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La plupart des députés conservateurs savent bien qu’en sabordant le gouvernement de Theresa May, le problème ne serait pas résolu pour autant et que son successeur se retrouvera confronté au même dilemme.
Le ministre du Brexit, David Davis, et celui des Affaires étrangères, Boris Johnson, tous deux partisans actifs d’une rupture radicale des liens avec l’Union européenne, ont quitté le navire gouvernemental conduit par Thérésa May à qui ils reprochent de trop nombreuses concessions pour satisfaire Bruxelles. La Première ministre britannique, Theresa May, lors de la réunion de son cabinet hier, s’est néanmoins montrée résolue à tenir la barre du pouvoir, quitte à affronter la menace de plus en plus probante d’un vote de défiance, résultant de la démission des deux poids lourds de son gouvernement en désaccord avec son approche du Brexit.
Plusieurs semaines durant, il a été question du désaccord entre David Davis et Theresa May sur la question, avant que, lundi dernier, les évènements ne se bousculent avec la démission du ministre en charge du Brexit suivie aussitôt par celle du MAE britannique. L’un comme l’autre ont justifié dans des déclarations à la presse une décision rendue inévitable par la conduite du Royaume Uni sur la voie d’un Brexit édulcoré, synonyme selon eux d’une forme de colonisation exercée par l’Union européenne.
Presque aussitôt, Mme Theresa May a pourvu à leur remplacement, histoire de montrer que ces départs n’auront aucune incidence sur le cap tracé malgré les bourrasques de ces derniers jours. C’est faire abstraction, cependant, de la menace qui plane au sein du parti où un vote de défiance pourrait intervenir à n’importe quel moment et placer le gouvernement qu’elle conduit dans une posture fâcheuse! Selon les statuts de la formation, il faudrait un minimum de 48 députés pour saisir le Comité 1922, responsable de l’organisation interne des Tories et du déclenchement d’un vote de défiance. Il suffirait ensuite que 159 députés conservateurs -sur les 316 que compte le Parlement – se prononcent en faveur de la défiance pour que tombe la cheffe du gouvernement. On en est encore loin, c’est certain mais le marasme est tel que des voix de plus en plus nombreuses adhèrent à la critique portée par Davis et Johnson. De fait, les partisans du Brexit pur et dur sont peu nombreux au sein du Parlement, en dépit du tapage médiatique qu’ils orchestrent, et Theresa May peut encore dormir sereinement avant que ses adversaires ne puissent entraîner dans leur sillage la Chambre des communes. Il n’en demeure pas moins que d’autres démissions au sein du gouvernement auraient des conséquences dramatiques. L’hypothèse, volontiers brandie par les Brexiters, reste pour l’instant du domaine des suppositions. La plupart des députés conservateurs savent bien qu’en sabordant le gouvernement de Theresa May, le problème ne serait pas résolu pour autant et que son successeur se retrouvera confronté au même dilemme, face aux mêmes choix problématiques et aux mêmes tiraillements. C’est pourquoi l’aile dure, incarnée par Davis et Johnson, préférera jouer une partition autre, accompagnant Theresa May jusqu’à la concrétisation finale du Brexit pour tenter de la saborder, ensuite. La journée «chaotique» de lundi dernier, selon les journaux britanniques, a accru les tensions et les inquiétudes quant au risque de déstabilisation du gouvernement et peut-être même du pays qui, quoiqu’il arrive, aura quitter l’Union européenne dans moins de neuf mois.
C’est dans une semaine qu’aura lieu la reprise des négociations difficiles entre britanniques et européens à ce sujet mais il semble que l’accord sur les conditions du retrait britannique soit encore difficile à obtenir, sans compter le fait qu’il doit être assorti d’un plan régissant les futures relations commerciales à soumettre au sommet de l’UE en octobre prochain. Un des proches de Theresa May a sonné l’alarme dans The Sun, clamant que la tentative de déstabilisation de la cheffe du gouvernement était en réalité une tentative du Brexit lui-même. Et de crier: «Préparez-vous à une sortie sans accord!». Il n’a pas complètement tort si l’on en juge par les multiples rendez-vous internationaux que Boris Johnson avait devant lui. Outre le sommet de l’Otan à Bruxelles aujourd’hui et demain, il y a la visite officielle du président américain Donald Trump à Londres à partir de jeudi. Son remplaçant est le ministre de la Santé, Jeremy Hunt, 51 ans, partisan du maintien du Royaume-Uni dans l’UE en 2016 puis rallié aux pro-Brexit un an plus tard. Pour Hunt, le moment est venu de montrer que le Royaume-Uni reste une «voix forte, confiante dans le monde». Quant au ministre chargé du Brexit, David Davis, il a cédé la place à Dominic Raab, un eurosceptique de 44 ans. Commentant la démission de Boris Johnson, le Kremlin a affirmé hier «espérer une éclaircie politique», l’apport de Johnson à l’amélioration des relations entre Moscou et Londres ayant été «très modeste».