Relogement à Khraïcia (Alger), Un F2 pour dix personnes

Relogement à Khraïcia (Alger), Un F2 pour dix personnes

logement.jpgLes nouveaux locataires de la nouvelle cité Béni Abdi de Khraïcia semblaient apparemment heureux, hier vendredi, au troisième jour de leur recasement dans leurs nouveaux appartements, essentiellement des F2 et des F3.

Seul bémol à cette joie, nous aurons malheureusement la latitude d’assister à une veillée funèbre, concernant le décès tragique d’un enfant de 13 ans, survenu le jour même de l’opération de relogement.

Une opération qui s’est effectuée mercredi dernier au soir. Ne voulant pas jeter de l’huile sur le feu avec nos sollicitations de journalistes, nous abandonnons l’idée d’aller converser avec la famille du défunt. Nous apprenons tout juste grâce à l’un des voisins que c’était un handicapé mental qui a chuté mortellement du balcon.«Nous étions dans la gêne et la précarité des baraques en zinc. Aujourd’hui grâce à Dieu, nous nous réjouissons de notre recasement», a avoué l’un des nouveaux locataires, rencontré sur place, pas du tout gêné par nos questions.

Son voisin renchérit : «Heureusement qu’il n’y a que des F3. Nous sommes heureux et nous espérons que les autres, notamment ceux qui sont actuellement postés devant la municipalité de Douéra nous rejoignent ». Interrogés si les infrastructures nécessaires existent, nos deux interlocuteurs déclarent en choeur qu’il y a une annexe d’état civil, une école primaire, un collège et un lycée flambant neuf. Même une superette a été prévue par les pouvoirs publics, avons-nous constaté.

En effet, lors de notre passage, nous aurons le loisir de constater de visu, qu’en plus de fourgons de revendeurs de matelas, de la présence discrète des éléments de la Gendarmerie nationale, d’autres familles affluaient vendredi matin au site de Khraïcia. Incontestablement, même les bâtiments destinés aux gendarmes ont été affectés en dernière minute à de simples citoyens.

Cependant, faute d’interlocuteurs, il est difficile de confirmer ces dires. Des agents de sécurité portant tuniques affichant OPGI de Hussein Dey, accompagnés de chiens pit-bull, auraient bien voulu nous orienter vers des recasés baignant dans la béatitude. «Allez au bâtiment 5 où de nouvelles familles prennent possession de leurs appartements et vous allez entendre des youyous de joie», nous enjoignent-t-ils.

C’est chose faite et pendant que nous observons le déballage des effets et mobiliers des nouveaux venus, nous aurons dénombré à trois familles, nous sommes apostrophés par un père de famille, visiblement pas du tout gai de nous faire part de ses appréhensions. «Nous sommes une famille de dix personnes, entassés dans un appartement de type F2», nous dit-il, nous invitant à prendre des photos, et par ricochet, consacrer la preuve de ses déclarations.

«J’ai été obligé de refaire la robinetterie de l’eau courante car celle placée n’était pas de bonne facture et s’est détériorée dès la première manipulation », nous dit-il encore. Toutefois questionné, il confirme que l’eau courante et l’électricité sont disponibles. Arrivé à la rescousse, l’ainé de ses fils nous montre le placard de la cage des escaliers afin que nous puissions constater de nous-mêmes que les compteurs du gaz de ville n’ont pas encore été placés. Seule la canalisation existe.

Dans la même cage, et pour l’anecdote, un artisan a placardé une simple feuille blanche en guise de publicité par le biais de laquelle il invite les locataires qui désirent installer un chauffage central à faire appel à ses services. Auparavant, nos deux premiers interlocuteurs nous avaient fait part de leurs interrogations à propos des chauffe-bains. L’on ne sait trop vraiment s’ils ont été chapardés, nous ont-ils affirmé. L’un des agents de sécurité, bombant le torse et expliquant que leur mission n’est pas encore terminée, nous montre d’autres immeubles qui n’ont pas encore été affectés.

Notre agent se permet même de tomber à bras raccourci sur les pères de famille qui osent faire part de leurs doléances à propos de l’état de leurs nouveaux appartements. En fait, les autorités ont décidé pour cette énième opération de recaser les occupants de l’un des bidonvilles de Douéra (Alger). D’autres campent toujours devant le siège de la municipalité de cette localité, nous a-t-on confié. Pour le topo, la cité Béni Abdi de Khraïcia a accueilli selon les canaux officiels quelques 1 206 familles dans le cadre de l’opération de relogement des habitants des bidonvilles et des chalets sur une initiative lancée en juin dernier et destinée à l’éradication des bidonvilles et des chalets.

En plus de Douéra, treize (13) bidonvilles sont répartis sur les communes de Aïn Benian, Douéra, Mahelma, Zéralda, El-Mohammadia, El-Rahmania et El-Harrach. Six quartiers des communes de Khraïcia, Birtouta, les Eucalyptus, Saoula et Souidania accueilleront les familles relogées, selon la même source. Lors de notre passage, les immeubles de la cité Béni Abdi de Khraïcia étaient, toujours ceints par des barrières en zinc.

À la joie, somme toute normale, de la possession d’appartements flambant neuf, les Algérois plus particulièrement vont devoir conjuguer leurs nouvelles conditions d’existence et de s’acclimater avec un nouvel environnement, pas toujours très accueillant. Pour la petite histoire, l’un des locataires nous a expliqué doctement qu’il a décidé à ce que son unique fille, élève de terminale, termine son cursus dans son lycée de Douéra. « Je ne tiens pas à perturber la scolarité de mon enfant», a-t-il opiné. Pour d’autres, ils sont heureux de pouvoir caser leurs enfants dans des infrastructures éducatives dont l’ouverture, nous a annoncé l’un des habitants, est prévue demain dimanche.