Télévision / Récompenses : Les Emmy Awards, une nuit de records pour la diversité à l’écran

Télévision / Récompenses : Les Emmy Awards, une nuit de records pour la diversité à l’écran

Les Noirs, des Asiatiques, des femmes, des musulmans: le palmarès des Emmy Awards a brillé par sa diversité, signe que la télévision reste à l’avant-garde du combat des minorités pour plus de place à Hollywood. «La télévision ces dernières années a fait un meilleur travail pour refléter la diversité de l’Amérique que le cinéma, et de loin», estime Darnell Hunt, directeur des études afro-américaines à l’université Ucla.

«Quand l’Académie de la télévision» qui décerne les Emmys «honore quelque chose ça envoie à toute l’industrie le message que ce sont des programmes de qualité et que c’est ça qui doit être produit», ajoute-t-il. Sterling K. Brown, déjà gagnant d’une statuette l’an dernier pour un second rôle dans la mini-série sur l’affaire O.J. Simpson «American Crime Story», a remporté le prix du meilleur acteur dramatique pour «This is Us». C’est le premier afro-américain en près de 20 ans à décrocher cette statuette et le 4e seulement en 69 ans d’Emmys – Bill Cosby fut l’un d’entre eux. Donald Glover est, quant à lui, devenu le premier réalisateur noir primé pour une série comique («Atlanta»). Il a aussi empoché la statuette de meilleur acteur dans une comédie, tandis que Lena Waithe est la première Afro-Américaine à recevoir l’Emmy du meilleur scénario dans une comédie («Master of none»). «Merci d’avoir reconnu un gamin indien de Caroline du Sud et une Noire homosexuelle du coeur de Chicago», a-t-elle déclaré en recevant son prix.

Résistance anti-Trump

Aziz Ansari, colauréat du prix et créateur de «Master of None», est lui-même d’origine musulmane et tamoule. L’Anglo-Pakistanais Riz Ahmed a quant à lui, été sacré meilleur acteur dramatique: il est le premier asiatique, et musulman, à gagner dans cette catégorie. Sans oublier le prix du meilleur documentaire pour l’Afro-Américaine Ava DuVernay et «The 13th», film sur la surincarcération des Noirs. Pour Aminah Bakeer Abdul-Jabbaar, professeure d’études panafricaines à l’université USC, ce palmarès est en partie le résultat d’une «résistance anti-Trump des membres de l’Académie», face à un président américain anti-immigration et qui n’a pas suffisamment condamné à leurs yeux les suprémacistes blancs. La bataille est toutefois loin d’être terminée: «Quand vous regardez les statistiques, les chiffres ne sont pas bons, ceux pour les femmes sont affreux, mais les gens ont finalement réalisé qu’il y avait un problème», estime Josh Welsh, président de Film Independant, qui décerne les prix du cinéma indépendant Spirit Awards. Les femmes, qui se voient offrir bien moins de rôles proéminents que les hommes et qui sont bien moins payées, sont particulièrement absentes derrière la caméra: entre 4 et 10% des films de studio sont tournés par des réalisatrices, selon les études.

La victoire de Reed Morano dimanche n’en est que plus éclatante: elle est la première femme en 22 ans à décrocher un Emmy de réalisatrice dans une série dramatique pour «La Servante écarlate». Autre triomphe: les cinq statuettes accumulées par «Big Little Lies», minisérie produite et jouée par des stars comme Reese Witherspoon et Nicole Kidman, frustrées du manque de beaux rôles féminins à Hollywood. Ces trois dernières années, une campagne sur les réseaux sociaux dénonçant des Oscars trop «Blancs» avait contribué à faire bouger les lignes pour les prix du cinéma, après l’absence d’acteurs de couleur aux nominations en 2015 puis 2016. Cette année, les membres de l’Académie des arts et sciences du cinéma, qui décernent les précieuses statuettes, semblaient avoir entendu le message: ils ont élu «Moonlight», réalisé, écrit et joué par des Noirs, comme meilleur film de l’année. Une première. Au-delà des prix, pour Josh Welsh, «c’est dans les salles de castings ou de réunions dans les studios» où se prennent les décisions que se joue cette bataille. Riz Ahmed a rendu hommage dimanche à la récente décision d’Ed Skrein, acteur britannique blanc, de renoncer à un rôle dans le remake de «Hellboy» car il était à l’origine écrit comme un personnage d’origine asiatique. «Représenter ce personnage d’une manière culturellement exacte est important pour les gens, et négliger cette responsabilité ferait perdurer la tendance inquiétante à ignorer les récits des minorités», avait justifié M. Skrein. Darnell Hunt se veut optimiste: «le marché est solide», les productions aux castings multi-ethniques font selon lui de meilleures performances au box-office, et la multiplication des médias entre chaînes câblées et sites de streaming crée un appel d’air pour les minorités. «Je ne pense pas qu’il y aura un retour en arrière».