La chanson chaouie, un patrimoine millénaire recherche valorisation

La chanson chaouie, un patrimoine millénaire recherche valorisation

La chanson chaouie, musique de patrimoine authentique de la région des Aurès, est souvent liée aux voix pures de ses ténors, aux deux instruments typiques de la Gasba et bendir et à des paroles chargées des valeurs de l’amour, de l’espoir et de l’unité.

Son histoire contemporaine est aussi intrinsèquement liée aux grands noms d’Aïssa Djermouni et Beggar Hadda qui ont donné à cette musique ses moments de gloires et sa réputation à l’échelle nationale, mais aussi internationale.

Nombre d’Algériens même s’ils se laissent « chatouillés » par toutes les musiques, avouent souvent avoir une sensibilité « toute particulière » pour la chanson chaouie, notamment lors de leurs fêtes et grandes occasions.

Sexagénaire, Ali originaire de la ville de Khenchela, affirme avoir toujours un faible pour la chanson chaouie moderne, mais surtout traditionnel dont les paroles aux significations profondes arrivent toujours à « l’électriser » en dépit de l’âge.

Pour Mehdi Y. de Kaïs, la chanson chaouie accompagnée des seuls gasba (flûte) et bendir, est plus agréable à l’ouïe et mieux expressive de l’authenticité chaouie. Ce genre, de plus en plus rare, arrive à plonger l’auditeur dans les tréfonds des significations poétiques de ses paroles et des histoires à forte symbolique qu’elles relatent, ajoute ce jeune qui relève que la puissance des voix du chanteur rajoute « davantage de relief » à cette musique.

Paroles et mélodies chaouies : répétition et déperdition

Pour l’artiste Abdelhamid Bouzaher, natif de la ville de Khenchela et porte-drapeau de la chanson chaouie dans toute la région, la nouvelle génération de chanteurs chaouis « manque de foi dans la musique qu’ils produisent ».

« Cela est dû à la faiblesse de leur culture chaouie auréssienne », estime cet artiste qui ajoute que « ça se ressent dans leurs oeuvres qui paraissent sans âme ».

Le manque de recherche dans la production de paroles sérieux constitue aussi l’une des causes de la « faiblesse de la chanson chaouie », considère encore Bouzaher qui estime que « les chansons nouvelles sont dépourvues de valeurs et de sens profonds ».

En mal également d’appui à la production et à la diffusion, cette chanson patrimoniale exige tout particulièrement des paroles en symbiose avec les tonalités spécifiques de la gasba et bendir et ses paroles ont toujours été comme le montrent les plus anciennes chansons des poèmes rimés et à rythmique singulière, soutient Bouzaher.

Les thèmes de cette chanson ont ainsi été constamment proches des palpitations de la société abordant amour et mariage, divorce et séparation, le courage et l’esprit chevaleresque des hommes, la fierté des femmes, relève encore ce chanteur chaoui qui se souvient d’une triste chanson à grand succès sur le divorce qu’il avait chanté en 1982 « Taret Lehmama » (la colombe s’est envolée) dans le refrain était « Taret lehmama, mesboughet el janhine, khelatli litama oua elgoumri hzine » (la colombe aux ailes colorées s’est envolée. Elle m’a laissé des orphelins et de la tristesse).

La chanson chaouie, un patrimoine absent en dépit de ses atouts

La chanson chaouie possède tous les atouts de succès mais exige une grande volonté et beaucoup de travail pour recouvrer la place qui lui revient sur la scène artistique nationale, a estimé Mohamed Salah Ounissi, chercheur en histoire et patrimoine amazighs.

Cette chanson est d’un genre musical de qualité qui recourt à des fortes paroles, estime Ounissi qui regrette « la légèreté affichée » envers les paroles par les nouveaux artistes qui se contentent de reprendre les paroles d’anciennes chansons dans lesquelles avaient excellé Aïssa Djermouni, Beggar Hadda, Kadour El Yaboussi, Ali Ghilani, Tahar Yakoubi, Saïd Djeridi et autres.

Ces poèmes chantés en chaoui appartiennent, estime Mohamed Salah Ounissi, à quatre genres Demmam, Ayach, Saroui et Ahmed Ammemi et « c’est en fonction de la capacité de l’artiste à interpréter ces genres que son talent est apprécié », atteste-t-il.

Pour ce chercheur, certains nouveaux artistes ont réussi à préserver l’authenticité de la chanson chaouie malgré leur recours à des instruments musicaux modernes dont Djo (Djamel Sabri d’Oum El Bouaghi), Amirouch, Dehia et Mihoub de la région de T’kout (Batna).

Un intérêt tout particulier doit être porté par les spécialistes aux paroles chantées afin que la chanson chaouie puisse retrouver son lustre ancien, a notamment estimé Mohamed Salah Ounissi.