Conclusion de l’enquête sur le décès de la parturiente à Djelfa: “Le mari n’a pas refusé que sa femme soit examinée par un médecin homme”

Conclusion de l’enquête sur le décès de la parturiente à Djelfa: “Le mari n’a pas refusé que sa femme soit examinée par un médecin homme”

Les conclusions de l’enquête sur le décès d’une parturiente à Djelfa vont à contresens de la thèse défendue par le corps médical et paramédical. En revanche, les investigations ordonnées par la tutelle sur la mort de Hanane Messani au CHU Parnet s’acheminent vers un constat de négligence.

Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a été saisi, cet été, sur des défaillances de prise en charge d’au moins trois femmes enceintes. Deux ont perdu la vie dans un intervalle de quinze jours, l’une à Aïn-Oussera (wilaya de Djelfa), l’autre à Alger. Le 27 juillet dernier, la mort d’une parturiente de 22 ans, originaire de Djelfa, a scandalisé l’opinion nationale, édifiée sur son histoire. La jeune femme a été ballottée d’un hôpital à un autre pour absence de personnel qualifié jusqu’à accoucher aux portes d’une maternité à Aïn-Oussera d’un mort-né et sombrer dans un coma dont elle ne se réveillera jamais.

Aussitôt la tutelle se constitue partie civile et dépose plainte. Une gynécologue, une sage-femme et le directeur de garde sont placés sous mandat de dépôt. Le corps médical se mobilise pour la libération de leur consœur, en brandissant un argument pensé imparable : le mari est responsable de la mort de son épouse car il a refusé qu’elle soit examinée par un médecin homme. Pourtant les conclusions de l’enquête diligentée sur ce cas contredisent formellement cette thèse.

“Il n’est fait mention nulle part, dans le rapport de l’enquête, du refus du mari de l’examen de la jeune femme par un médecin homme”, nous a précisé une source proche du dossier. La parturiente souffrait d’une complication de sa grossesse facilement détectable par une prise de la tension artérielle. Il aurait suffi qu’elle soit mise au repos et que son fœtus soit surveillé avec des monitorings réguliers pour les sauver tous les deux. Mais la sage-femme de garde n’a pas appelé le médecin cubain qui réside à l’hôpital, ni avisé, selon nos sources, le directeur de garde.

Dans cette affaire, la non-assistance à personne en danger est pratiquement établie. Dans le cas de Hanane Messani, morte le 10 août dernier au service gynécologie-obstétrique du CHU Nefissa-Hamoud d’Hussein-Dey (ex-Parnet), la commission d’enquête ordonnée par le département de tutelle sur plainte de la famille s’achemine également vers un constat de retard considérable dans sa prise en charge, alors qu’elle constituait une urgence médicale dès lors qu’elle saignait de manière ininterrompue à 32 semaines de grossesse. Deux défaillances sont d’ores et déjà relevées, selon nos sources.

Il s’agit de la responsabilité directe, dans cette mort, du personnel qui n’a pas pris en compte l’urgence du cas signalé par un gynécologue et l’absence de procédures d’admission (la jeune femme n’a pas été enregistrée dans le registre du service dès son arrivée à l’hôpital). Les parents et l’époux de la défunte n’ont pas eu accès, jusqu’alors au dossier médical. Ils ont été informés verbalement qu’elle a été emportée par une embolie amniotique. Une cause de décès qui ne peut être détectée, ordinairement, que par une autopsie. Ils ont d’ailleurs exprimé leur scepticisme sur les déclarations de l’équipe médicale, dans la plainte transmise au ministre de la Santé. Leurs doutes sont alimentés par un changement impromptu dans l’heure du décès, d’abord arrêtée à 20h30, puis à 22h30, après parution des articles de presse qui ont fait état d’une communication téléphonique entre la défunte et sa sœur aînée à 20h45.

La tutelle a été confrontée, à la mi-août, à un troisième cas survenu à Bordj Bou-Arréridj. Une jeune femme, sur le point d’accoucher, n’a pas été admise dans une polyclinique au motif que la structure n’est pas équipée pour la prendre en charge. Elle a mis au monde son bébé dans la cage d’escalier de son immeuble. Le pire a été évité de justesse grâce à l’intervention de la Protection civile. Au regard de la loi, l’équipe de garde de ladite polyclinique est coupable de négligence. Au lieu de renvoyer la parturiente, elle aurait dû assurer son transfert vers une structure sanitaire adaptée dans une ambulance du Samu ou de la Protection civile. Sur cette affaire aussi, une enquête ministérielle est ouverte.

Selon des chiffres officiels, une moyenne de 540 décès maternels sont comptabilisés en Algérie, chaque année, alors que la proportion est de 60 morts en couches dans les pays développés. La plupart de ces décès peuvent être évitées en assurant une prise en charge plus efficiente. Les gynécologues et les sages-femmes mettent en relief les mauvaises conditions de travail et la saturation des maternités. C’est effectivement une réalité. Des exploits sont pourtant réalisés dans les pires conditions. Souvent les morts de parturientes sont imputables à un manque de conscience professionnelle.