Ils forment un quart des particiens étrangers: Médecins algériens : la ruée vers la France continue

Ils forment un quart des particiens étrangers: Médecins algériens : la ruée vers la France continue

Selon des statistiques fournies à Liberté, le nombre de praticiens avec diplôme algérien inscrits au tableau de l’ordre a augmenté d’environ 30% depuis 10 ans. Ils étaient 5 401 au 1er janvier 2016 sur un ensemble de 20 000 médecins étrangers.

Nabila détient beaucoup d’exemples de médecins algériens qui ont choisi la France pour y exercer leur métier. Elle compte dans ses connaissances un couple de gastro-entérologues, comme elle, qui a élu domicile à Mauriac, une ville du Cantal (centre de la France), confrontée à l’instar d’autres régions du pays profond au problème du désert médical. Sur place, les deux praticiens n’ont eu aucun mal à trouver du travail.

Nabila assure qu’ils touchent chacun plus de 3000 euros par mois et louent une maison confortable. La réussite du couple a d’ailleurs fait des émules parmi ses proches. Un des frères de l’épouse qui est ophtalmologue ainsi que sa propre femme anesthésiste, ont décidé à leur tour de tenter leur chance dans l’Hexagone.

Pour Nabila, la raison fondamentale qui pousse les médecins algériens à s’exiler en France est le mépris qu’ils endurent dans leur propre pays. Elle évoque avec insistante à ce propos, l’attitude hautaine des autorités de la santé à l’égard du corps médical, le dénuement dans lequel celui-ci travaille et l’absence de perspectives professionnelles qui désarment les plus persévérants.

Les raisons du départ

Elle-même a subi un peu de tout cela avant de prendre le large, encouragée par ses anciens professeurs et un hasard du destin. Alors qu’elle galérait en Algérie, la jeune femme fait la rencontre d’une Franco-Algérien qu’elle suit en France. Elle fonde une famille mais ne renonce pas pour autant à son métier, surtout qu’elle détient déjà une expérience professionnelle dans le pays. Son immersion dans les hôpitaux français remonte à 2005.

Elle est choisie avec un autre résident en gastro-entérologie pour une formation spécialisée de deux ans dans un hôpital parisien. Son nouveau diplôme en poche, elle choisit néanmoins, à cette époque, de retourner en Algérie. Au ministère de la Santé auquel elle s’est adressé pour demander une affectation dans le cadre du service civil, un des directeurs lui conseille de rester en France. Nabila insiste et obtient finalement un poste à Tamanrasset, une aventure.

“J’avais croisé là-bas des cas des pathologies que j’ai uniquement lus dans les manuels de médecine. Les malades étaient à l’abandon. Je devais travailler avec des équipements rudimentaires. La direction de la santé faisait des combines et dilapidait tout le budget”, raconte Nabila. Son passage plus tard à l’hôpital de Boufarik ne sera pas meilleur. Même conditions de travail lamentables et épuisantes. Comme cerise (amère) sur le gâteau, la jeune femme ne parvient pas à décrocher le poste de maître-assistant qu’elle souhaitait car le concours avait été annulé.

Tout finalement l’a poussée sur la ligne de départ. Une fois dans l’Hexagone, elle reprend contact avec ses anciens formateurs, se fait recruter en tant que médecin associé puis valide ses connaissances et obtient finalement un poste de gastrologue à temps plein. Depuis peu, son nom figure au tableau de l’Ordre des médecins. Ce qui est, dans son cas, une belle consécration.

Au premier semestre 2016, le conseil de l’Ordre a recensé 5401 médecins avec diplôme algérien. Avec ce chiffre, nos compatriotes représentent un peu plus d’un quart des médecins étrangers affiliés à cet organisme et un tiers de plus depuis 2007.

La saignée se confirme davantage chaque année à travers le nombre important des candidats aux épreuves de vérification des connaissances (EVC) organisées par le Centre national français de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la Fonction publique hospitalière. Les résultats de la dernière session, rendus publics au début du mois de janvier, montrent une fois encore que la plupart des reçus sont des Maghrébins dont de très nombreux Algériens. “Beaucoup d’hôpitaux, publics et privés, préfèrent recruter des médecins d’Afrique du Nord plutôt que des Européens car la formation des deux côtés de la Méditerranée est analogue. Ils ont par ailleurs la même langue et certains ont déjà effectué des stages en France”, explique Nabila. Dans l’établissement où elle travaille, 10 sur 12 médecins étrangers sont Algériens. Les deux restants sont un Libanais et un Italien.

Pourquoi les Algériens sont les bienvenus

Selon la jeune femme, la nature très sélective du concours de médecine en France (-de 15% de reçus) et la pénurie de postes dans certains domaines d’exercice et dans les régions (le monde rural notamment) explique pourquoi les praticiens étrangers, les Algériens en particulier, sont les bienvenus. “Beaucoup de créneaux sont libres car les médecins français préfèrent éviter certaines spécialités comme l’anesthésie qui implique énormément d’astreinte ou la radiologie connue pour être un métier à risques”, fait-elle savoir par ailleurs, en ajoutant que la gériatrie qui se développe à cause du vieillissement de la population française absorbe également beaucoup de compétences algériennes. 35 postulants dans cette spécialité ont d’ailleurs été reçus aux EVC. 40 sont des radiologues et 60 sont des généralistes. On compte un peu  moins d’un millier d’admis dans toutes les spécialités. Au fil des années, les quotas de succès ont été revus à la hausse, pour autant, la réussite aux EVC ne constitue qu’une étape dans le processus de reconnaissance des compétences. La suivante comporte une mise à l’épreuve de trois ans dans une structure médicale d’affectation. Les pratiques doivent être évaluées et validées par le responsable de la structure en question. Ce n’est qu’après ce long parcours qu’un médecin étranger a le droit de se faire délivrer une autorisation d’exercice, le sésame pour tous les jeunes docteurs algériens qui arrivent en France. Ce quitus, qui leur donne autant de droits que leurs confrères hexagonaux, revêt un caractère très solennel. Les noms des admis sont rendus publics au Journal officiel de la République française. Ce qui leur ouvre le droit de fait à demander leur inscription à l’ordre des médecins.

Un parcours difficile

Mais hélas dans la réalité, le parcours des praticiens avec diplôme algérien n’est pas toujours aussi simple. Beaucoup d’autres acceptent, la mort dans l’âme, de sacrifier une partie ou la totalité de leur statut, soit parce qu’ils n’ont pas réussi à faire valider leurs connaissances, soit à cause de la longueur de la procédure.

Selon Hocine Saal, vice-président du Syndicat national des praticiens diplômés hors Union européenne (SNAPDHUE), 3500 médecins étrangers exercent actuellement en France en tant que praticiens associés ou attachés.

Ces médecins en situation précaire sont autorisés temporairement à prodiguer des soins dans les établissements de santé publique, sous la direction d’un responsable qui est quant à lui inscrit au tableau de l’ordre. Mais ils ne peuvent en aucun cas effectuer des gestes chirurgicaux en l’absence de leurs superviseurs ou des remplacements. Pour arrondir leurs fins de mois (leurs salaires sont souvent inférieurs de 40% à ceux de leurs collègues français), ils doivent multiplier des gardes éreintantes.

D’autres médecins sont dans une situation encore plus précaire.

À cause de la difficulté à faire reconnaître leurs diplômes, ils s’orientent vers des formations paramédicales et deviennent infirmiers. Depuis des années, le SNAPDHUE se bat pour le droit des médecins à diplôme hors UE à un exercice au même titre que les praticiens à diplôme communautaire. “Nous ne sommes pas contre le fait de vérifier les connaissances des praticiens qui veulent être régularisés, ni contre le fait de devoir exercer pendant un certain temps pour avoir l’autorisation d’exercer. Mais en raison des lenteurs administratives, les trois ans se transforment parfois en dix. Cela équivaut à refaire entièrement sa formation médicale”, explique Hocine Saal.

Son combat et celui de ses camarades syndicaux dure depuis une dizaine d’années. Des acquis ont été obtenus comme la suppression de certaines évaluations inutiles et l’augmentation des quotas de reçus aux EVC. Mais beaucoup reste encore à faire.