains.

Ce qui ne peut pas constituer une assurance, puisque personne ne peut présager de la décision qui sera prise à l’occasion. Les deux partenaires d’Ennahda dans le projet d’alliance (fusion) ne sont pas rassurés. Le retard mis pour réunir la plus haute instance du parti entre deux congrès, est, pour eux et pour beaucoup d’observateurs, assez révélateur des réticences que le parti éprouverait à aller de l’avant de cet édifice. Le premier responsable d’Ennahda craindrait une motion de censure de la part de ses contradicteurs et adversaires parmi les cadres du parti.

Il craindrait, par la même occasion, de perdre certains privilèges, comme par exemple ne pas se retrouver au sein de la direction de cette alliance. Aussi, en tergiversant, il pourrait vouloir surenchérir en vue de renégocier les termes de l’engagement préalable.

Au fait, le secrétaire général d’Ennahda semble ne pas avoir les coudées franches, à en croire cette même gorge profonde au sein du parti, qui décrit d’ailleurs une situation complexe pour lui. Il serait, selon la même source, sous “l’effet dominateur inhibant d’un bureau parallèle, formé autour de l’ancien trésorier du parti”. À telle enseigne que “cette structure est allée jusqu’à remettre en cause les décisions du bureau national, afin de préserver ses propres intérêts”.

Or, cette attitude n’a pas été du goût des membres de cette instance. Ces jeunes cadres qui se voyaient dépassés par cette structure parallèle, piaffent maintenant d’impatience de pouvoir en découdre avec cette vieille garde au sein du mouvement, qui empêcherait et l’émergence d’une relève au sein du parti, et la réalisation du projet unioniste.

Les réticences sont remarquées également au  sein du mouvement El-Bina, où l’on nous signale le vœu de vouloir retarder le congrès rassembleur après les élections locales.

Ce que confirme le chargé de communication d’El-Bina, Kamel Kraba, qui fera état de l’impossibilité de tenir un congrès en phase de campagne électorale. “Le seul document qu’on détient est la déclaration constitutive de l’union  qui englobe une série de principes, mais la vision quant aux structures d’intégration à différents niveaux, local, régional et au Parlement, reste à définir. Elle devrait être précédée par une unification de la vision politique”, a-t-il indiqué, avant de reconnaître la complexité d’une telle œuvre. “Nous ne nous pressons pas pour donner une structure fragile et de faux espoirs au courant islamiste.”