Accusé de viol sur mineure: Procès du menuisier qui venait de Takhmert

Accusé de viol sur mineure: Procès du menuisier qui venait de Takhmert

par M. Nadir

Accusé de viol sur mineure: Procès du menuisier qui venait de Takhmert

  B. Abdennacer, originaire de Takhmert, wilaya de Tiaret, a comparu hier devant le tribunal criminel près la cour d’Oran pour répondre des chefs d’inculpation de détournement et viol sur mineure selon les articles 326 et 336 alinéa 2 du code pénal.

L’affaire remonte au 27 juin 2014 quand R. Kheira, âgée de 17 ans, et sa mère, se présentent devant la police de la daïra d’Aïn Turck pour porter plainte contre trois hommes de la même famille, les frères B. Mokhtar et Sid Ahmed et leur cousin maternel Abdennacer qu’elle accuse de détournement et de viol avec violences.

Détournement vers la corniche supérieure

La veille, dépose-t-elle, elle venait de quitter son travail de serveuse dans une pizzeria avec une amie, B.B Yasmina également employée dans le même établissement situé à Aïn Turck, pour rentrer chez elle à Mers El Kebir. Il était près de 20h et il faisait encore jour en ce début d’été. A son habitude, elle monte dans un taxi clandestin conduit par B. Sid Ahmed qu’elle connaît de vue puisqu’il habite lui-même à Mers El Kebir. En cours de route, le chauffeur fait un arrêt pour récupérer son frère Mokhtar et Abdennacer et au lieu de continuer sur la corniche inférieure, Sid Ahmed prend la route de la corniche supérieure. Kheïra raconte que les trois hommes les ont menacées avec un tournevis et les ont dépouillées de leurs téléphones portables.

Arrivés dans une zone déserte, le chauffeur stoppe la voiture et tout le monde descend. «Pendant que Sid Ahmed battait Yasmina qui tentait de venir à mon secours, Mokhtar aidait Abdennacer à me violer. Ils m’ont aussi frappée», dira-t-elle dans sa plainte. Aux environs de 2h du matin, profitant de ce que les trois hommes étaient éméchés et se chamaillaient, les deux jeunes filles réussiront à fausser compagnie à leurs ravisseurs et rentrer chez elles.

Interpellés et interrogés, les deux frères feront des aveux partiels tandis que leur cousin nie tout ce qui lui est reproché. Lors de l’instruction, seuls Sid Ahmed et Mokhtar, qui travaille comme gardien dans une maison particulière, seront entendus, Abdennacer ne répondant pas aux convocations qui lui sont adressées. Il vit à Takhmert mais travaille comme menuisier à Arzew, ne rentrant chez lui que les week-ends. Les trois hommes seront inculpés et jugés en l’absence de la victime : les deux frères écopent de peines de prison allant de six mois à une année alors que Abdennacer est jugé à la peine maximale par contumace.

L’accusé : «Mes cousins m’ont piégé»

Lors de son procès ce dimanche, Abdennacer (qui s’est livré de lui-même lorsqu’il a pris connaissance de la tournure prise par l’affaire) a nié toutes les charges qui pèsent sur lui, reprochant à ses cousins de l’avoir tenu à l’écart des développements : «Je n’ai pas reçu les convocation de la justice et lorsque je parlais à mes cousins au téléphone ils me disaient que je n’avais rien à craindre», soutient-il à la barre en jurant n’avoir pas violé la jeune adolescente : «Oui, j’étais avec eux le jour des faits mais je n’ai jamais porté la main sur la fille qui était, en fait, la petite amie de Mokhtar», continue-t-il en affirmant sa conviction qu’ils voulaient le piéger étant donné qu’il était considéré comme «un plouc» venu de Tiaret.

Appelée à témoigner, R. Kheira, aujourd’hui 20 ans, a maintenu que Abdennacer l’avait effectivement agressée mais fera des déclarations quelque peu contradictoires avec ses dépositions antérieures. Ce que la juge d’audience ne manquera pas de relever, comme les avocats de la défense ne manqueront pas non plus de souligner dans leurs plaidoiries. Kheira qui confirmera avoir déjà été violée à l’âge de 15 ans, niera être la petite amie de Mokhtar.

Le parquet requiert 15 ans de réclusion

S’appuyant sur l’expertise médicale qui a constaté des traces de viols et des marques de violences sur la victime, le représentant du ministère public requerra 15 ans de réclusion criminelle contre l’accusé en précisant que les accusations de la victime, et les témoignages de Mokhtar, Sid Ahmed et même B.B Yasmina, convergent tous pour désigner Abdennacer comme étant le violeur de Kheira.

Trois avocats de la défense prendront à tour de rôle la parole pour plaider l’innocence de Abdennacer. Pour eux, il ne fait aucun doute que l’accusé représente le prototype du bouc-émissaire idéal : «Il est de Takhmert, il ne connaît par très bien la ville et tous les autres vivent à Mers El Kebir et se connaissent. Il était facile de faire porter le chapeau à Abdennacer, d’autant que la victime avait peur de Mokhtar qui vient d’être condamné pour meurtre», déclare un avocat en traçant les contours du coup monté. B. Mokhtar a, en effet, été condamné cette année à dix années de réclusion criminelle pour homicide volontaire et purge sa peine dans la prison d’Oran.

Un coup monté, selon la défense

Les avocats relèveront également que les dépositions de la plaignante, des deux frères et de Yasmina sont singulièrement similaires, comme si elles étaient le fruit d’une conspiration visant à incriminer le seul Abdennacer pour viol sur mineur : «Depuis le départ, notre client tient les mêmes propos alors que la plaignante s’est plusieurs fois contredite dans ses dépositions.

Il ne fait aucun doute, au vu des éléments du dossier et des dépositions des uns et des autres, que notre client est victime d’un coup monté», assurera une avocate en s’interrogeant sur la raison pour laquelle R. Kheira, «qui n’a pas assisté au procès des deux frères, soit la seule victime du viol. Il y avait une autre fille, en la personne de B.B Yasmina, pourquoi celle-ci n’a pas été abusée puisque les trois hommes étaient éméchés ?». Rappelant que l’accusé s’est livré lui-même et soulignant les contradictions de la plaignante, les avocats de la défense demanderont l’acquittement de leur client.

Après délibérations, le tribunal criminel acquittera B. Abdennacer du chef d’accusation de viol sur mineure mais le condamnera à six mois de prison, assortis d’une amende de 50.000 DA, pour détournement. Il devra, en outre, verser à la victime 80.000 DA au titre de dédommagement pour le préjudice subi.