Casbah d’Alger : des conditions de vie des plus difficiles

Casbah d’Alger : des conditions de vie des plus difficiles

ALGER – Rassemblés dans les quelques cafés populaires de la Casbah, dans ses rues marchandes, des habitants se lancent dans un énième épilogue sur  leur cité, leur quotidien de plus en plus pesant, mais refusent d’abdiquer devant cette « fatalité » implacable qui semble poursuivre la vieille médina d’Alger promise, depuis des lustres pourtant, à une réhabilitation qui la sauverait du déclin.

Le centre historique de la capitale, classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco 26 ans auparavant et dont on célèbre la journée nationale ce 23 février, n’a plus la force, comme ces habitants, d' »attendre et (de) croire à des solutions miracles » de restauration et de relance économique et touristique. Une perspective qui semble, aux yeux des riverains, s' »éloigner au fil des années », alors que le tissu urbain de la Casbah d’Alger continue à se dégrader inexorablement, faute d’interventions décisives sur une partie du bâti, fragilisé certes, mais encore debout.

Au-delà de la restauration du bâti traditionnel, qui n’est palpable qu’à travers quelques expériences menées des mosquées et des palais, de nombreux habitants de la Casbah, rencontrés par l’APS, évoquent « un cadre de vie des plus difficiles » dans une cité « surpeuplée »  (plus de 52.000 habitants dans un espace de 105 hectares) et privée de tout confort « moderne ».

Habitant une grande maison de la basse Casbah occupée par sa famille depuis près d’un siècle, affirme-t-il, Fodhil regrette « l’abandon total » dont souffrent ces quartiers « livrés » au commerce informel et aux déchets qu’il génère.

« Notre maison, comme plusieurs autres dans le voisinage, n’a besoin que de petits aménagements et quelques retouches esthétiques », mais les « principaux soucis commencent une fois passé le pas de la porte », confie-t-il.

« Garer sa voiture, rejoindre les stations de transport, emmener ses enfants à l’école ou leur faire, simplement, prendre l’air devient au quotidien un véritable parcours du combattant quand on habite au cœur de la Casbah, devenu au fil du temps un bazar à ciel ouvert, fulmine ce natif de la casbah.

« Pour faire du sport, aller au collège ou au lycée, pour trouver un espace vert ou se soigner, il faut sortir de la Casbah », renchérit Halim, un père de famille né à la fin des années 194o dans la maison qu’il occupe toujours avec ses enfants et sa nombreuse fratrie.

« L’aspect de chantier perpétuel qu’offre la Casbah au visiteur, les lenteurs dans le lancement effectif d’une restauration attendue depuis plus de 30 ans, et ces madriers imposants posés depuis longtemps en guise de travaux d’urgence… finissent par installer une ambiance qui nous pousse à quitter nos maisons », s’emporte cet ancien habitant.

De l’amélioration de la qualité de vie des habitants de la Casbah, il en a été, justement question lors d’une conférence internationale dédiée à la vieille médina tenue en janvier. A cet effet, les experts de l’Unesco ont expressément recommandé de « récupérer et (de) créer un maximum d’espaces et jardins publics » et de concentrer les efforts des pouvoirs public sur « l’amélioration de l’accessibilité et des équipements sociaux ».

Intégrer le centre historique à la capitale, favoriser l’action culturelle et sociale, renforcer l’accessibilité et insuffler une dynamique touristique effective, tels sont les nouveaux défis à relever dans la réhabilitation de la Casbah d’Alger, aux yeux de ces experts.

Activités culturelles et économiques durables

Face à la mosquée de Sidi Ramdan (haute Casbah), un petit café-restaurant est devenu en quelques années la halte préférée des visiteurs et le repère des « anciens » du quartier. Yacine, son gérant, qui s’accroche, comme il peut, pour faire vivre son commerce dans cette Casbah dont les visiteurs, algériens et étrangers, dit-il, sont  généralement « émerveillés par ce patrimoine », mais regrettent que le « potentiel » qu’elle recèle soit à ce point « ignoré », nuance-t-il.

En contact avec les visiteurs et familier des guides, il déplore la rareté des commerces et équipements « qui doivent accompagner ce discours de relance touristique dont tout le monde parle ».

Pour lui, il ne reste « plus grand chose à visiter », à cause du comportement d’occupants en attente de relogement qui, en plus de « squatter des « ruines », « se livrent en toute impunité à bloquer l’accès » aux ruelles et impasses, en érigeant des « bidonvilles et autres des aménagements défiant tout bon sens », accuse-t-il.

Cette « spécificité » de la population conjuguée au manque d’espaces, de jardins publics et de structures sociales participent à la dégradation du cadre de vie dans la Casbah et par ricochet la détérioration du tissu urbain lui-même qui devient ainsi difficile à maîtriser, estiment les experts eux-mêmes.

Malgré cette situation et l’effondrement de plus de 370 douiret (20% du parc immobilier) laissant des plateformes béantes dans la cité, l’activité de guide touristique commence à se développer. Mais là encore les structures de base ne suivent pas: bureau du tourisme, restaurants, cafés, boutiques de souvenirs, voire des toilettes publiques sont quasiment inexistants.

Jugeant l’activité touristique quasiment absente, les experts de l’Unesco préconisent des activités culturelles et économiques « durables » allant de pair avec la « restauration urgente » du bâti et insistent sur le « maintien sur place » des habitants, seuls à même de redonner une âme à la Casbah d’Alger.

En visite dans la vieille médina, les experts de l’Unesco -qui ont travaillé sur la réhabilitation de plusieurs centres historiques de ville du monde- ont vite fait de situer les défaillances: des faiblesses dans le plan de sauvegarde et une complexité administrative pénalisante qu’il faut « rapidement » corriger.