Parkings sauvages et stationnements gênants : La contribution des automobilistes est essentielle.

Parkings sauvages et stationnements gênants : La contribution des automobilistes est essentielle.

Un automobiliste égorgé dans la commune d’Ouled Fayet, pour ne pas avoir payé un parking sauvage. Ce drame a eu lieu il y a à peine quelques mois. Un groupe de trois personnes a agressé un automobiliste avec des sabres et d’autres armes blanches, suite à son refus de payer les frais du parking, un parking sauvage et non agréé.

«je vois que dans la plupart des cas, il n’y a pas grand-chose a faire, tout le monde s’en fout, et le citoyen doit se débrouiller tout seul face à ces voyous»,  dit un automobiliste victime du diktat de ces gardiens autoproclamés. «Absolument pas !» rétorque le lieutenant Ghoulam Gaanab, de la sûreté de wilaya d’Alger. «Souvent, les citoyens deviennent complices de ces parkingueurs en refusant de les dénoncer ou simplement en tolérant leurs menaces, pourtant il suffit de former le numéro vert 15-48  ou le numéro d’urgence 17, pour alerter nos services sur l’emplacement de ces parkings sauvages ; on ne demande pas aux automobilistes de résister ou de mettre leur vie en danger, mais juste de nous alerter et de nous informer pour pouvoir intervenir», affirme le lieutenant Ghoulam.

Il faut savoir en effet que 70% des parkings sauvages sont identifiés et récencés, grâce aux patrouilles de police. «Ce qui n’est pas du tout évident, car ces parkings ne sont pas souvent fixes ; il y a les parkings de jour, ceux érigés juste la nuit, les parkings conjoncturels qui s’imposent pendant la saison estivale par exemple et enfin les parkings qui s’implantent autour des zones commerciales. Les services de sécurité ont besoin d’informations émanant des citoyens pour pouvoir identifier les points noirs où ces espaces sont gérés illégalement et quelques fois de manière violente», nous explique le lieutenant Ghoulam.

1.572 gardiens de parking transférés à la justice

«Pas moins de 1.572 contrevenants ont été appréhendés et traduits en justice, dans le cadre des campagnes menées par les services de sûreté de wilaya pour assainir les rues de la capitale et garantir le droit des usagers de la route», nous  fait savoir M. Gaanab. Le responsable a indiqué que dans le cadre du dispositif légal mis en place pour juguler le phénomène, les patrouilles de police sont multipliées au niveau des points noirs où des opérations de régulation de la sécurité sont engagées.

1.192 aires de stationnement illicites ont ainsi été recensées durant la période allant de début août à fin décembre 2016, dont 70% implantées au niveau des quartiers populaires de la capitale. Selon notre interlocuteur, les services de sûreté de wilaya œuvrent en collaboration avec les autorités locales pour endiguer le phénomène du stationnement illicite, notamment par des mesures visant à règlementer l’activité et définir les emplacements qui répondent aux conditions d’arrêt des véhicules. Des commissions mixtes ont été mises en place pour élaborer une règlementation régissant les espaces de stationnement au niveau des communes.

Il faut dire que ce phénomène des parkings sauvages est devenu, au cours des années, un véritable souci, tant pour les automobilistes rackettés, que pour l’État. Profitant de l’absence des autorités en place et surtout de la complaisance des automobilistes qui préfèrent subir leur loi en payant des milliers de jeunes, autoproclamés gardiens de parking, rackettent chaque jour les conducteurs, en les taxant de 50, 100 et parfois 200 dinars pour  stationner leur véhicule.

L’exploitation illicite des espaces de stationnement gagne du terrain, d’autant plus que cette activité devient de plus en plus lucrative pour ceux qui l’exercent. Les parkingueurs autoproclamés, avides de gain facile et rapide, imposent sous la menace leurs tarifs, au grand dam des automobilistes et au préjudice de la loi, pour ne pas évoquer les incidents et incivilités découlant d’une telle pratique.

Non seulement les exploiteurs de ces espaces de stationnement sauvage imposent leur logique et leurs tarifs aux citoyens, il se trouve que leur responsabilité civile n’est guère engagée en cas de vol ou de quelque préjudice que le véhicule confié à leur «garde» subit. Surtout que les vols de voiture ont pris de l’ampleur, notamment au niveau de ces parkings informels, présentés par leurs «gérants» comme des espaces sécurisés pour monnayer au prix fort les prestations de service, dépassant de loin les prix pratiqués dans les parkings publics.

Commissaire Ghoulam affirme que «des altercations, souvent dangereuses, éclatent entre les automobilistes et les faux gardiens qui s’organisent en groupe de 3 à 4 individus, ne laissant aucune chance aux automobilistes récalcitrants de se défendre.» Il convient de souligner que ce phénomène a fait l’objet d’une étude initiée par les services de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) qui tient à lutter contre ce fléau. L’étude a abouti aux conclusions selon lesquelles les tenants de ces parkings sauvages, qui se cachent derrière le chômage, sont pour la plupart les responsables des vols perpétrés dans les dits parkings.

Le port du gilet et du badge exigé à tout jeune gardien de parking

Jadis, la gestion des parkings et des aires de stationnement relevait des communes qui en confiaient la charge aux personnes handicapées qu’elles avaient recensées et dotées, au préalable, d’un insigne ou d’un badge les distinguant. Aujourd’hui, xommissaire Ghoulam nous explique que «les personnes prétendant gérer un parking doivent, au préalable, se faire délivrer une autorisation des services communaux et déclarer leur activité aux services de sécurité.

Il est fait, au titre de ces dispositions, obligation aux jeunes autorisés du port du gilet de signalisation et du badge, de même qu’ils sont tenus de remettre des tickets déterminant leurs tarifs. L’octroi de cette autorisation reste subordonné à plusieurs conditions liées, notamment, à la personnalité du postulant qui, entre autres, ne doit pas avoir d’antécédents judiciaires, de même qu’elle peut être retirée quand les rapports de police établissent qu’ils entravent le trafic routier ou l’activité commerciale.

Dans un deuxième cas, le président d’APC annule cette autorisation lorsque le gérant d’un parking se rend coupable de violence et de quelque dépassement à l’égard des citoyens. Une circulaire ministérielle encadre la délivrance de permis d’exploitation des parkings et du stationnement sur la voie publique. Le gardien de parking peut, à titre individuel, solliciter une autorisation ou se constituer en coopérative».

Malheureusement, à l’exception de l’APC d’Alger-Centre, rares sont les communes qui ont réellement appliqué la circulaire du ministère, afin de légaliser et d’organiser cette activité.


M. Benchaoulia Mohamed-Lamine, Chargé d’étude et de synthèse au cabinet du wali d’Alger :

« Il ne sert à rien d’arrêter les gardiens de parking illégaux

pour ensuite les relâcher sans les juger »

El Moudjahid : En dépit des efforts colossaux déployés à différents niveaux pour éradiquer le phénomène de stationnement anarchique dans la wilaya d’Alger, les parkings sauvages continuent de proliférer, pourquoi n’arrive-t-on pas a éradiquer ce phénomène ?

M. Benchaoulia Mohamed-Lamine : Il n’est pas facile de lutter quotidiennement contre ces parkings sauvages dans une ville qui compte près d’un million et demi de véhicules et qui a été initialement conçue pour n’accueillir qu’un nombre réduit de voitures. Actuellement, plus de 300.000 véhicules transitent par la capitale quotidiennement, et le nombre limité des parkings existants ne suffira jamais à les contenir.

Précisons aussi que le peu de parkings disponibles se trouvent souvent loin des institutions et des administrations sollicitées par les citoyens, donc ces parkings ne font jamais le plein, à l’exemple de celui du port  d’Alger récemment rénové, mais qui ne connaît qu’une petite affluence. Donc, en l’absence d’aires de stationnement, les automobilistes sont, souvent, obligés de se rabattre sur n’importe quel coin qu’ils jugent  adapté à leurs besoins du moment, et ce sont les fameux parkings sauvages qui leur serviront d’abri.

Afin de remédier à ce problème, la wilaya d’Alger verra la réception toute prochaine de cinq nouveaux parkings d’une capacité de 3.138 places. Ils seront situés dans les communes de Kouba, qui pourra contenir 800 places, d’El- Madania, avec 618 places, de Sidi Yahia, qui accueillera 760 véhicules, et enfin le parking de Châteauneuf d’une capacité de 730 places. Ces aires de stationnement apporteront sûrement une bouffée d’oxygène pour les automobilistes de la capitale.

Croyiez-vous vraiment, M. Benchaoulia, que la réception de ces nouveaux parkings mettra fin aux agissements de ces gardiens autoproclamés et stoppera la prolifération de ces espaces sauvages ?

Absolument pas ! Cette action doit être accompagnée par l’application stricte et rigoureuse de la réglementation en vigueur, car c’est la non-application de la loi 06/21, note du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, stipulant la régularisation des aires de stationnement, qui a donné la liberté agir aux jeunes de se restructurer par eux-mêmes.

Il faut aussi relever cette faille, ce vide juridique autour de la nature de l’infraction commise par ces jeunes parkingueurs et sur la peine qu’ils encourent. Normalement, l’infraction commise est double, exercice d’activité commerciale illicite et extorsion de fonds, on se serait donc trouvé en face d’un délit. Actuellement, vide juridique oblige, on est simplement en face d’une infraction, exercice d’activité commerciale illicite, ce qui signifie que les personnes arrêtées se verront uniquement reprocher le grief d’absence de registre du commerce.

Les autorités compétentes se doivent d’admettre que ces cas de figure doivent être gérés par une législation particulière. Il ne sert a rien que les services de sécurité arrêtent ces jeunes parkingueurs, qu’ils les transmettent en justice et qu’ils soient par la suite relâchés sans être commandés. On est arrivé a un point où il ne sert plus à rien de sensibiliser, il faut réprimer, sévir, il faut prononcer des peines sévères, des condamnations strictes et de fortes pénalités qui empêcheraient ces jeunes de récidiver. 1.574 jeunes gardiens illégaux ont été transférés à la justice par les services de sécurité, mais seuls ceux qui ont commis des agressions contre les automobilistes qui refusaient de payer ont été jugés et condamnés, les autres reviennent à leur activité, rassurés et pas inquiets du tout.

Donc, la solution à ce phénomène, selon vous, est de réguler et de réprimer en même temps,  mais a-t-on les moyens de cette politique ?

Le ministère de l’Intérieur se penche actuellement sur un projet portant sur une nouvelle loi et une nouvelle législation afin de combler le vide juridique en la matière. Un texte qui récrimine rigoureusement cette activité illicite. Il sera déposé à la prochaine Assemblée populaire. En même temps, les opérations menées conjointement entre les services de police et la wilaya portent leurs fruits sur le terrain. 1.472 parkings sauvages ont été éradiqués de cette manière, et 1.574 jeunes gardiens ont été arêtes et remis à la justice.

En parallèle, près de 931 jeunes ont  été intégrés  dans le circuit légal en bénéficiant d’autorisations de gestion d’espaces de stationnement à travers les 48 communes  de la wilaya. Je voudrais aussi insister sur la prise de conscience des automobilistes, ces derniers doivent réagir et dénoncer ces parkings sauvages en portant plainte, car tant que ces jeunes trouvent des gens qui acceptent de payer et de se soumettre à leur diktat, ils continueront à sévir. On ne  peut arriver à une éradication totale du problème qu’à travers un ancrage juridique et des sanctions lourdes.