Centre anti-cancer de constantine :une structure dans un piteux état

Centre anti-cancer de constantine :une structure dans un piteux état

L’état dans lequel se trouve le service du CAC de Constantine pousse les patients désespérés à se diriger vers le secteur privé pour poursuivre leurs cures et pour une meilleure prise en charge.

“Nous avons du matériel médical que beaucoup de pays n’ont pas et qui n’existe même pas en Europe, et je suis responsable de ce que je dis, nous pouvons, peut-être, trouver le matériel dont nous disposons uniquement aux États-Unis d’Amérique sinon dans un ou deux pays européens seulement”, avait déclaré Abdelmalek Boudiaf, ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, lors d’une de ses visites de travail dans la wilaya de Annaba. Des déclarations aussi osées que surprenantes venant du premier responsable d’un secteur malade, usé, dépassé et qui n’arrive pas, malgré des budgets colossaux, à répondre aux besoins quotidiens des citoyens en termes de soins. Manque flagrant des médicaments, de matériel, et même du staff médical. En effet, sur place, au centre anti-cancer (CAC) du CHU Ibn Badis de Constantine, la réalité s’impose, la vraie, totalement différente de celle que le ministre décrit.  La réalité d’un système hospitalier qui se trouve dans un piteux état.

Des salles d’accueil dans un état désastreux

Dans la salle s’attente, une trentaine de femmes, toutes venues des wilayas limitrophes, attendent désespérément et depuis les premières heures de la matinée, leur tour. “Je suis là depuis 8 heures du matin, je n’ai pas le choix car je dois venir très tôt m’inscrire sur une liste et attendre mon tour pour effectuer une radioscopie. Comme vous voyez, il est presque 15 heures et je ne suis pas encore passée”, nous dit une malade venue d’El-Harrouch. Renchérissant, un autre patient, dont le visage pâle et amaigri renseigne sur les ravages que lui a causés la maladie, se plaint de la mauvaise organisation et du manque d’orientation dans cet établissement. “Personne n’est là pour nous orienter ou à tout le moins nous expliquer ce que nous devons faire. On ne trouve même pas de médecins à qui parler. Nous sommes livrés à nous même”, s’exclame-t-il. Plus sévère dans son jugement, une vieille dame dénonce carrément le manque d’impartialité des responsables du centre. “Nous faisons face à un grave déficit de responsabilité. Pour décrocher un rendez-vous pour une radiothérapie ou se faire programmer pour une intervention chirurgicale, il faut avoir quelqu’un de haut placé”, lance-t-elle, sur un ton sentencieux. Un agent de sécurité rencontré sur les lieux ne cache pas sa désapprobation, lui aussi a accablé les cadres de l’établissement. “Des centaines de malades ont succombé à leur maladie parce qu’ils n’ont pas pu avoir un rendez-vous, les gens meurent en silence, chez eux sans la moindre prise en charge. Ce service est une hécatombe : pas de relation, tu crèves !”.

Les patients manquent de tout, y compris de médicaments

Les patients hospitalisés, “les chanceux” comme on les appelle, n’échappent pas non plus à un quotidien très dur. Ces derniers sont confrontés, pour leur part, et dès les premières étapes de la thérapie, à des contraintes qui ne facilitent guère leurs conditions. 13h30, heure de visite ; dès qu’on franchit la porte du service, le décor est effrayant, donnant l’impression d’un endroit délaissé, abandonné. Un manque d’hygiène flagrant dans un service censé être parmi les plus propres, des chaises cassées abandonnées devant l’entrée du service, des sacs poubelles éventrés, des restes de nourriture jonchent l’espace réservé à l’attente, sans oublier les gouttes de sang qui ornent le lieu de partout, devant les salles, sur les escaliers…

Cela sans parler de l’état désastreux dans lequel se trouvent les sanitaires. “On souffre le martyre ici ; on est abandonnés ; la saleté se trouve partout ; des fois personne n’est là pour nous aider, notamment la nuit ; ajoutez à cela le manque de matériel médical”, nous dit ce malade en pyjama faisant l’aller-retour dans le couloir. “J’achète tout avec mon propre argent, parce qu’il n’y a rien dans ce service, ni pansements, ni seringues, ni compresses et encore moins de médicaments”, nous confie un jeune homme tout aussi mécontent. Et de se plaindre du mauvais comportement des médecins et des infirmiers avec les malades admis. “Certains sont violents, ils nous crient dessus tout le temps, au point que parfois nous les évitons.”

Notons que durant notre présence dans les couloirs de cet établissement, nous n’avons rencontré que deux jeunes infermières tranquillement assises dans un réduit servant de bureau, téléphone à la main. Entre les salles, des femmes de ménage échangeaient des banalités en riant à gorge déployée, sans se soucier le moins du monde des malades et des visiteurs. Se substituant au personnel paramédical, l’une d’entre elles fait tout de même œuvre utile et se charge d’orienter les visiteurs vers les chambres des malades, ce qui n’est pas de trop dans cet environnement hostile.

En dépit des déclarations et assurances des ministres qui se sont succédé à la tête du secteur de la santé, ce dernier demeure toujours en difficulté à plusieurs niveaux, au point de ne plus pouvoir répondre aux besoins élémentaires des malades. Partant de ce constat peu reluisant, il est légitime de demander quel sort a été réservé à ces fameux centres de radiothérapie dans les établissements de santé, qui ont été promis à maintes reprises par les ministres de la santé et dont on n’a vu aucun à ce jour. L’état dans lequel se trouve le service du CAC de Constantine pousse les patients désespérés à se diriger vers le secteur privé pour poursuivre leurs cures et pour une meilleure prise en charge. Et ce même si le coût des soins médicaux n’est pas à la portée de tout le monde, surtout qu’une seule séance de radiothérapie revient environ à 15 000 dinars chez le privé. “C’est vrai que la prise en charge chez les privés est mille fois meilleure mais il faut avoir beaucoup d’argent pour pouvoir se permettre de tels soins”, nous dit une dame en levant les yeux au ciel. Il est à souligner que seulement deux centres privés de radiothérapie ont ouvert leurs portes, l’un à Constantine et l’autre à Blida.

Une extension qui traîne depuis 10 ans

À quelques mètres de ce centre anti-cancer controversé, une nouvelle infrastructure est en train de se construire. Il s’agit, en fait, d’une extension dudit centre, qui devrait, une fois achevée, desserrer l’énorme pression et permettre un meilleur accueil aux patients qui y viennent de pratiquement de toutes les wilayas de l’Est. Ce projet, dont la durée de réalisation est estimée à 30 mois, traîne depuis l’année 2007. “Le chantier est toujours à l’arrêt ; on attend ce centre depuis presque 10 ans maintenant, mais vous voyez, les travaux ne sont pas encore achevés”, s’exclame un visiteur apparemment informé de la situation. Rappelons que dans une déclaration faite à la radio locale en décembre dernier, le directeur général du CHU de Constantine, Djamel Benissad, avait pourtant assuré qu’un accord avait été passé avec le responsable de l’entreprise chargée de la réalisation de ce projet pour que les travaux soient accélérés et que l’établissement soit livré le 30 janvier. Résultat, au moment où nous mettons sous presse, les travaux sont toujours à l’arrêt. Dans le même contexte, nos sources au fait du dossier affirment que l’entreprise chargée du projet à refusé de reprendre les travaux avant que toutes ses redevances soient réglés. Signalons que le montant initial du projet a été estimé à 40 milliards de centimes. Une somme qui dépasse, selon nos sources, les 60 milliards de centimes après réévaluation.