Procés el khalifa bank, LA valse des P-dg à la barre

Procés el khalifa bank,  LA valse des P-dg à la barre

khalifa_855003_679x417.JPGLe procès marathon tire à ça fin…

La dizaine de témoins ont pu éviter la question-piège du procureur: y a-t-il eu incitation au dépôt de fonds?

Le train-train des auditions des témoins continue. Hier pas moins de 26 témoins ont été appelés. La moitié seulement était présente. L’ambiance est monotone. Aucun sursaut pour réveiller les appétits… Mourad Cherarni est le premier témoin du mercredi à être appelé par Menaouar Antar le juge qui rappelle au témoin qu’il relevait du secteur de Sonelgaz, directeur de la coop locale.

Il souligne qu’il ne connaît personne des accusés. Le statut de témoin lui va bien. Il répond avec beaucoup de tact à la question: «Etiez-vous constitué partie civile dans le dossier?» dit le magistrat qui prend acte du «non» du témoin lequel rappelle qu’il était directeur adjoint de la coop de Sonelgaz, histoire d’éloigner les «mauvais esprits» qui planent dans une salle d’audience à moitié vide, avec seulement une dizaine d’avocats qui entendront Mourad affirmer que c’était lui qui avait procédé au dépôt dans la banque El Khalifa (50 millions de DA) dans l’agence Didouche Mourad – Alger.

Antar saute sur l’agence d’El Harrach mais attend. Mourad reconnaît que lorsqu’il avait été promu directeur de la coop il avait déposé «10% de taux d’intérêts, c’était pas mal!» dit-il avant de certifier que c’est le conseil d’administration qui a décidé le dépôt: «Je n’ai fait qu’exécuter les directives du conseil de la caisse de retraite.»

Il paraît bien dans son costume de témoin

«Il y avait au moment de mon installation une situation que j’ai gérée avec beaucoup de vigilance, surtout que les membres du conseil d’administration étaient à leurs places (ma fille a été engagée dans El Khalifa Airways avec ses compétences) dit-il entre les dents avant de marteler: «Je ne suis resté que six mois.»

Zerguerras, le procureur, demande «si dans l’agence d’El Harrach, il y avait eu un dépôt de fonds de 5 milliards de centimes et si vous aviez tiré des bénéfices ou, mieux, si la somme a été restituée par la banque?» Mourad a fini. Il est soulagé. Berkallé Fadhila arrive sur les talons. D.G. de l’entreprise du matériel informatique, mai 2004 à octobre 2008. Elle sourit à la question «si elle a un lien de parenté avec les accusés».

La DG de l’informatique au moment des faits explique son parcours avant de déclarer qu’en juin 2002, elle avait déposé 100 millions à la banque et de se précipiter: «En mai 2002, je n’étais pas en poste.» Le juge demande au témoin qui avait prêté serment si ce dépôt était légal. «Dans le cas des dépôts de fonds, je ne me rappelle pas ce que j’ai répondu au juge d’instruction. Je crois qu’à l’époque, il allait le demander à Madame Belkhiri qui savait que tout dépend du conseil d’administration qui était seul à décider». Puis elle s’enfonce dans le couloir des explications techniques, histoire de se laver les mains.

Zerguerras met son grain de sel et demande humblement où se trouve le siège de l’entreprise: «El Mohammadia – Alger» répond-elle. Abdenour Bensaidane de Rouiba se présente.

Le 5.10.1995 installé dans l’entreprise des produits d’électricité, directeur adjoint, ex-cadre supérieur à Sonatrach de 1998 à Octobre 2003. Au niveau de la coopérative il y a eu 50 millions de dinars et en mars 2002, un second dépôt de la même somme dans l’agence Didouche Mourad. D.G. adjoint et D.G. par intérim, ont été les deux postes occupés.

«J’ai suivi l’évolution des agios (12 à 13%, le taux).

Les dépôts au CPA et à la BEA étaient irréguliers et à l’époque les taux d’El Khalifa Bank étaient éblouissants à côté des 4% des banques publiques et nous nous sommes jamais intéressés aux 4% mais aux 12, 13%. Nous avions acquis un nouveau siège, ça florissait. Lorsque nous avions appris par la presse le désastre, nous avions tout entrepris pour retirer nos fonds. Le retrait de l’agrément annonçait une tornade!» dit-il. Maître Samir Sidi Saïd entre au moment où Maître Lezzar s’avançait vers le témoin qui n’aura pas de réponse explosive à la question de l’avocat de Abdelmoumène.

Hamid Badraoui, ex-D.G. d’une entreprise sétifienne (Bureau d’études et d’urbanisme), ex-conseiller du ministre de l’Agriculture, en mai 2003 en retraite tapait à la porte.

«En 2004, explique le témoin. 80 millions de dinars en octobre 2003, il y a eu un deuxième DG en septembre 2004. J’ai pris la suite en 2004 où j’ai appris qu’il y avait 130 millions de dinars et 5 milliards avaient été retirés. Zerguerras encore: «N’aviez-vous pas senti le roussi?», le témoin ne s’étalera pas trop et affirme ne plus se souvenir des détails de l’époque.

Il paraît bien dans son costume de témoin et ne craint pas les questions du parquetier.

Maître Lezzar veut savoir si le retrait des 5 millions avait posé problème. Le témoin dit être absent à ce moment mais n’avait pas entendu parler de tracasseries dans le retrait. Farouk Mustafa Hamed Abdelouahab rigole pour les deux prénoms et les deux noms de famille. Il lève la main droite et s’engouffre dans le tunnel du témoignage.

D.G. de novembre 2002 à décembre 2006 dans la navigation aérienne, il se rappelle que le montant des dépôts avait été, à l’époque de l’ancien D.G.. 5 milliards de centimes et ignore l’agence de dépôt. Il désigne du doigt Ait Si Ali Mouloud, l’ex-D.G. ici présent ce mercredi. Antar s’étonne que le témoin ne puisse se souvenir de dates qui sont et demeurent des événements dans la vie des entreprises. Mais victime de panique, le témoin a peur et s’écrie: «Je ne comprends pas bien l’arabe!»

– Antar parle en dialectal – et tente de s’en tirer devant la question épineuse de Zerguerras à propos de qui a ordonné les dépôts. Maître Ghatas entre en silence et s’assoit aux côtés de Maître Abdelaziz Djedaâ, Maître Zoubir Allouche. Le témoin dit ne plus se souvenir des détails onze ans après les événements, sauf qu’en ce qui concerne Khalifa Airways, il en sait un bon bout. Ali Belkhiri, 1,82 m s’avance, un cartable à la main et dit ne pas connaître les accusés et inculpés assis dans le box. Ex-D.G. de l’entreprise nationale de l’informatique qu’il a quittée depuis 12 ans.

De mars 1997 à décembre 2004, il était au sein de l’entreprise qui avait un projet de développement en 2001.

«400 millions de dinars de la BNA ont été versés dans El Khalifa Bank et il ne restait que 100 millions dans le CCP pour le projet.

Nous avions entre-temps payé nos dettes. Le conseil d’administration a conseillé de mettre le paquet dans une banque à taux élevé. El Khalifa Bank avait été choisie pour les 10% pour une année. Le conseil de direction avait choisi. C’était la mode. Nous avions, en juin 2002, déposé 100 millions pour une année. Lorsque nous avions su que la banque basculait, en janvier, nous avions demandé le retrait. Refus de l’agence qui attendait le feu vert de la DG de Khalifa Bank.» Saïd Abouchikane, ex D.G. de la coopérative des fonctionnaire indépendants d’Alger jusqu’à 2005, la retraite! «Nos fonds étaient à la BEA. L’offre de Khalifa Bank nous a attirés surtout que la BEA a laissé son taux rigide! 5 millions de dinars le bon de caisse de mai 2002, deux autres en août et un dernier pour le même montant.»

«20 millions de dinars pour une année» calcule Antar en guise de branche tendue au témoin victime de trous de mémoire. Le témoin s’étale sur les gros agios avant de dire qu’il n’a jamais bénéficié d’un quelconque avantage.

A la quatre-vingt-dixième minute des débats, le flottement se voit et Antar jette un oeil furtif sur son poignet. La fatigue n’y est pas encore pour une pause et donc, prêt à continuer…

Abdelkrim Hamouche est le septième témoin à se présenter après une pause de 15 courtes minutes. Ex-P-DG de l’Entreprise algérienne de presse jusqu’en 2014 et ce, depuis 1997. L’Enap, une entreprise publique, a toujours eu bonne… presse sur l’avenue Pasteur. Il explique les circonstances du dépôt et avant, du retrait du fric des banques publiques… (BNA et BEA), «20 millions de dinars le 13 février 2002 à Belouizdad, Alger, une année de dépôt avec un taux de 10%, taux en vigueur à El Khalifa Bank.» «Il n’y avait pas de privilèges à tirer, à part les gros agios», dit-il pour compléter son info que les salaires étaient maigres à l’époque. «On a payé de bons salaires à temps. 3 millions de dinars avaient servi à cette opération.» Après la dissolution de la banque, on a perdu au change. Elle nous doit 14 millions de dinars. Nous n’avons qu’une attestation de reconnaissance de dette délivrée par le liquidateur.»

Maître Chabi Benouareth, cet avocat qui se coupe en quatre depuis deux semaines pour aider la justice, vient d’entrer pour suivre les débats, même si ce témoin n’avait pas d’informations explosives, sauf que la précipitation à la banque en 2002 en vue de retirer les fonds en danger. Antar empêche Maître Lezzar de revenir à l’incident du mardi: «Maître, nous sommes mercredi et donc, un jour nouveau…», supplie presque le magistrat qui veut vite endiguer la fougue de l’avocat de Rafik Abdelmoumène El Khalifa. Maître Lezzar parle de ragots. Antar de vérités à propos de la «faillite» d’El Khalifa Bank.

Med Saïd Berghoul – encore un boss – ex-P-DG de travaux de service des puits (Ensp). Il raconte l’entrée des fonds (150 millions de dinars déposés dans l’agence de Hassi Messoud). Le premier dépôt a eu lieu en novembre 2002 (100 millions de dinars) avec un taux de 5% pour trois mois. Le second en 2002, le 8 novembre, 50 millions de dinars avec une durée d’une année. C’est tout ce qu’il a pu déclarer, stressé… Zerguerras tente de savoir si les employés de l’Enap s’étaient dispersés à travers le territoire de Hassi Messaoud en vue d’encourager les filiales et autres entreprises à déposer leurs fonds dans El Khalifa Bank, le témoin n’est pas formel, ni précis, ni muet. Il est indécis surtout lorsque le procureur lui siffle qu’un témoin dit ce qu’il a vu ou entendu. «Non!», répond le témoin. Avec l’info du témoin concernant la lettre adressée à El Khalifa Bank demandant le retrait des 150 millions de dinars, ce fut un sacré coup de pub anti-secteur privé qui venait d’être assené au secteur… privé! Maître Chaouki Benarbia et Maître Houcine Bouchina suivent côte à côte la fin du témoignage de l’ex-P-DG de l’Anap qui n’a pas appris plus que l’a fait l’ex-directeur de la Mutuelle des fonctionnaires autonomes, Boukhouchène.

Houcine Idir, le crâne grisonnant, arrive les yeux baissés, prêt visiblement à jouer son rôle de témoin en sa qualité de DG de l’Entreprise nationale de matériel de Hussein Dey (Alger). «Nos avoirs étaient au niveau du CPA avec un taux de 6%. 15 milliards de centimes. Avec un taux de 9% contre 4% du CPA. Nous avions eu le réflexe d’aller vers plus haut. Nous avions retiré 10 milliards de centimes. On a fait un placement à terme. Le reste pour le fonctionnement de l’entreprise. Nous avions été franchement alléchés par les 9% à côté des 4% du CPA», reconnaît Idir qui s’exprime à l’aise en martelant que tout le monde était informé de cette décision. Et au moment de la cata, il était trop tard pour récupérer les fonds. Zerguerras cherche, en sa qualité d’enfonceur, la «petite bête». Le témoin est sûr de lui avec son accent prononcé de Azazga… Enfin, à la question du procureur général si c’était à refaire, Idir s’écrie: «Ah non! Pour assurer mon auto, c’est l’entreprise d’Etat!». Pub gratuite, Idir. Qu’en pense le privé dans la salle?

L’organisation est huilée

Ce qu’il faut retenir du témoignage de Idir c’est que, mine de rien et à cause de questions pernicieuses, Idir a monté (sans le vouloir) un véritable réquisitoire contre le privé avec cette boutade: «Au moment de recueillir les agios, tout a basculé!».

Il faut vite affirmer que ce mercredi, Antar n’a pas trop perdu de temps car Sidna Ramadhan pointe le bout du nez et se trouver dans une salle d’audience en pleine période de jeûne et de «coma national» n’est pas recommandé. Med Menacer de Boufarik revient à la barre à 13h50 après la pause-déjeuner. Directeur général en exercice et ce, depuis 1969, mais directeur général depuis 1998 de la Coopérative générale des travailleurs des finances. Antar: «Depuis 1998, vous êtes sûr?». La réponse ne tarde pas. Le témoin: «1er janvier 1998.» Puis, on passe à 2002 durant laquelle les travailleurs via le conseil d’administration retire le placement de la Badr vers El Khalifa Bank: 2 millions de dinars. «C’est un dépôt d’une année avec un taux de 10%. Nous avions des investissements où il fallait beaucoup de fric. Plus tard, on voulait retirer nos fonds, en vain. C’était trop tard!», ajoute Menacer, sûr de lui. Zerguerras tente une percée. Il échoue lamentablement… Abdellaoui Abderazak d’Alger-Centre était, au moment du dépôt, dans la coopérative des industries pétrolières, président du conseil d’administration (1996 à nos jours).

«Nous étions découragés par les 5, 4 et 3% des banques BEA et CPA, alors en route vers El Khalifa Bank avec qui nous avions signé un acte – agence de Chéraga.» Omar Mir, le fameux chef d’agence, revient neuf secondes dans les débats, c’est tout. Comme depuis le début, le procureur général cherche à établir le «racolage» de gens haranguant les travailleurs à déposer les énormes fonds dans El Khalifa Bank, en vain. Aucun témoin n’a pu établir cette suspicion. Côté policiers et gendarmes, c’est la relève avec autant de fermeté et de courtoisie. L’organisation est huilée. Hamid Azzouz, tout comme Djaâfri, resplendissant comme au bon vieux temps de la SAA, Abdelkader N’chate qui affirme ne connaître personne dans cette affaire, Aït Mouloud Ali. Ce qu’il faut retenir de la journée d’hier, c’est la boutade de Djaâfri qui avait répondu, à propos du remboursement des dépôts de la SAA: «On nous a offert de la menue monnaie en guise d’argent de poche (60 millions de centimes).» Aujourd’hui, dix autres témoins défileront à la barre.