L’“après-programme du Président” a commencé, Quel gouvernement pour faire face à la crise ?

L’“après-programme du Président” a commencé, Quel gouvernement pour faire face à la crise ?

d-quel-gouvernement-pour-faire-face-a-la-crise-25ed7.jpgAprès 15 années de ravages induits par l’exécution “bête et disciplinée” de ce qui est appelé “programme du Président”, l’Algérie dispose-t-elle, encore, de nouvelles promotions de managers, ministrables et imprégnés des valeurs des véritables écoles de l’économie politique ?

La crise économique s’est installée en moins d’une année, soit plus rapidement que prévu même par les plus pessimistes des observateurs. Les besoins et les attentes des populations ont déjà commencé à dépasser les ressources disponibles. Les relents sociaux de cette crise économique ne tarderont pas à s’inviter dans le quotidien des Algériens. Manager consistera, alors, à chercher à répondre à ces besoins, toujours en augmentation, avec des moyens de plus en plus réduits. Être ministre dans une telle conjoncture revient à participer à la promotion d’une idée, à la conception d’une politique sectorielle, à conduire ses chantiers, à défendre dans les différentes tribunes la pertinence des choix arrêtés. Une situation toute normale ailleurs, mais nouvelle chez nous, dans nos mœurs de gestion de la chose publique.

La question qui se pose est de savoir si dans sa composante actuelle, le gouvernement dispose de ministres qui répondent au profil de ce type de manager.

De 2000 à ce jour, les ministres qui se sont succédé, au gré des nombreux remaniements, se sont retrouvés, une fois installés, face à une double contrainte. La première est celle d’être en présence du “programme du président de la République” sans aucune coloration politique ou idéologique. Le ministre est ainsi réduit à un rôle d’exécutant d’un plan d’action sans rapport avec son appartenance politique, s’il en a une. Il est appelé, aussi, à adhérer à une démarche initiée ailleurs que dans l’espace de concertation, qu’est le conseil de gouvernement ou le Conseil des ministres. Tout se passe comme si le programme du Président était un grand marché constitué d’une addition de bons de commande destinés aux différents ministres.

La seconde contrainte est la consistance de ces bons de commande, synonyme d’une inflation de projets que l’on se permet grâce à l’abondance financière. L’argent coulait tellement à flots que des programmes pluriannuels furent lancés simultanément. Il arrivait que pour un même projet, les ODS (Ordres de service) de réalisation et d’études soient donnés en même temps. Il fallait faire vite, dépenser beaucoup d’argent en un court laps de temps sur des projets qu’il était souvent difficile de mener à terme.

Désormais, l’embellie financière relève du passé. La fin de la dérive populiste a sonné. Il en résulte la nécessité de revoir la composante du gouvernement, avec des ministres jouissant de profils plus adaptés à cette nouvelle conjoncture.

Retrouver la vocation ministérielle après une longue errance

Jusqu’ici, on est souvent allé “recruter” des ministres en les puisant dans le corps des walis, habitués à gérer de gros budgets d’équipement et de fonctionnement. Des sommes colossales souvent dégagées à la va-vite, sans aucun débat relatif à l’affectation des ressources, lors de visites du président de la République ou de son Premier ministre à l’intérieur du pays. Des walis habitués, malgré eux pour la plupart, à agir en véritables conducteurs de travaux à l’échelle de leurs wilayas respectives. C’est ainsi que nous pouvions retrouver, à un moment donné, dans un seul gouvernement, jusqu’à six ministres ou plus, issus du corps des walis. Ces derniers apporteront à l’action gouvernementale leur hiatus, à savoir la gestion par la dépense des budgets et le suivi des programmes sur le terrain.

Une fois au gouvernail, certains de ces walis-ministres seront rattrapés par le syndrome de “Peter” selon lequel, arrivé à un certain niveau de promotion, la compétence initiale finira par devenir un élément de blocage. C’est certainement cette réalité qui a poussé le président de la République à éjecter, lors du dernier remaniement, deux ministres pour les faire réintégrer dans leur corps d’origine.

Aujourd’hui, avec la crise qui s’installe, les membres d’un gouvernement seront souvent appelés à se concerter, à réfléchir, à débattre et à se battre pour arrêter des choix en matière de décision en investissements publics et en affectation des ressources. Un ministre siégeant dans ce type de gouvernement, gérant un pays et non réalisant un bon de commande, sera confronté au moins aux situations suivantes.

De par la première, la limitation des ressources le poussera à défendre les choix retenus en puisant ses arguments dans le discours politique. La compétence damera le pion aux critères subjectifs, à ceux de l’âge, du sexe… Exit le ministre alibi.

De par la seconde, le tarissement des ressources, les ministres seront jugés sur leur capacité à rentabiliser les investissements économiquement, socialement et même politiquement. Exit le ministre champion des dépenses pour des projets en éternelles réévaluations.

Enfin, de par la troisième, l’inadéquation des ressources disponibles aux attentes des populations fera du ministre un homme ou une femme d’une équipe politique capable de créer, de mener et de défendre des idées sur toutes les tribunes politiques. Exit le ministre en réserve de la République alors qu’il est toujours en poste.

Reste à savoir si, à ce stade-là et au vu de la situation politique du pays qui n’est pas meilleure que la situation économique, le président de la République serait prêt à faire appel à des ministres qui peuvent faire preuve d’imagination et de capacité à concevoir et qui, au besoin, peuvent faire montre de courage politique.

Si oui, existe-t-il dans l’entourage du pouvoir en place des femmes et des hommes jouissant de ce profil et qui sont prêts à être évalués sur leurs capacités à rentabiliser les ressources existantes au lieu de dépenser sans compter celles affectées ? Après 15 années de ravages induits par l’exécution “bête et disciplinée” de ce qui est appelé “programme du Président”, l’Algérie dispose-t-elle, encore, de nouvelles promotions de managers ministrables et imprégnés des valeurs des véritables écoles de l’économie politique ? Seules des décisions concrètes, si elles venaient à être prises dans les prochaines semaines, seraient à même de donner quelques indications sur la capacité du chef de l’État à opérer les changements qu’imposent les contraintes financières de l’heure.

M. K.