Argent circulant en dehors du canal bancaire : Informel, le point critique !

Argent circulant en dehors du canal bancaire : Informel, le point critique !

Malgré une hausse de 6% de la masse monétaire à fin septembre 2017, les montants thésaurisés étaient en forte hausse, tonne le gouverneur de la Banque d’Algérie, qui a tenté, à sa manière, de tirer la sonnette d’alarme quant à une forte tendance vers la thésaurisation.

Le plus étrange dans cette affaire est que nombre d’agents économiques sont enclin à amasser des valeurs sans les faire circuler et/ou les placer. Les chiffres fournis, hier, par le gouverneur de la Banque d’Algérie, à ce sujet, donnent le tournis.

« La monnaie fiduciaire en circulation est estimée à environ 4.780 milliards de dinars dont 1.500 à 2.000 milliards de dinars représentent l’argent thésaurisé des agents économiques », a indiqué Mohamed Loukal, qui présentait hier le rapport annuel de son institution sur l’évolution des agrégats monétaires et financiers durant les deux exercices 2016-2017. Il s’agit d’un montant énorme celui thésaurisé par les agents économiques et ce malgré une légère baisse estimée à 105 milliards de dinars, constatée au dernier mois de 2017. Ce recul des sommes en circulation en dehors du marché bancaire s’explique par l’instruction introduite par la banque centrale, fin 2017, liée à l’obligation de domicilier et payer à l’avance les produits d’importation destinés à la vente en l’état. C’est une mesure salutaire à plus d’un titre.

Le gouverneur de la Banque d’Algérie expliquait à juste titre que cet argent bancarisé au mois de décembre de 2017 (105 mds DA) a permis, à lui seul, de faire augmenter les ressources bancaires de 172 milliards de dinars durant le même mois. Ainsi, le montant de la monnaie fiduciaire en circulation en dehors du canal bancaire a baissé à 4.675 milliards de dinars à fin 2017 contre 4.780 milliards de dinars à fin septembre de la même année. Pour le gouverneur de la banque centrale, ces montants « montrent clairement la nécessité que les banques commerciales introduisent la collecte de ces ressources considérables circulant hors des banques comme étant une priorité ». D’autant plus que la chute des recettes issues de la commercialisation des hydrocarbures s’est traduite par un effondrement des dépôts bancaires du secteur des hydrocarbures. Ceux-ci ont reculé de 8% en 2017. Les dépôts bancaires ont progressé dans l’ensemble en 2017 pour se situer à 9.602 milliards de dollars, selon Mohamed Loukal.

En tout cas, de l’avis du patron de la Banque centrale, tout reste à faire au plan de la collecte de l’argent en circulation dans les circuits informels. C’est carrément l’état d’urgence ! Avec des montants culminant à 4.675 milliards de dinars, dont 1.500 à 2.000 milliards de dinars, la somme thésaurisée par les agents économiques, le pays est dans le rouge, donnant à l’argent de l’informel un caractère structurel, en l’absence de réelles volontés d’en découdre avec une économie souterraine qui semble avoir la peau dure. La crise des dernières années n’a pas aidé, n’incitant pas les agents économiques aux placements bancaires et financiers, quand bien même l’Etat n’a cessé de multiplier les mesures de bancarisation de l’économie. La série de dévaluations qu’a connues la monnaie nationale a été un facteur aggravant les tendances vers la thésaurisation. Le taux de change du dinar a reculé de 15,36% par rapport à la monnaie européenne (euro) en 2017. Entre juin et septembre 2017, le taux de change du dinar a reculé de 4,74% face au dollar et de 7,69% face à l’euro. Cette érosion de la valeur du dinar a incité nombre d’agents économiques (ménages, opérateurs économiques, administrations…) à s’orienter vers la thésaurisation. C’est dire que la crise a cédé davantage de terrain à l’informel, un phénomène que l’Etat n’a pas réussi à endiguer par ses mesures d’inclusion et de collecte mises en marche depuis la mi-2015. Le dispositif dit de mise en conformité fiscale volontaire et l’emprunt obligataire se sont soldés par une faible moisson.

L’Etat tente depuis peu la finance islamique pour capter l’argent de l’informel vers le circuit bancaire. Les premiers produits bancaires conformes avec les préceptes de la finance islamique ont vu le jour en décembre dernier au niveau des banques publiques, en attendant le lancement, courant 2018, d’un nouvel emprunt sous forme de sukuks.