Collo: Désastre écologique à l’oued Cherka

Collo: Désastre écologique à l’oued Cherka

Par A.Boukarine

Jadis limpide et poissonneuse, cette lagune est devenue un réceptacle de déchets liquides et solides, causant d’énormes dégâts à la faune et la flore.

Oued Cherka, long de 10 km et d’une largeur variant entre 10 et 20 m et de 5 m de profondeur, tire sa source de Laâzilet (commune de Béni Zid) et traverse une partie de la commune de Chéraïa, ainsi que les plaines d’El-Mohken et de Taleza et son importante nappe phréatique pour aller déverser ses eaux dans la mer. Ses berges sont peuplées d’une variété d’essences composée essentiellement de rosiers, tamaris, lierres grimpants, frênes, ronciers, peupliers et autres variétés de plantes décoratives. C’est aussi un lieu de nidation des poules d’eau, d’oiseaux sédentaires et fréquenté par les oiseaux migrateurs, des oiseaux passereaux, des tourterelles migratrices, l’oiseau martin-pêcheur, des espèces entomologiques (insectes) comme les libellules de différentes couleurs et des araignées.

On y trouve une variété de poissons d’eau douce et de mer comme le mulet, le barbeau, le bar, l’anguille et aussi des amphibiens comme la tortue, les serpents, les grenouilles et même la loutre qui a disparu depuis peu. Chacun joue son rôle dans la préservation de l’équilibre écologique, sauf l’homme qui se distingue par son rôle nocif, celui de grand pollueur, sachant que certaines espèces ont disparu depuis peu, depuis que l’eau saumâtre a changé de couleur par les souillures des déchets divers.

La pollution de la lagune a commencé à la fin des années 70 avec la réalisation du “village socialiste” à 500 m en amont de l’oued. Facilité oblige, le réseau d’assainissement a été orienté vers l’oued. Depuis, l’urbanisation effrénée des alentours de cette rivière et même des nouvelles agglomérations de part et d’autre des berges et faute de réseaux d’assainissement, l’oued est aussi devenu un réceptacle des eaux usées, au grand dam des amoureux de la nature et protecteurs de l’environnement. Cette situation a empiré avec l’attribution de 700 et 400 logements LPA sur les hauteurs du site avec des réseaux d’assainissement qui se déversent directement dans l’oued et partant sur la plage de Taleza.

Encore une fois, ces déchets ont causé un massacre des poissons qui, faute d’oxygène, meurent asphyxiés. D’ailleurs, une partie des déchets de la décharge publique se trouvant aussi pas loin de la lagune est ramenée lors des intempéries pour faire pourrir encore plus cette lagune. Lors d’une récente visite, nous avons constaté des dizaines de poissons gisant de part et d’autre de la lagune et une odeur nauséabonde qui fait fuir les pêcheurs. Idem pour la flore embellissant le site dégradé par la pestilence de l’environnement immédiat. Cette situation a aussi empiré depuis que l’embouchure de cet oued qui se déverse sur la plage de Taleza fut obstruée pour la réalisation d’un nouveau pont.

Comme la mer est devenue un grand dévidoir de cette rivière qui le débarrasse des divers détritus et partant lui fournit l’oxygène qui permet à sa biomasse de survivre, avec la fermeture de cette source de vie, les poissons meurent dans une indifférence presque totale.

Néanmoins, une association locale n’abdique pas face à cette fatalité et à l’insouciance de ceux qui prétendent protéger notre environnement. Le président de l’association écologique El-Manara, Sofiane Hassaïne, nous rappellera qu’autrefois les riverains de l’oued, les habitants de Taleza et de Aïn Aghbal, abreuvaient leur bétail dans cette lagune. Et de s’offusquer : “Que reste-t-il aujourd’hui de ces merveilles ? L’eau est envahie par une espèce d’algue verte, des odeurs nauséabondes à la limite du supportable, un tourbillon à l’embouchure de la canalisation des eaux usées avec de l’eau trouble tout autour.”

Il nous dira que les gens de la région de Collo s’inquiètent du devenir de la lagune, tout en proposant sa valorisation dans le cadre de la promotion touristique en créant des pistes tout au long de la lagune pour des randonnées pédestres et en effectuant des sorties à bord d’embarcations. En effet, l’association écologique El-Manara a adressé un courrier, dont une copie nous a été remise, à la direction de l’environnement et au ministère de tutelle.

Cette association, qui milite vraiment sur le terrain avec ses diverses activités, notamment pour sensibiliser les enfants à la protection de l’environnement, tire encore une fois la sonnette d’alarme pour sauver cet oued qui faisait nourrir même des familles, vu son eau poissonneuse. Cette association rappelle dans cette lettre le désastre écologique du mois d’août 2018 qui a vu des milliers de poissons morts par asphyxie et rejetés sur le rivage, mais son cri de détresse est resté vain.

El-Manara interpelle de nouveau la direction de l’environnement pour prendre ses responsabilités pour la réouverture de la brèche avec la mer, mettre fin à la stagnation des eaux, et partant réduire le taux de pollution et ainsi sauver ce qui reste de créatures dans cet oued. Elle demande aussi l’envoi d’une commission scientifique pour une étude et une évaluation des dégâts causés par la pollution et sa classification comme une zone humide à protéger et enfin la réalisation de la station d’épuration des eaux usées (step) tant attendue dans cette région pour mettre définitivement un terme aux eaux usées rejetées dans la mer, sachant que l’étude pour la réalisation d’une step à Collo existe depuis une dizaine d’années, mais elle tarde à se concrétiser, tout comme d’ailleurs le projet du centre d’enfouissement technique.

A. Boukarine