Le personnel diplomatique de 1962 à nos jours, Flash sur les splendeurs de la diplomatie algérienne

Le personnel diplomatique de 1962 à nos jours, Flash sur les splendeurs de la diplomatie algérienne

P131008-09.jpgBenyahia mort durant sa mission de bons offices entre l’Irak et l’Iran

Parfaits bilingues, ils ont accompli les tâches confiées, comme militants sincères, avec probité et dignité au service de la Patrie et à elle seule.

Le 8 octobre est consacrée à la journée de la diplomatie, Cette date correspond au 8 octobre 1962, journée de la levée de l’emblème national aux Nations unies à New-York. En 2012, la mémoire des diplomates-chouhada du devoir tels que feu Bellaroussi, Belkadi, (décédé à Baghdad), Touati, (à Aïn Taya), Benyahia et les membres de la délégation qui l’accompagnaient durant la mission de bons offices entre l’Irak-Iran a été honorée. Ce dernier a rendu à la fonction de diplomate de carrière, tous ses attributs. Ma génération n’a jamais cessé de le remercier. Chaque jour, elle prie l’Eternel pour que Sa Miséricorde soit sur lui. Mais les diplomates de carrière qui se sont suicidés ont été oubliés, de même qu’on a tendance à ignorer le remarquable travail accompli par les moudjahidine-diplomates qui ont conduit la diplomatie durant la lutte de Libération nationale et post-indépendance.

Sur ce volet, notamment il m’est apparu indispensable que la société algérienne doit savoir que la diplomatie a tiré sa splendeur de l’action de ces moudjahidine-diplomates qui ont été les siens durant la lutte libératrice. Quelques uns d’entre eux, pour des raisons sûrement politiques ont quitté les rangs de la carrière à l’indépendance, mais la majorité a continué à oeuvrer dans l’emploi dont certains symbolisaient la Révolution auprès de pays tiers. Ces diplomates issus de la lutte de Libération avaient représenté dignement l’Algérie en lutte. Ils ont continué sur cet élan après l’indépendance. D’autres jeunes, moudjahidine les ont rejoints en 1962. Issus d’horizons divers, de la glorieuse ALN, (transmetteurs et chiffreurs, presque tous officiers), de l’illustre Ocfln, célèbres détenus ou d’exaltants militants sincères de la 7e Wilaya, (Fédération de France). Ces nouveaux venus n’ont pas trouvé de place dans les hautes fonctions diplomatiques puisque les tenants en titre, associaient à la légitimité historique, des capacités intellectuelles et d’expérience que les prétendants-arrivants n’avaient pas encore acquises. En plus, leur proximité du politique leur permettait «de se faire proposer», en outre, les réels tenants-décideurs du pouvoir avaient plus à gagner en éloignant certains, considérés comme dangereux, que de les avoir dans le voisinage.

Cette situation a perduré de 1962 jusqu’en 1978 où un grand mouvement de chefs de postes diplomatiques et consulaires arrêtés sur deux années successives, (1977-1978) a permis le renouvellement de chefs. Les nouveaux élus, d’autres moudjahidine, mais qui ont joué chacun en ce qui le concerne, un rôle dans l’arrière-boutique: il s’agissait en fait de récompenser les uns pour services rendus au régime dans le silence et la discipline, d’autres pour la pression qu’ils exerçaient, l’éloignement était l’unique solution de les écarter de la scène intérieure.

La promotion de certains d’entre eux était légitime pour le travail accompli à divers degrés dans l’abnégation et le silence. Seulement, à ces méritants, se sont greffés des hommes issus du panier du clientélisme qui, dans bien des cas, ont été des fausses notes. Jusque-là, aucune femme diplomate ou moudjahida n’avait réussi à briser la barrière.

Les femmes diplomates de cette époque ne pouvaient même pas prétendre s’inscrire dans le mouvement dans le cadre du déroulement normal de la carrière.

Les meilleurs ont quitté sur la pointe des pieds

Nos aînés moudjahidine, diplomates de carrière étaient divisés en deux groupes imposés par le contexte forcé de l’Histoire implacable. Le premier, c’est le groupe cité ci-dessus. Le second, une masse importante, (où les femmes se comptaient sur les doigts de la main), recruté en majorité un 1er octobre 1962, a servi avec loyauté et énergie durant la période post-indépendance où la splendeur de la diplomatie algérienne n’est point à démontrer.

La grande majorité, non seulement a été éloignée de la promotion de chefs de missions diplomatiques et consulaires à laquelle elle aspirait légitimement dans le cadre du processus évolutif normal de la carrière diplomatique, mais a été admise à la retraite dans des conditions parfois humiliantes. Parfaits bilingues, ils ont accompli les tâches confiées, comme militants sincères, avec probité et dignité au service de la Patrie et à elle seule.

Les meilleurs ont quitté ce bas monde sur la pointe des pieds et le reste suit à une cadence vertigineuse, des suites, non pas dues aux traumatismes de la période coloniale, mais de la «hogra» qui été la leur à la fin de la vie, qui d’un passé glorieux a basculé vers un destin humiliant. Le premier magistrat du pays, Si Abdelkader a fait une brillante carrière diplomatique avec les résultats qu’on lui connaît aux côtés de ces moudjahidine-diplomates. Le successeur, feu Benyahia a su encadrer les diplomates et les mettre à l’abri du besoin. Tous les diplomates, vieille garde ou jeune génération lui seront éternellement reconnaissants. Il a été ravi aux siens et à la patrie dans l’exercice de ses hautes fonctions, (que Dieu l’accueille en Son Vaste Paradis).

Le suivant procédera à la liquidation des militants aux commandes du département en permettant à une frange de jeunes fonctionnaires, ambitieux à juste titre, connus sur les bancs scolaires, mais qui ont le mérite d’ignorer le régionalisme et autre paramètre distinctif de race ou de religion, pratiquant ou athée, puisque réunis autour d’un seul critère: «Un diplôme de formation», cependant non reconnus sur le plan universitaire. Ils ont saisi cette opportunité ministérielle pour rafler les postes, (le politique étant leur chasse gardée). Les universitaires ont été relégués aux fonctions administratives. Les rares universitaires, déployés au sein de responsabilités, sont des agents qui jouissent d’un appui, «un piston de bulldozer».

Par ailleurs, parmi ce personnel soudé et solidaire, seule une poignée de fonctionnaires se comptant sur les doigts d’une main, n’a pas eu le parcours qui devrait être le sien en comparaison à leurs collègues d’une même promotion. Deux ont été récupérés après une longue traversée du désert. Ils ont finalement accédé à la promotion méritée. Deux autres ont été admis à la retraite et deux autres évoluent au sein d’organisations internationales. Ils n’ont jamais critiqué leurs camarades ni porté de jugement sur leur marginalisation. A ce titre, j’ai à leur égard, une profonde et sincère admiration. Les concernés évitent de dénoncer le comportement de leurs camarades. Ils ne veulent fournir aucune explication à leur marginalisation du processus promotionnel. Il faut reconnaître que cette catégorie de diplomates a acquis une expérience professionnelle incontestable que leurs camarades universitaires n’ont pu acquérir du fait de leur éloignement du véritable centre de travail. Cependant, il faut souligner qu’ils sont sérieux et bosseurs, qualités qu’ils démontrent chaque jour sur le terrain.

Par ailleurs, quand ils sont rappelés à l’administration centrale, ils n’ont aucun problème d’affectation. Ils sont intégrés dans des postes de responsabilité dès leur arrivée à Alger. C’est l’universitaire qui reste dans la nature surtout lorsqu’il estime revendiquer légitimement l’occupation d’une responsabilité à laquelle il aspire. Seul, l’universitaire jouissant d’un véritable appui sera affecté à une responsabilité.

Le choix du poste se négocie-t-il?

Les autres «pauvres» universitaires qui n’ont que le ciel comme témoin, rejoignent les affectations qu’on leur impose sans broncher. Ils acceptent l’avenir qui leur est tracée, souvent pour des raisons familiales et économiques. Ils sont toujours affectés aux structures administratives et consulaires, rares sont ceux qui atterrissent du côté politique. Les femmes diplomates issues des rangs de cette catégorie n’ont pas été oubliées. Celles, universitaires, ont été marginalisées du processus promotionnel comme leurs collègues masculins, sauf si elles jouissent d’un véritable appui extérieur.

Les fonctionnaires qui ne sont ni universitaires ni faisant partie de cette catégorie sont purement et simplement admis à la retraite quand la condition d’âge est requise. Cependant, ce personnel non diplômé, mais jouissant d’une expérience appréciable, pistonnés, issus du panier du clientélisme ou de la cooptation sont relégués à des fonctions qui demandent peu d’efforts intellectuels, exigeant une disponibilité et un savoir-faire incontestables. A cet état de gestion des ressources humaines, il faut ajouter qu’on bloque les universitaires qui, sans avenir à la Centrale, aspirent à accéder à des postes au sein des organisations internationales puisque le pays paie des sommes colossales comme cotisations sans tirer profit. On préfère garder le fauteuil vacant. A-t-on peur que l’universitaire émerge par ses compétences et son savoir-faire à l’étranger? A ce personnel diplomatique, s’ajoutent les parachutés. Généralement, ils ont été à la bonne école et sont de bonne famille. Leur parachutage se fait directement à une responsabilité qui leur permet d’accéder sans détour à la promotion de chef de mission diplomatique, rarement consulaires. Lorsqu’ils sont bien épaulés, ils sont discrètement intégrés à la carrière diplomatique. Ils jouiront de la détention du passeport diplomatique avec leur famille durant toute la vie alors qu’on refuse d’établir ces documents aux diplomates de carrière, enfants de chouhada ou moudjahidine, carriéristes, pionniers de la diplomatie à l’origine de sa mise en oeuvre et de la naissance de l’Etat malgré un texte législatif sur la protection du chahid et du moudjahid et de leurs intérêts.

Enfin, quant au mouvement diplomatique, il ne se tire jamais du PC qui est censé contenir les ressources humaines, issues de la gestion automatique, mais émane d’un endroit confidentiel, occulte, gardé secret. Ah oui! Un conseil pour certains naïfs, surtout à la jeune génération, les choses ont changé: ne faites plus référence au passé glorieux du paternel ou de la famille, vous risquez de tout perdre! Un coup d’épaule vaut mieux que quarante ans d’école? Enfin, il ne faut jamais oublier les collègues qui se sont suicidés à cause d’un seul paramètre commun à tous: «La hogra». Je m’incline profondément en leur mémoire et quelque part en décortiquant aujourd’hui cette situation, peut-être de là haut, du ciel, ils se sentiront soulagés.

Lorsqu’on constate qu’un fonctionnaire connu par sa médiocrité dans les postes où il était passé, réussit à se faire affecter à son rappel, à un poste à la Centrale où il n’était d’aucune utilité faute de la maîtrise de la langue de travail dans ce service. Il passa calmement quatre années pour se faire couronner à la promotion d’ambassadeur et probablement, il a eu le choix du poste d’affectation, si l’on considère la seule relation politique qui existe avec ce pays d’atterrissage, ce n’est plus un piston humain, c’est un piston divin! C’est ma conclusion. «La flatterie, la bassesse et

l’apologie de la médiocrité sont devenues pour beaucoup, des principes de conduite stratégique. Ceux qui les adoptent comme tels sont assurés de réussir leur promotion ou ascension professionnelle. Il y a comme une inversion des valeurs et la société algérienne semble marcher plutôt à l’envers qu’à l’endroit.»

Dr Ahmed Rouadjla. (Extrait de l’article: Le pays de l’honneur et de la dignité à l’épreuve des faits. (El Watan du 22.03.2009)».