Une appréhension très perceptible règne dans le milieu des commerçants depuis l’annonce de la suspension d’importation de certains produits en provenance de l’étranger. Le consommateur n’est pas en reste. Un certain nombre d’interrogations circule parmi les Algériens et ces derniers n’hésitent pas à tenter de s’informer auprès de leurs marchands habituels.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Cette situation a y compris introduit des modifications comportementales tant au niveau des commerçants que celui des acheteurs. Une simple virée dans des supérettes ou autres lieux de commerce habituels permet de constater que l’annonce de cette mesure a été, tout d’abord, perçue comme une «menace» pour les traditions alimentaires qui se sont progressivement ancrées au sein de la société à la faveur de l’ouverture du marché. «En fait, souligne une Algéroise qui avoue avoir pour habitude de fréquenter les supérettes les mieux achalandées de la capitale, le client n’a pas encore tout à fait compris ce qui va se dérouler. On nous dit que certains produits étrangers vont disparaître de ces espaces, mais personne ne sait réellement de quoi il s’agit.
Personnellement, je suis inquiète de savoir que je ne pourrai, prochainement, plus offrir à mes enfants certains produits auxquels ils sont habitués. Je ne parle pas spécialement des sucreries ou autres friandises, mais de toutes ces sauces qui accompagnent les plats de nos petits. Les miens ne mangent jamais sans ketchup ou mayonnaise par exemple. On aimerait savoir si ces produits vont être touchés.»
Les mêmes inquiétudes se font ressentir un peu partout, incitant certaines personnes à stocker des marchandises de longue durée. C’est particulièrement le cas de ces célèbres pâtes à tartiner préparées à base de chocolat. «Je préfère prendre plusieurs pots, mes enfants en raffolent, on ne sait jamais de quoi seront faits les prochains jours», avoue un père de famille.
Comme d’autres, il s’interroge sur la nature des produits qui seront suspendus d’importation. «On ne sait pas si les fromages seront touchés, ce serait vraiment dommage car chacun de nous a ses petites habitudes depuis un certain temps. Et puis il y a aussi ces laits spécifiques que des personnes malades ou de santé fragile sont obligées de consommer. Je ne sais pas si le gouvernement a pensé à tout cela.» Un autre père de famille confie à son tour avoir fait le plein de couches importées : «J’ai trouvé un marchand qui en avait encore beaucoup, alors j’ai fait le plein. Ma petite fille est habituée à une certaine marque (…) Il est vrai que nous nous posons des questions, ce serait dommage de voir certains produits auxquels nous sommes habitués disparaître des étals, mais il est vrai aussi que certains produits sont totalement inutiles. Les personnes qui consomment de l’eau Evian, ou du Perrier sont rares (…) il y a le saumon aussi, mais j’avoue que j’en consomme de temps à autres (…) leur présence dans les supérettes nous donne l’impression d’être un pays moderne.»
D’autres plaintes se font entendre. Celles-là émanent des commerçants. Tous ceux qui ont été interrogés dans le cadre de ce reportage ont le même avis. «Une catastrophe, plus rien ne rentrera.» Une «catastrophe», disent-ils qui se fait déjà ressentir depuis un moment, expliquent ces derniers. «Les importateurs savent qu’ils épuisent leurs derniers stocks, alors ils agissent en conséquence. Actuellement, ils nous font payer très cher cette mesure, les produits restants sont libérés au compte-goutte et vendus à un prix beaucoup plus élevé qu’auparavant.» A Aïn-Allah, un marchand interrogé affirme que le prix du kilo de gruyère a pratiquement doublé à l’achat au cours de la semaine dernière. «Avec la multiplication des importateurs, il avait atteint le prix de 650 DA le kilo, à présent nous l’achetons à 1 650 DA. C’est pareil pour le lait de bébés, depuis quelques jours, il a augmenté de 50%, les parents sont complètement désemparés.»
L’appréhension ne se limite pas au commerce des aliments. La liste des produits désormais interdits d’importation indique que sont également concernés les «articles de robinetterie, transformateurs électriques, marbre fini, granit fini, produits rouges (briques et tuiles), tapis, produits finis en plastique, meubles et lustres». «Beaucoup d’entre nous vont fonctionner encore un certain temps avec les produits restants, ensuite il faudra probablement s’orienter vers une autre activité, on ne peut pas rester dans l’expectative à attendre qu’une autre directive annule la première, car c’est comme cela que cela se passe dans notre pays.»
Un commerçant spécialisé dans la robinetterie raconte à son tour son désarroi. «J’ai loué ce local que j’occupe pour une durée de trois années. Tout mon argent est parti là-dedans…»
A. C.