Bordj-Bou-Arréridj: Ombre et lumière sur les terres agricoles

Bordj-Bou-Arréridj: Ombre et lumière sur les terres agricoles

Rien n’interdit de rêver d’une agriculture développée et intégrée dans l’économie, c’est le souci premier de l’Etat. Monsieur Thabti Hamlaoui, président de l’UNPA au niveau de la wilaya de Bordj-Bou-Arréridj, un homme de terrain et très proche des fellahs est d’un tout autre avis et où il fait un constat d’échec des politiques visant le développement de l’agriculture.

Et pour cause, statistiquement jusqu’au 1er semestre 2018, la wilaya de Bordj-Bou-Arréridj a 10 000 fellahs adhérents à la Chambre de l’agriculture qui exploitent presque 127 000 hectares de superficie agricole utile. Il est à signaler que le plus jeune des agriculteurs est âgé de pas moins de 55 ans, les fellahs sont donc vieillissants et souvent malades, faute de main-d’œuvre étant donné que les jeunes au chômage ne sont pas intéressés par le travail de la terre, en d’autres termes, il n’y a simplement pas de relève, ce qui explique en partie la crise de l’agriculture en Algérie et particulièrement à Bordj-Bou-Arréridj qui est loin d’être conjoncturelle, mais plutôt durable.

Sur un autre plan, le secteur économique est en train d’absorber la masse de chômeurs, les jeunes désœuvrés préfèrent aussi déposer un dossier à l’Ansej pour bénéficier jusqu’à 1 milliard de crédit bancaire pour faire du transport de marchandises ou ouvrir une agence de location de voitures, s’ajoute à cela la cherté de la main-d’œuvre, il faut payer journellement pas moins de 1 400 dinars le saisonnier, quant aux permanents, ils doivent percevoir un salaire mensuel de 30 000 dinars.

Le matériel agricole est cher quand bien même il est subventionné à raison de 70% par l’Etat ; une moissonneuse-batteuse coûte 1 milliard, un tracteur 350 millions de centimes, les engrais phosphatés sont hors de prix, le quintal coûte de 8 000 à 10 000 dinars, idem pour les produits phytosanitaires qui sont trop chers pour le fellah. Pourtant, l’Etat a injecté 34,19 milliards de dinars pour l’année 2017/2018, un budget considérable en vue de réussir la politique agricole, malgré cette manne financière, Bordj-Bou-Arréridj est classé trente-neuvième à l’échelle nationale. Dans un tel contexte, le rêve d’une agriculture nourrissant le pays sans spéculation devient une utopie. Dans un passé récent avant la promulgation de la loi qui a freiné la spéculation sur les terres agricoles du domaine public.

Des spéculateurs ont fait acquisition de terres agricoles à haut rendement chez le privé pour une bouchée de pain, aujourd’hui, l’on rencontre sur des terres agricoles à haut rendement, des stations d’essence, des stations d’enrobage hautement polluantes, des minoteries, des petites fabriques, des unités de productions, des décharges publiques sauvages, et ce, avec la complicité des acteurs institutionnels. Fatalement, les terres arables  sont gagnées par l’érosion liée à l’abus d’engrais et surtout l’urbanisation sauvage et surtout illicite, qui a entraîné fatalement l’effondrement de la biodiversité.

La wilaya de Bordj-Bou-Arréridj comptait 187 000 hectares de terres arables en 1990, près de 60 000 hectares ont été détournés de leur vocation pour l’ extension de l’urbanisme des cités.

En 2007, 20 hectares de terres agricoles ont été cédés au ministère de la Justice pour en faire un centre de détention, c’est ce que l’on appelle de nos jours le développement durable. Il faut souligner que ces terres produisaient 20 quintaux de céréales à l’hectare. La croissance des revenus fonciers livrés à la rigueur du marché immobilier et à la hausse des prix de vente confirme le rôle dominant des spéculateurs dans l’acquisition de terres agricoles qu’ils détournent de leur vocation pour en faire des terrains à bâtir avec la complicité bien sûr des services de l’urbanisme, des domaines, p/apc, p/apw, hydraulique, les services du cadastre etc.

Tous les cadres de la wilaya de Bordj-Bou-Arréridj, ceux notamment censés veiller sur la chose publique, n’ont rien fait. Il faut dire que ces cols blancs maîtrisent avec brio, les ombres chinoises, car ils n’ont jamais été inquiétés. Cette situation a permis à une poignée de spéculateurs d’engranger sans effort, sans mérite et sans travail d’importants capitaux.

Les prédateurs du foncier public et privé sont loin d’être des traders d’aspirine, car une telle aventure leur causera certainement la migraine.

Layachi Salah-Eddine