Un an après les élections municipales : Quel bilan pour nos 1 541 maires ?

Un an après les élections municipales : Quel bilan pour nos 1 541 maires ?
Sofiane Abi

Depuis les élections municipales de novembre 2017, dominées par le Front de libération nationale (FLN), quel bilan établir en une année d’exercice du pouvoir au sein des collectivités locales ?

Lutter contre l’anarchie commerciale, gérer les affaires des communes, auditionner les doléances des citoyens, chercher des investisseurs, développer l’économie communale, lutter contre la bureaucratie administrative et gérer les catastrophes naturelles, telles sont les tâches que les P/APC des 1 541 communes que compte le pays doivent gérer. Si les résultats sont bons pour certaines communes, d’autres, en revanche, enregistrent des retards flagrants, voire une mauvaise gestion dans le traitement des affaires municipales. Pis encore, au moins une centaine d’élus locaux ont été incarcérés depuis les élections municipales de novembre 2017, certains sont accusés de dilapidation de deniers publics, ou de corruption, alors que d’autres sont poursuivis pour mauvaise gestion ou pour fautes professionnelles.

Plus de 2 000 fonctionnaires ont démissionné depuis les dernières élections 

Des ingénieurs, des techniciens, des agents de sécurité, des chefs de service et des élus locaux ; plus de 2 000 départs ont été enregistrés entre et 2017 et 2018 dans les collectivités locales, et ce pour plusieurs causes, nous a révélé une source digne de foi. En effet, les mauvaises conditions de travail, entre autres les salaires non motivants et les pressions infinies sont à l’origine des départs massifs de fonctionnaires depuis les dernières élections municipales. Ils ont pris la décision de démissionner et d’opter pour d’autres endroits plus cléments, selon une source proche de la wilaya d’Alger. La même source nous a indiqué que, pour la seule wilaya d’Alger, plus de 400 fonctionnaires ont quitté le secteur des collectivités locales. Selon quelques fonctionnaires démissionnaires, sont faites par leurs supérieurs qui les harcèlent jusqu’à ce qu’ils quittent leurs postes de travail. Le volet financement a été l’une des raisons du départ également de nombreux fonctionnaires, car après des années de travail, ils n’ont pas bénéficié d’augmentation salariale ni même logement dans le cadre des formules initiées par le ministère de l’Habitat. Parmi les causes ayant poussé ces centaines de fonctionnaires à abandonner leurs postes, les règlements de compte voire des rixes subies par beaucoup de cadres d’APC, de daïra et de wilaya. Selon la même source, l’absence de moyens permettant aux ingénieurs et techniciens d’accomplir leurs missions sur le terrain sont à déplorer. C’est pourquoi ils ont fini par abandonner leurs postes, d’autant que beaucoup de communes du pays souffrent d’énormes difficultés financières.

Une gestion de l’économie communale difficile

Avec la contribution de la Gendarmerie nationale, les APC ont, durant l’année 2017, multiplié les opérations visant à nettoyer le marché économique du pays, lesquelles ont donné des résultats sur le terrain. Selon le bilan de la Gendarmerie nationale, 72 887 commerçants ont été sanctionnés pour diverses raisons. Pour des activités sédentaires et sans registre du commerce, quelque 42 793 commerçants ont été verbalisés, tandis que 10 115 autres marchands ont été pénalisés pour non- détention de la carte fiscale. Ce n’est pas tout, puisque, durant la même période, les gendarmes, avec la collaboration des collectivités locales, ont mené des opérations coup-de-poing contre 6 614 vendeurs pour exposition et vente de produits sur la voie publique, alors que 8 429 autres commerçants ont vu leurs marchandises confisquées pour

défaut de facturation. Au total, 82 142 affaires liées à des infractions aux dispositions et activités commerciales ont été traitées par les gendarmes, impliquant 72 887 commerçants dont 104 ont été écroués. Toutefois, et malgré ces résultats obtenus par les responsables des communes et les gendarmes à travers leurs multiples opérations durant l’année 2017, l’économie parallèle du pays demeure à la merci des activités illégales de nombreux commerçants. Selon un bilan du Centre national du registre du commerce (CNRC) réalisé en 2016, le marché commercial du pays compte plus de 1,7 million de commerçants. Quelque 200 000 vendeurs informels exercent toujours à travers le pays, en dépit des multiples opérations menées par les collectivités locales et les gendarmes pour endiguer ce phénomène.

Les P/APC n’ont toujours pas déclaré leurs biens

Bien que ce soit un passage obligé avant même de prendre les commandes des APC, les présidents d’APC des 1 541 communes tout comme les walis délégués, n’ont à ce jour pas déclaré leur patrimoine à l’Office national de lutte contre la corruption (ONLCC), et ce après un an à la tête des communes. L’ONLCC va-t-il appliquer la loi aux P/APC et walis délégués, surtout en ces temps de crise financière, en les obligeant à faire une déclaration de leur patrimoine ? En attendant, il est impératif de rappeler qu’entre 2007 et 2017, plus de 2 000 élus locaux, entre walis délégués, présidents d’APC, secrétaires généraux et autres élus locaux, sont incarcérés pour des affaires de détournement de deniers publics, de terrains agricoles, pour escroquerie de citoyens et distribution frauduleuses de logements sociaux au profit de bénéficiaires ayant déjà obtenu des logements. Il est grand temps de mettre fin à ces graves pratiques, surtout en ces temps de crise financière. Un défi qui nécessite une volonté claire de la part de l’ONLCC. Ce dernier, qui a été créé pour combattre la corruption et toute forme de criminalité touchant à l’argent public, doit se manifester et passer à l’action, même après une année de la tenue des élections municipales. Ce qui permettra d’éviter d’éventuels détournements, corruption et escroqueries à l’avenir. Les oblige à faire une déclaration de leurs biens, donner une sérieuse option « positive », créer à une transparence dans la gestion des communes et une volonté robuste, non seulement pour les P/APC mais également pour l’ONLCC. Avec cette déclaration du patrimoine, la gestion des APC sera aussi plus efficace qui a une meilleure image des présidents d’APC aux citoyens qui ne cherchent que la transparence et le travail concret. Une transparence perdue durant plus de deux décennies, plus exactement depuis l’année 1992 où l’ex-FIS (parti islamiste dissous) avait pris les commandes de plusieurs APC avant que celles-ci ne sombrent dans des affaires de détournement. C’est le même cas pour la période allant de 2000 à 2017, où beaucoup de P/APC, sous l’ère du multipluralisme, avaient été arrêtés pour des affaires de corruption. Désormais, les nouveaux présidents d’APC ne jouissent plus de larges prérogatives comme avant. Cela dit, les P/APC d’aujourd’hui auront peut-être moins de prérogatives, mais beaucoup de travail à faire