Washington et Alger sur la même longueur d’onde à propos des prises d’otages

Washington et Alger sur la même longueur d’onde à propos des prises d’otages

3-1-255.jpgDe très nombreux Etats affirment ne pas payer de rançons lorsque leurs ressortissants sont retenus en otages, alors qu’ils le font, souvent par des voies détournées, recourant à d’autres Etats ou à de richissimes hommes d’affaires. Et les cas sont très fréquents, y compris s’agissant des Etats-Unis qui se montrent, aujourd’hui, d’une intransigeance implacable à ce sujet.

Après s’être montré très ferme au milieu des années 80 dans l’affaire des otages américains au Liban, le président Ronald Reagan a fini par négocier, de fait, les conditions de leur libération.

L’ancien ministre français des Relations extérieures, Roland Dumas, déclarait, en effet, le 30 juin 1985, qu’il «y a quand même eu négociation, et, de ce point de vue, ceux qui se sont emparés de l’avion [un Boeing 727 de la TWA détourné sur Beyrouth le 14 juin 1985], ceux qui ont pris le relais, ont eu partiellement satisfaction, même si cette négociation est passée par des tiers».

Dans tous les cas de figure, à de rares exceptions, les négociations pour la libération d’otages sont menées par des tiers, l’Algérie et la Syrie, par exemple, étant intervenues, à la demande du Premier ministre français, Jacques Chirac, candidat à l’élection présidentielle face à François Mitterrand, et dans le secret le plus absolu, pour libérer, le 5 mai 1988, les otages français, Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton et Marcel Fontaine, retenus en otages au Liban.

Alors qu’ils se montrent inflexibles, les gouvernements cèdent en payant des rançons ou en accédant à des revendications politiques, libérant des détenus, par exemple, sous la pression des familles qui, dans tous les cas, poussent à payer une rançon pour faire sortir leurs parents. «C’est très facile, souligne le président d’un comité de soutien à des Français retenus en otages au Mali, de dire on ne paie pas.»

Sans doute que la remarque de David Cohen, sous-secrétaire américain auTrésor, chargé de la lutte contre le financement du terrorisme et du renseignement financier, sur la proximité des positions américaine et algérienne à ce sujet vise la France qui, tout en jurant de ne pas payer de rançon aux preneurs d’otages, aurait déboursé 17 millions de dollars pour libérer ses otages au Sahel, selon une diplomate américaine. Ce à quoi les Français, exaspérés par les leçons américaines, répondent que «tout le monde paie, y compris les Etats-Unis».

Tout récemment, Rachid Nekkaz, un Franco-Algérien, candidat à la présidentielle française en 2007, annonçait avoir payé [fait un don, selon son propos] 500.000 dollars en faveur des écoles de l’Etat de Borno, au Nigéria, un fief du groupe Boko Haram, pour obtenir la libération de la famille française, trois adultes et quatre enfants, retenue en otage. Il n’y a pas l’ombre d’un doute pour lui que sa « rançon » a facilité la libération de cette famille.

Qu’auraient fait les Etats-Unis si c’étaient des enfants américains qui avaient été retenus en otages, dans un pays où les intérêts américains sont visés ? David Cohen, qui relève la cohérence de la position algérienne avec la politique américaine reposant sur «une interdiction ferme à payer des rançons à une organisation terroriste», se dit convaincu que les citoyens américains «seront mieux protégés dans le long terme en faisant comprendre clairement aux terroristes qu’ils ne peuvent pas obtenir de financement par la prise d’otages […] ».

En attendant que tous les pays se mettent d’accord pour ne pas payer de rançons à des organisations terroristes, des dizaines d’otages, dont des Algériens au Mali, risquent leur vie face à une position d’intransigeance que les familles des otages déplorent.

Brahim Younessi