Entre le réflexe populiste et le réalisme économique, Finances : les ministres soufflent le chaud et le froid

Entre le réflexe populiste et le réalisme économique, Finances : les ministres soufflent le chaud et le froid

d-finances-les-ministres-soufflent-le-chaud-et-le-froid-dea59.jpgConfronté à une crise du pétrole qu’il n’a pas voulu voir venir et dont il n’a donc pas pris soin d’anticiper les répercussions sur l’économie nationale, le gouvernement ne sait plus sur quelle gamme discourir.

Si le 30 décembre dernier, lors de l’ultime Conseil des ministres de l’année 2014, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait fait un laïus volontairement rassurant, dédramatisant l’impact de la chute drastique du prix du baril sur notre économie fortement dépendante des hydrocarbures, les ministres, qui se sont exprimés à sa suite, ont laissé trahir, pour certains, incidemment, un vrai sentiment d’angoisse. “Je suis convaincu que dans une sérénité légitime et grâce aux défis, l’Algérie traversera sans difficulté les grandes perturbations que connaît le marché international des hydrocarbures”, rassurait, en effet,

Bouteflika dans son allocution

d’orientation devant le Conseil des ministres.

Ce discours présidentiel avait voulu atténuer des peurs que le mini-Conseil des ministres tenu quelques jours auparavant aurait pu susciter au sein de larges couches de la société, tant est que les décisions esquissées à cette occasion allaient dans le sens de restrictions budgétaires notables. Mais la sérénité affichée par Bouteflika devant ses ministres a vite été trahie par les ministres qui ont été unanimes pour reconnaître que les lendemains de crise ne seront pas enchanteurs.

Et la déclaration la plus angoissante pour un large pan de la société reste celle prononcée avant-hier devant le Sénat par le ministre des Finances, Mohamed Djellab, soulignant : “À l’avenir, le citoyen paiera ce qu’il doit payer dans un hôpital public ou bien son loyer pour le logement public… Chacun doit assumer ses responsabilités.” Et de révéler, au passage, qu’il s’agit là d’une démarche en cours d’élaboration au gouvernement.

Ce que le ministre des Finances a annoncé devant l’Assemblée des sages, ce n’est rien d’autre que la fin de la gratuité des soins dans les établissements publics de santé et, plus globalement, la fin de la subvention de l’État pour bon nombre de services publics. Nul besoin de prouver que c’est le reflux de la finance nationale induit par la crise du pétrole qui a suggéré de telles mesures. Cela est évident.

Mais le propos ici n’est pas de disserter sur la pertinence des solutions envisagées pour amortir le choc de la crise du pétrole sur la vie économique et sociale nationale. Il s’agit de mettre en relief l’incohérence patente qui caractérise la communication gouvernementale. Une communication recommandée, au demeurant, par le président de la République lors du dernier Conseil des ministres, mais à laquelle il ne parvient pas à donner un contenu cohérent.

C’est ainsi que la déclaration de Djellab est en net déphasage avec les assurances formulées par le chef de l’État. Et cette discordance n’est pas à mettre sur le compte de la non-maîtrise d’une communication en temps de crise à laquelle, il est vrai, le gouvernement ne s’est pas habitué. La cacophonie ambiante découle, en premier lieu, de l’absence d’une stratégie mûrement réfléchie et concertée pour faire face à la crise. Le gouvernement est en fait écartelé entre ce que lui dicte le bon sens économique et le besoin de soigner sa formule pour ne pas effrayer.

Ainsi, lorsque le Premier ministre instruit du gel des recrutements dans la Fonction publique pour l’année 2015, la ministre de l’Éducation nationale s’est empressée d’affirmer que la mesure ne concerne pas son secteur. C’est ainsi aussi que lorsqu’en mai 2014, le Conseil des ministres prend la décision d’autoriser l’exploitation du gaz de schiste, le ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, qui s’est empressé d’aller inaugurer l’allumage de la première torchère à In-Salah, laquelle a soulevé des vagues, fait dans un recadrage maladroit, en affirmant que “le gouvernement n’a, à ce jour, pris aucune décision définitive concernant l’exploitation du gaz de schiste et effectue actuellement une évaluation technico-économique du projet”.

L’attitude du gouvernement est résumée par le Pôle des forces du changement qui soulignait mardi que celle-ci “semble lui être imposée par l’incapacité, l’impuissance et le désarroi dans lesquels il se trouve face à la complexité de cette crise devant laquelle il s’est révélé imprévoyant, et dans la gestion de laquelle, il se révèle aujourd’hui démuni d’une stratégie de riposte adaptée et à la mesure des défis multiples qu’elle impose au pays”.

S. A. I.