Bordj Bou-Arréridj – L’hygiène : une préoccupation majeure

Bordj Bou-Arréridj –  L’hygiène : une préoccupation majeure

De temps à autre, les citoyens vont au restaurant pour le plaisir, pour une réunion de famille ou pour des raisons professionnelles. C’est un moment de partage et de convivialité. Mais parfois, il en est tout autre. Pas très ragoûtant, en effet, ce qui se passe dans les cuisines de certains restaurants, fast-foods, gargotes et cafés de Bordj Bou-Arréridj. Les restaurants et autres lieux de vente de nourriture situés aux abords des routes, à différents carrefours, habitations ou espaces publics sont, certes, profitables à bon nombre de personnes vu les prix pratiqués. Mais, l’hygiène tout autour laisse à désirer. Ils sont donc une porte ouverte aux maladies, épidémies et infections… À Bordj Bou-Arréridj, il suffit d’avoir un local, acheter une plaque de cuisson, une friteuse, un comptoir réfrigéré et l’affaire peut démarrer. Il n’est pas nécessaire d’avoir un personnel qualifié. N’importe qui peut s’improviser cuistot ou serveur. “La qualité du service, les conditions de stockage des aliments, la qualité des produits, l’hygiène des lieux, elles ne sont bonnes que pour démarrer l’affaire, le temps de se constituer une clientèle, ensuite on fera des économies sur ces conditions de travail”, constate un chauffeur routier habitué à ce genre d’endroits. “Cette situation reste moyennement satisfaisante et hélas pas étonnante”, souligne un restaurateur qui relève par ailleurs que la grande majorité des restaurants n’ont rien à se reprocher. Selon une source des services d’hygiène, dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, environ 30% des gens ont annuellement une intoxication alimentaire. Certes, une fois sur deux, celle-ci survient dans le cadre domestique mais le reste du temps, c’est au restaurant que la contamination a eu lieu. En effet, on a pu constater le manque d’hygiène en prenant notre petit-déjeuner dans l’un des cafés de la ville. Entre deux commandes, le serveur a sorti du local adjacent une serpillère dont la propreté laissait à désirer et ne s’est pas gêné non plus de mettre les mains dans ses cheveux (dans le même état de propreté que la serpillère). Pour aller aux toilettes, il faut demander l’autorisation du patron. C’est lui qui détient les clés. “Si tu as bien consommé, tu auras le droit à cette clé”, dira le plongeur qui a sa loge juste mitoyenne aux toilettes. Pour la qualité des produits servis, le croissant trop cuit et de la veille, le lait est un mélange de tout et le café trop serré et sans goût. De plus, on n’a pas été reçu avec courtoisie, et le serveur n’a pas décroché un seul sourire. Et l’addition nous a paru très salée.

Au déjeuner et au dîner, nous avons cette fois-ci visité plusieurs restaurants, fast-foods, gargotes. Sauces ou restes de nourritures qui traînent à l’air libre, viandes avariées, produits ayant largement dépassé la date de conservation ou stockés pêle-mêle, frigos trop chauds, tables crasseuses… et la liste est longue. Cet ancien chef de cuisine en témoigne, lui qui connaît l’envers du décor. “J’ai vu des choses pas possibles dans des cuisines : des câbles électriques rongés par les souris, des machines à glaçons horriblement sales, des frigos moisis, de la nourriture stockée à température ambiante, des torchons dégoûtants, des lieux insalubres, où les mouches se disputent l’espace avec les clients, et la poubelle placée à proximité de l’endroit où se trouve l’huile de friture vient compléter ce tableau sombre et dangereux. Dans certains restaurants, je n’irai même pas boire un verre d’eau !”, témoigne notre interlocuteur.

Fast-foods, gargotes ou nids de saleté ?

À une vingtaine de mètres de cet endroit, au coin de la rue, une canalisation d’eaux usées, oubliée des services d’hygiène de la mairie depuis belle lurette, laisse suinter une eau saumâtre. Ce tableau n’est pas assez corsé pour décourager la clientèle, très nombreuse à cette heure du jour. Un jeune client, M. B., étudiant, friand de “fast-food et de gargote”, nous résume la situation. “Un fast-food ou une gargote propre ne nous attire pas”.

Pour M. M., employé à la mairie, le constat est le même. “Il est vrai que l’environnement n’est pas très sain, mais comment faire, nous n’avons pas d’autre choix, on se contente de ce qu’on nous propose, parce qu’ils sont plus proches du service. D’autre part, on n’a pas suffisamment de moyens pour aller dans des restaurants plus chics”, dira notre interlocuteur. Et de poursuivre : “J’ai été plusieurs fois malade. L’été passé, je me suis rendu à l’hôpital à la suite d’une indigestion suivie de vomissements et de diarrhées. Le médecin m’a alors dit que ces maux étaient dus aux repas que je consommais à l’extérieur”.

En effet, il nous a été donné d’assister, deux jours auparavant, à une bagarre dans la commune de Ras El-Oued entre un restaurateur et un client. Ce dernier reprochait au vendeur de ne pas éloigner la poubelle de son lieu de vente, en le menaçant de faire appel aux services d’hygiène. Le vendeur lui demandera alors d’aller se plaindre là où il veut.

Ustensiles et couverts en conflit avec la propreté

On ne peut pas en dire autant de tous les lieux de restauration. Dans la plupart de ces endroits, les ustensiles utilisés pour faire la cuisine (assiettes, verres, cuillères…) sont vieux et mal entretenus. Les serviettes de table à la propreté douteuse ont perdu de leur éclat et de leurs couleurs, en passant d’une main à l’autre. Pour faire la vaisselle, les jeunes chargés de cette corvée utilisent de l’eau très sale, qui a séjourné des heures durant dans des bassines. Une situation qui fait dire à Hakima, une cliente rencontrée dans un restaurant, que “la vaisselle doit être lavée avec beaucoup de savon pour enlever la saleté et les microbes.” Elle déplore par la même occasion l’état des éponges tellement usées qu’elles ne permettent pas de bien remplir leur mission. Pour elle, “présenter la nourriture sans la couvrir est dangereux et expose les consommateurs aux maladies transmissibles par voie alimentaire.” Elle reproche également à ces vendeurs de faire cuire leurs différents plats avec des condiments avariés. Un avis partagé par O. F., fonctionnaire de la direction du commerce, soutenant pour sa part que le manque d’hygiène peut entraîner des intoxications alimentaires, qui résultent habituellement de méthodes inadéquates de manipulation, préparation, stockage, conservation ou cuisson des aliments, pouvant conduire à la mort. À cela s’ajoute le non-respect des températures d’entreposage ou de cuisson. Le risque à ce niveau est grand de contracter un virus. Il appelle donc les services d’hygiène à être très méticuleux sur ces mets, non sans inviter les usagers à faire siennes les bonnes pratiques d’hygiène avant, pendant et après les repas. Le manque d’hygiène serait toutefois à nuancer car il serait en partie dû aux jeunes vendeurs qui ne sont pas des professionnels de la restauration et qui se permettent un peu trop de légèreté en la matière. “Je pense que, dans la plupart des restaurants, les salles sont généralement propres pour attirer la clientèle, mais les cuisines sont certainement sales, vu qu’il y a un manque de contrôle”, dira un passager rencontré à El-Achir.

Des normes d’hygiène impossible à respecter ?

Cependant, d’après certains restaurateurs, les conditions d’hygiène à remplir sont presque impossibles à tenir… Certes, les plus importantes telles que le respect de la chaîne du froid sont essentielles, mais d’autres sont très difficiles à respecter à la lettre, au quotidien. “Je fais de mon mieux. Chaque matin, je nettoie l’intérieur et l’extérieur de mon local, en plus, les services d’hygiène nous rendent visite pratiquement chaque mois pour des contrôles, et la direction du commerce aussi”, nous explique un jeune propriétaire d’un fast-food, alors que son cuisinier, qu’on voyait à travers une petite vitre séparant la salle de la cuisine, travaillait avec une blouse d’une propreté douteuse et l’odeur qui se dégageait des toilettes était plus imposante que celle des éléments cuits dans la cuisine.

Comment choisir son restaurant ?

Pour répondre à cette question, nous avons demandé son avis à âami Laârbi, un ancien chef passionné toujours de gastronomie. “J’ai la chance d’être au restaurant tous les jours, et je préfère avoir confiance en la propreté des lieux. Après, j’ai quelques astuces pour sélectionner mes restaurants… Je préfère une carte courte, synonyme en général de produits frais, et le bouche à oreille fonctionne bien. Après, quand c’est un nouveau restaurant que je teste, le passage par les toilettes donne déjà un avis sur la propreté des lieux et l’esprit de la maison. Ainsi, certaines préparations culinaires qui font appel à beaucoup d’ingrédients différents sont plus susceptibles d’être contaminées par des germes, tout comme le poisson cru, à la mode, dont la conservation à 2°C est rarement assurée. Les établissements qui marchent mal, qui ont peu de débit ou qui changent souvent de gérant, doivent aussi être dans le collimateur. Et il faut surtout se méfier des restaurants qui ont des cartes à rallonge, donc qui ont des stocks importants qui risquent de ne pas être écoulés dans les temps. En tant que passionné, je passe souvent dans les cuisines pour saluer et échanger avec le chef, et là, ils ne peuvent pas tricher”.