Équipe nationale : Le roi, le fou et le clown équilibriste

Équipe nationale : Le roi, le fou et le clown équilibriste

Comme dans toute monarchie, l’unité du pouvoir est symbolisée par une seule personne. Dans le royaume du football algérien le monarque est seul et unique avec le sempiternel patronyme de « El hadj » comme il aurait pu s’appeler « Cheikh » dans n’importe quelle tribu. La tribu du football se trouve en vase clos depuis des lustres. Aucune entrée n’est permise sans au préalable s’enduire de la bonne farine (un produit qu’affectionne spécialement « cheikh ») pour montrer patte blanche.

Au début des années 80, quelques vaillants petits princes avaient réalisé le premier exploit du sport ou de l’activité la plus vénérée de l’histoire de l’hominidé algérien. En battant l’ogre allemand, quelques jeunes hommes bien formés par une astucieuse réforme et quelques génies expatriés sont devenus des mythes, des légendes que nul ne peut égaler la prouesse. Des dieux vivants qui marchaient sur l’eau.

La retraite venue, quelques modestes champions se sont rangés dans des domaines liés au sport ou dans d’autres activités commerciales ou autre. Les générations qui suivirent n’ont pas eu la même réussite. Le lourd fardeau de la dynastie divine et le contexte politique et social des années 90 empêchaient toute émergence.

Avec la démesurée ouverture médiatique des dernières années, nombre de joueurs de ces deux générations se sont recyclés en analystes. Leur boulot consiste à décortiquer des schémas tactiques et à éplucher le jeu des acteurs majeurs du ballon rond. De tous ceux-là, il y’en a ceux qui auraient dû faire les analystes, des personnes très intelligentes, au verbe facile et à la technicité avérée. Mustapha Dahleb, Ali Fergani, Noureddine Kourichi et Djamel Belmadi entre autres qui ne se sont jamais spécialement mouillés ou qui l’ont fait quelques fois sans tambour ni trompette auraient pu ajouter un grain de sable blanc au sirocco poussiéreux et ambiant. Il y’en a ceux qui le font et qui le font bien. Rafik  Saifi et Ali Benarbia par exemple qui nous gratifient à chacune de leurs apparitions d’analyses rationnelles.

Et il y’a ceux qui ont été intronisés opposition officielle de la tribu. Rabah Madjer, Ali Bencheikh et autres qui passent leur temps…et beaucoup de temps à débiter des inepties, à parler pour ne rien dire, à critiquer sans arguments et sans aucune maîtrise technique et à faire dans le populisme de bas de gamme. Ils sont devenus l’arme absolue du chef de tribu. Les monarchies ont toujours eu besoin d’opposition à condition qu’elle soit au ras des pâquerettes et à ce niveau de jobardise le roi peut dormir sur ses deux oreilles encore pour longtemps.

Le  « Cheikh» a été couronné roi de la FAF très tôt, les arcanes du pouvoir sont telles qu’on peut faire des études en droit, devenir PDG de l’ANEP et gérer le football par après. De ses premières années, il ne garda pas un très bon souvenir. Quelques défaites fatidiques, des budgets limités et un pays qui ne reposait pas encore sur des réserves de change aux inaccessibles seuils, le firent quitter le royaume durant quelques temps en gardant un œil sur la demeure. Mais qu’est-il arrivé pour que l’autocrate revienne au pouvoir et devienne le tout-puissant «El hadj»?  Entre-temps un vieux sage intemporel capable de miracles avait rejoint la barre technique de l’équipe nationale. Il fit bâtir son équipe dans la simplicité des plus grands. Il mit en place un staff technique renforcé et complémentaire où chacun s’occupait seulement de sa mission. L’organisation mise en place dans une coordination digne de ce qui se faisait partout dans le monde, permit d’avoir rapidement quelques résultats qui semblaient être inespérés des encablures auparavant. Sentant comme tous les algériens un vent plein de fraîcheur car Il y’a parfois des choses qui sont tellement claires qu’elles s’apparentent à des lapalissades (le dernier match du premier tour des éliminatoires de la coupe du monde 2010 contre le Sénégal avait la résonnance d’une mélodie presque parfaite et ce, rappelons-le devant une tribune officielle à moitié vide) et en vieux briscard bien armé cette fois-ci par des certitudes du vieux sage, le boss éjecta en deux temps trois mouvements son successeur et…prédécesseur et s’impatronisa nouveau roi de la FAF neuf mois exactement avant la conquête d’Omdourman. Le vieux sage étant un homme qui n’aime pas les feux de la rampe, continua à travailler dans la discrétion en essayant de trouver de l’équilibre à un effectif qui ne valait ni celui des années 80, ni celui de ses dernières années, laissant le bling bling au président de la fédération qui se consacra dieu des ténèbres en ce mois de Novembre 2009 en terre de Nubie. Après une coupe du monde mi-figue mi-raisin et un anecdotique match contre la Tanzanie, une campagne médiatique bizarre et sans précédent contre l’entraîneur poussa le vieux Saadane à partir en toute discrétion laissant les commandes à l’intouchable Raouraoua.

Le passage négligeable de Bencheikha et l’insupportable défaite contre le Maroc qui fut disons-le, un cadeau empoisonné, se termina avec des critiques atroces qui détruisirent un entraîneur qui paraissait pourtant prometteur. Ni les choix, ni les timings de « El hadj«  ne furent contester. La tornade Bosniaque débarqua à Alger en voulant tout pulvériser. Ses connaissances de l’Afrique et son tempérament de guerrier l’aidèrent dans la gestion d’un groupe qui paraissait difficile mais qui avait juste besoin d’un bon chef. Il remit sans aucune concession chacun à sa place. La presse en prend pour son grade et passa son temps à essayer de se venger du culotté slave. Les conflits avec son supérieur furent nombreux. En ne se laissant jamais faire, il a eu à subir durant ces années toutes les pressions que peut avoir un subordonné convaincu et rebelle qui compensa quelques manquements tactiques par une gestion extraordinaire du groupe. Aidé par des joueurs au sommet de leur forme à ce moment-là, Il met l’Algérie dans le cercle des plus grandes équipes au monde. L’équipe réalisa durant le tournoi brésilien de 2014 un premier tour très intéressant avec des phases de jeu dignes des plus grandes nations. La consécration suprême fut ce match stratosphérique contre la quintessence du football allemand. L’Algérie fut l’équipe qui a posé le plus de problèmes au vainqueur final de l’épreuve. Les louanges de tous les techniciens et spécialistes du monde entier nous consacrèrent définitivement GRANDE NATION DE FOOTBALL (on nous raconte actuellement et après quelques années de bricolage qu’on n’est pas un grand pays de football et qu’on se situerait dans la hiérarchie derrière le Nigeria et le Cameroun aux parcours modeste pour l’une et catastrophique pour l’autre durant le tournoi).

La boule de nerfs bosniaque est partie en ayant tiré profit et en ayant pu gérer et canaliser une génération de joueurs au potentiel admirable.  De Christian Gourcuff on retiendra l’obsession de produire du beau jeu même si on sentait depuis le début qu’Il n’avait pas les coudées franches. Il ne connaissait point les spécificités des gestionnaires de phratrie. En voulant reprendre en main le pouvoir de gestion, il était déjà  englouti par les calculs d’épicier qui ne lui laissaient que le chemin du retour comme solution. Entre-temps les « cadres » avaient déployé leurs tentacules en accointance avec le « cheikh » dans un schéma dressé au préalable et au moment de leur choix « du cœur ». Rajevac et la monumentale faute de casting passèrent leurs tours sous un silence à la Buster Keaton dans un scenario muet et burlesque. Alors que nos rêveries se perdaient dans des fantasmes inaccessibles qui se nommaient Rudi Garcia, Rolland Courbis ou soyons plus fous encore : Marcelo Bielsa, l’éternel « Cheikh » nous sortit de la poche de son costume demi manche l’unique, l’incontestable, le merveilleux  Bozo le clown. Georges Leekens arriva tout auréolé d’une étonnante promotion pour un préretraité du monde du spectacle. Pour faire oublier les austères Vahid, Christian et Milan, il anima une conférence de presse tout en couleur. Au lieu de parler systèmes de jeu ou de préparation, il inonda son interlocution d’anecdotes inutiles et de blagues de mauvais goût. Il avait comme objectif principal de séduire une assistance avide d’un communicateur fiable. Après son spectacle raté, il devait quand même s’atteler à faire le travail qui lui était confié. En pénétrant dans un vestiaire où les mines antipersonnel pouvaient exploser à n’importe quel endroit et à n’importe quel moment, il s’excella dans un équilibrisme digne des plus grands funambules. Il promit une titularisation par ci, un temps de jeu par la et il laissa les résidents permanents du banc de touche à leur place. Il ne pouvait pas toucher à la sacro-sainte hiérarchie. La messe était dite et le Nigeria écrasa nos pitoyables verts sans aucun scrupule. Le triste clown ne faisait plus rire personne…

Mais le fou c’est qui finalement? Le fou c’est moi qui continuais à croire jusqu’aux dernières secondes précédant le match contre le Nigeria qu’on pouvait encore réaliser des merveilles. Le fou c’est moi qui par passion j’aménage mon week-end de façon à pouvoir voir évoluer tous nos internationaux. Les fous c’est nous à qui on a promis un championnat professionnel depuis la nuit des temps alors que les présidents de clubs continuent à exceller dans la servitude et continuent à s’enrichir sur le dos du peuple.  Les fous c’est nous à qui on a promis un jour de mettre en place une direction technique nationale pour une gestion adéquate de tous les aspects techniques. Une direction qui ne verra jamais le jour car de vrais compétences dérangeraient le «Cheikh» dans sa conquête du «Graal».

B.H