Samir Kacimi et Amara Lakhous ont animé une rencontre littéraire le 13 avril au Centre diocésain des glycines. Les deux écrivains ont retracé leurs parcours, présenté leurs principaux écrits et échangé leur point de vue. Ils sont tous les deux édités par la maison d’édition Barzakh, quia présenté à cette occasion leurs deux nouveaux livres publié ce printemps.
Les deux auteurs, hôtes d’un après-midi du centre Diocésain des Glycines, ont eu le plaisir de retracer au public qui a assisté à leur conférence leurs parcours différents. D’origine algérienne, tous les deux évoluent dans deux sociétés différentes. Les deux en font leur sources d’inspiration.
Amara Lakhous, le plus italien des Algériens
Il vit à Rome depuis 1995 et écrit ses romans directement en langue italienne. Son premier succès est le roman « Choc des civilisations dans un ascenseur Piazza Vittorio » qui a obtenu le prix Racalmare Leonardo Sciascia.
Il a quitté l’Algérie lors de la décennie noire et il a choisit de baser ses écrits sur la société italienne. Il ne souhaitait pas écrire sur le terrorisme, mais plutôt aborder le thème des violences morales.
Sa vie en Italie a profondément influencé son style d’écriture, puisque l’on retrouve des touches de « la comedia del arte ». Il dit lui-même s’inspirer de ce genre littéraire dans ses romans. « J’ai été captivé par la comedia del arte, puisqu’en assistant à une représentation théâtrale, j’ai réalisé que le spectacle pouvait me faire rire et pleurer à la fois ». Et c’est justement cette complexité émotionnelle qu’il veut transmettre dans ses écrits. Dans ses romans qui se situent entre réalisme et modernité, on retrouve de l’humour et de l’ironie. Il mêle les genres, joue avec les personnages et alterne les longs monologues.
Dans « Divorce à la musulmane à Viale Marconi » il narre les aventures de Christian Mazzari, jeune sicilien sans histoire, passionné de langues et de civilisation arabes. Un jour, il reçoit l’ordre de se faire passer pour « Issa » et d’infiltrer la communauté musulmane de Rome. A travers ses aventures, Christian/Issa, découvre le quotidien des immigrés.
Contrairement aux auteurs algériens qui ont quitté le pays, Amara Lakhous a choisi d’écrire sur la société italienne et sur la thématique de l’immigration.
Amara Lakhous avoue puiser une très grande partie de son inspiration du cinéma italien qui le passione. Il lisait du Flaubert à l’âge de 16 ans et un grand admirateur de l’écrivain grec Alexis Iyenzakis. Il est passionné d’art en général et écrit dans le but partager ses passions avec les lecteurs. Lakhous Amara dit avoir commencé à écrire en ayant l’espoir de ressembler aux grands auteurs italiens.
Samir Kacimi, l’écrivain révélé au détour d’un reportage
Quand au second auteur, son parcours est tout autant atypique. Né en 1974 à Alger, Samir Kacimi travaille en tant que journaliste culturel depuis 1993. Il a aussi exercé en tant que traducteur et a travaillé sur des œuvres de grands auteurs comme Mohamed Dib et Malek Haddad. Samir Kacimi écrit en arabe et a été d’abord connu par sa poésie.
Sa notoriété arrive avec la publication de « La proclamation d’être perdue » paru en 2008. Il y décrit la vie en prison en Algérie.
Samir Kacimi dit être « devenu écrivain par hasard ». Il raconte le passage, sans préavis, du journalisme au roman. Alors qu’il devait faire un reportage sur les prisons, son style d’écriture journalistique s’est transformé en envie d’écrire un roman.
Écrit sous la forme d’un journal, son oeuvre raconte l’histoire d’un homme atteint de schizophrénie qui entre dans un poste de police et qui découvre qu’un mandat a été diffusé à son encontre. Il atterrit dans l’une des prisons les plus célèbres d’Algérie Kacimi a remporté avec ce roman le Prix Hashemi-Saidani pour le meilleur début d’Algérie.
Il écrit en arabe mais son œuvre « L’Amour au tournant » a été traduite en français. Dans ce roman, il narre le quotidien d’un homme de quatre vingt cinq ans qui attend la mort. Son quotidien a atteint un niveau d’ennui tel qu’il tente par tous les moyens de provoquer son propre décès. » L’idée d’écrire ce roman m’est venue grâce à deux hommes très âgés que j’avais l’habitude de croiser tous les jours. Assis, ils passaient une grande partie de leur journée ensemble. Mais un jour, un seul homme était assis. »
Lorsque Samiri Kacimi alla vers le vieil homme, celui-ci lui apprit que son compagnon habituel était décédé. Inspiré, l’imagination de l’auteur le mena à imaginer le quotidien d’un homme en fin de vie. Pour l’écrivain, nous savons tous que chaque homme a sa propre histoire. Mais il considère que beaucoup ont plus d’une histoire à raconter. Et en tant que romancier, il souhaite donner de la voix à tous ces personnages.
Cependant, il ne souhaite pas s’arrêter à un seul thème récurent pour l’ensemble de ses écrits. Il est important « d’être capable de surprendre ses lecteurs. »
Echanges d’expériences, regards croisés sur les sociétés, angle d’écriture très différents, les deux auteurs ont laissé libre court à un foisonnement d’idées qui a transporté le public dans des mondes sans frontières où le seul visa reconnu est le talent.