Centrafrique: L’accord de paix dans la tourmente

Centrafrique: L’accord de paix dans la tourmente

L’accord de paix en Centrafrique, signé début février, est dans la tourmente depuis la formation d’un nouveau gouvernement dimanche : quatre des 14 groupes armés signataires, dont deux des principaux, ont marqué leur désaccord avec la nouvelle équipe gouvernementale.

Les uns après les autres depuis l’annonce sur les ondes de la Radio nationale dimanche du nouveau gouvernement, quatre groupes armés l’ont désavoué dont deux considèrent de facto leur signature à l’accord caduque.

Hier à la mi-journée, le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC), l’un des principaux groupes armés issus de l’ex-coalition musulmane de la Séléka qui avait pris Bangui en 2013, a estimé l’accord «caduc».

Bien qu’un de ses membres fondateurs ait été nommé ministre de la Modernisation, le groupe armé — basé le long de la frontière avec le Tchad dans le Nord-Ouest — a estimé que le gouvernement formé n’est «en aucun cas (le) gouvernement inclusif» prévu dans l’accord de paix.

Un de ses alliés, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), a fait pareille annonce dimanche, en annonçant ne pas vouloir participer à ce «gouvernement de mascarade» bien qu’ayant deux représentants titulaires de maroquins ministériels.

Le FPRC, qui a la main sur une large partie du nord du pays, n’a néanmoins pas spécifié s’il se retirait de l’accord.

Hier, deux autres groupes armés, mineurs sur la scène géopolitique centrafricaine, ont tour à tour dénoncé l’accord: le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC, localement implanté dans le nord-ouest du pays) a annoncé «se retirer purement et simplement du processus de paix».

N’ayant pas eu de maroquin ministériel, le groupe estime que le nouveau gouvernement «ne prend pas en compte les attentes des signataires».

Enfin, le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ), petit groupe implanté dans le nord, a demandé aux autorités de «revoir leur copie et rester dans l’esprit de l’accord». Il n’a pas non plus eu de portefeuille.

«En jouant au ‘’On reprend les mêmes et on recommence’’, le président de la République (…) vient d’étouffer dans l’œuf l’espoir» mis par le peuple centrafricain dans l’accord de paix de Khartoum, selon le FPRC. Dimanche après-midi, en application de l’accord signé le 6 février à Bangui et négocié des semaines durant à Khartoum (Soudan), un «gouvernement inclusif» a été formé.

Mais dans la nouvelle équipe gouvernementale, aucun ministère régalien n’a changé de titulaire. Six des 14 groupes armés ont obtenu des ministères.

«On ne peut pas prendre tout le monde au gouvernement, sinon on serait plus de 70, ce n’est pas possible !», a déclaré à l’AFP une source proche du gouvernement hier.

Le poste de Premier ministre — que réclamaient les groupes armés — a été attribué à un proche du président Faustin-Archange Touadéra, son ancien directeur de cabinet Firmin Ngrebada.

Depuis la signature de l’accord, quelques incidents armés ont eu lieu en Centrafrique, mais aucun combat de grande ampleur n’a été observé.

Hier, des barricades ont été montées par le FDPC aux alentours de Zoukombo, dans le nord-ouest à une centaine de km de Bouar, entre Beloko et Bouar.

«Madame la préfète et la Minusca (mission de l’ONU en Centrafrique, ndlr) sont en route pour Zoukombo pour passer un message du Premier ministre au FDPC», a indiqué hier matin à l’AFP une source préfectorale de la Nana-Membéré. «Le Premier ministre veut leur faire comprendre qu’ils auront des places dans le gouvernement», a indiqué la même source.

Les autorités n’avaient pas officiellement réagi hier matin. Une allocution du Premier ministre est attendue à 15H00 (14H00 GMT).

«Il y aura peut-être des incidents, des difficultés, des tentatives de recul, mais est-ce que cela voudra dire que l’accord est obsolète ? Non !», avait martelé fin février le ministre de la Communication, Ange-Maxime Kazagui, face à des journalistes sceptiques en conférence de presse.

Cet accord de paix, soutenu par tous les partenaires de Bangui et préparé depuis 2017 par l’Union africaine (UA), est le huitième signé depuis le début de la crise en 2013.

Aucun des précédents accords de paix n’a abouti à un retour de la stabilité, pas plus que la Minusca, déployée en 2014 et forte de 11 000 Casques bleus.

Elle avait remplacé un déploiement français, Sangaris, et doit à terme laisser la place à l’armée centrafricaine, en reconstruction.

Riche en ressources naturelles, la Centrafrique est déchirée par la guerre depuis 2013. Près d’un quart de ses habitants ont dû fuir de chez eux et les combats sont quotidiens dans les provinces contrôlées à 80% par les groupes armés.