Benguigui: “En France, nous vivons avec le terrorisme mais l’Algérie l’a géré seule”.

Benguigui: “En France, nous vivons avec le terrorisme mais l’Algérie l’a géré seule”.

La cinéaste française d’origine algérienne, Yamina Benguigui, a indiqué qu’en France, les Français vivent, depuis deux ans, avec le terrorisme, alors que l’Algérie l’a géré seule, attestant que la réconciliation dans ce pays est « réelle ».

« Maintenant, oui, nous vivons avec le terrorisme mais l’Algérie l’a géré seule. N’oublions pas que même Air France avait arrêté ses vols sur l’Algérie.

Je peux vous dire qu’ici (en Algérie), la réconciliation est réelle. Quinze ans après, on est capable de se reparler alors que toutes les familles ont été touchées par le terrorisme », a-t-elle expliqué dans une interview au magazine le Point, publiée vendredi.

Mme Benguigui, qui était ministre de la Francophonie, a souligné que « c’est dans le drame » qu’elle a vu « la pertinence de l’élite algérienne», ajoutant que la génération d’Algériens issue de l’immigration était restée « dans un temps, un temps qui s’est figé ».

« Nous étions comme fossilisés. L’immigration nous avait fossilisés. Même si nous n’avons pas eu le courage nécessaire, nous n’avions pas la parole pour faire fonctionner les choses. Nous vivions avec le vécu de la colonisation de nos parents et nos parents ne faisaient pas la différence entre le képi du policier et celui du facteur », a-t-elle expliqué, indiquant que « c’est par le film que, moi, j’ai tenté de prendre la parole. Et j’ai ainsi découvert un pays incroyable ».

« On avait une élite exceptionnelle dans tous les domaines, une élite formée, dynamique, travailleuse qui va vivre pendant dix ans le terrorisme comme jamais personne auparavant ne l’avait connu », a-t-elle ajouté, faisant remarquer que la diaspora algérienne en France reste liée « par le rêve migratoire de leurs parents ».

Yamina Benguigui, qui fait partie de la première génération d’enfants algériens nés en France, a rappelé que « nos parents sont venus en espérant un meilleur pour leur pays, ensuite notre première génération avait envie d’évoluer dans des métiers qui n’étaient pas ceux de nos parents (culture, cinéma, etc.) avec la possibilité de raconter notre mémoire », soulignant que la diaspora a évolué en France « dans des peurs », alors que l’élite algérienne avait évolué avec sa société.

« Nous étions au départ cousins puis nous nous sommes éloignés », a-t-elle regretté, relevant qu’en France, « il y a une certaine élite franco-algérienne, dans l’industrie, le cinéma, la médecine. On a des enfants qui n’ont pas tous raté leur cursus scolaire, donc ça marche et on avance ».

Pour la réalisatrice de « Mémoires d’immigrés », produit par Canal+ en 1997, et vice-présidente de la Fondation Energies pour l’Afrique, le rêve des Algériens est le continent africain.

« Les Algériens sont attirés par ce continent et, pourtant, on leur dit que c’est toujours mieux d’aller vers les pays anglo-saxons », a-t-elle expliqué, rappelant que les premiers immigrés en France n’ont jamais connu la mobilité.

« Ils ont fait le grand voyage de l’immigration, mais, finalement, ont été les moins mobiles. Donc, le but est de recréer cette mobilité avec une  revalorisation de l’histoire », a-t-elle encore dit.