Un tour du monde à la rencontre des recycleurs d’ordures débute en Algérie

Un tour du monde à la rencontre des recycleurs d’ordures débute en Algérie

Ce midi vous avez acheté une bouteille de gazouz. Vous l’avez savourée entre amis, puis vous l’avez jetée dans un sac poubelle, parmi d’autres déchets ménagers. D’ici quelques jours, ledit sac se retrouvera dans l’une des nombreuses décharges publiques du pays.

Certains éléments seront enfouis, quand d’autres seront récupérés juste à temps par des petites mains du quartier qui les revendront à leur tour à d’autres petites mains qui transformeront la matière première.

Ce n’est pas régulé mais ce n’est pas interdit non plus. Et ils sont nombreux en Algérie à gagner leur vie de cette manière.

À 28 ans, la Franco-Algérienne Radia Slimani a récemment quitté son job de chef de projet dans le secteur des énergies renouvelables à Paris pour se jeter dans une nouvelle aventure: faire du documentaire sur ces recycleurs.

« En France, j’étais engagée dans une association qui collabore avec les biffins, ce sont les nouveaux chiffonniers, explique-t-elle au Huffpost Algérie. J’ai toujours été sensibilisée à la notion de recyclage. C’est comme cela qu’est né The Gold Diggers Project (littéralement, le projet dédié aux chercheurs d’or, ndlr). Mon idée, c’est de partir à la rencontre des recycleurs de l’ombre un peu partout dans le monde. »

Radia Slimani affirme sur son site internet que ces recycleurs représentent 1% de la population mondiale. La jeune femme s’est mise en tête de les rencontrer. « A travers cette initiative, je ne veux pas me placer en donneuse de leçons. Ce n’est pas non plus un voyage humanitaire. Il ne faut pas avoir pitié de ces personnes. Bien au contraire, je veux prouver qu’elles sont utiles à la société. Nous pouvons réellement nous appuyer sur eux pour que notre système de gestion de déchets soit optimal ».

Première étape de ce tour du monde écolo : l’Algérie.

Radia Slimani y séjourne jusqu’à la fin du mois de septembre. « C’est un choix qui s’est fait assez naturellement. C’est le pays de mes parents, il fallait bien commencer quelque part ! »

Au moment où nous écrivons ces lignes, Radia Slimani n’a pas encore rencontré de Gold Diggers algériens. Mais elle est parvenue à récolter quelques données sur le fonctionnement du système de recyclage en Algérie. « C’est un système informel qui est très important ici. »

C’est un constat que la globe-trotteuse a dressé après avoir analysé l’étude du professeur Madani Safar Zitoun publiée en 2010, et qui mettait en exergue le travail des récupérateurs auprès de la décharge de Oued Smar. « Les récupérateurs sont très bien organisés. Ils fonctionnent en communauté ou en famille », explique-t-elle.

Radia Slimani affirme par ailleurs que cette communauté a des codes. L’un de leur signe distinctif ? « Ils roulent dans un pick-up sur lequel est posé un cageot de Hamoud Bouaalem ».

L’Algérie s’est penchée sur la question dès 2002, via le Programme de gestion des déchets solides municipaux (PROGDEM). Mais il s’avère que le recyclage reste l’apanage de l’économie parallèle. « Le ministère de l’Environnement a connaissance de ces récupérateurs. Certains se sont vu proposer des métiers dans l’économie formelle. Mais au-delà des avantages et de la nécessité du recyclage pour la protection de l’environnement, il y a une manne financière énorme en la matière », souligne Radia Slimani.

Autre constat établi par la jeune femme : la difficulté, pour les professionnels du secteur du recyclage, de survivre par la voie légale. « J’ai rencontré une entrepreneuse qui a elle-même confié être obligée de collaborer avec les recycleurs (pour obtenir sa matière première) puisqu’il n’existe pas d’autres formes de tri à la source. Non seulement les wastepickers (l’équivalent anglophone pour ces récupérateurs, ndlr) sont nombreux, mais ils sont surtout très efficaces. »

Il est par conséquent difficile pour ces entreprises d’exporter leurs matières premières transformées, dès lors où il n’existe aucune traçabilité en la matière. « Il faut une politique sérieuse de régulation des déchets. La fermeture des décharges publiques est une bonne chose en Algérie, rapporte Radia Slimani, mais cela doit se faire dans la concertation avec ces récupérateurs pour éviter une crise économique et sociale ».