Saida, décembre 1959, une femme, deux hommes poignards dans la bouche : une photo, une histoire

Saida, décembre 1959, une femme, deux hommes poignards dans la bouche : une photo, une histoire

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La photo montre une femme qui marche au milieu des deux hommes à qui les sinistres soldats du commando Georges ont mis des poignards dans la bouche. Cela s’est passé à Saïda le 7 décembre 1959. Les deux hommes sont Madani Bouziane et Mohamed Cheikh, morts pour l’indépendance de l’Algérie. La femme est Naamaoui Fatima, connue sous le nom de guerre de Djamila.

Le colonel Marcel Bigeard avait décidé, dans le cadre de la guerre psychologique, d’organiser une parade pour exhiber les moudjahidines dans les rues de Saïda. Une opération destinées à terroriser les habitants qui étaient déjà marqués par les scènes de combattants de jetés du haut des hélicoptères.

Tenant la même photo (ci-dessus) entre ses mains, Naamaoui Fatima, rapporte qu’un harki a obligé Mohammed Cheikh à mordre un couteau, le menaçant de lui percer ses joues sous les yeux du lieutenant Georges Grillot et du colonel Bigeard.

Et pourtant a souligné Naamaoui Fatima, dans une déclaration faite en juin 2015 au journal El Khabar, soit 65 ans après son arrestation par le commando Georges le 7 décembre 1959 à Saïda, le « jour le plus sombre » de sa vie : des habitants n’hésitaient à nous souffler : « courage, courage ».

Djamila a été arrêtée dans une ferme d’une banlieue située dans les environs de Saïda, le 7 décembre 1959, soit quatre mois après la visite du général Charles de Gaulle dans cette région.

« Nous avons appris très tôt le matin que nous étions encerclés. Nous nous étions cachés la veille sous une écurie mais les soldats français semblaient avoir des indications précises fournies par des « vendus ». Ils nous demandaient de nous rendre. Nous avons été arrêtés après la mort de deux compagnons et l’épuisement de nos munitions », se souvenait-elle.

Elle a précisé que les soldats de l’armée coloniale étaient tombés sur de grandes quantités d’armes et de munitions, cachées en attendant leur transfert au maquis. « Ces armes ont été subtilisés par des moudjahidines algériens, qui effectuait leur service militaire avant de nous rejoindre au maquis et mourir quelques temps après », relatait-elle.

Djamila a rejoint le maquis à la fin de la Bataille d’Alger. Les éléments du commando se livraient à une sanglante campagne de terreur à Saïda. Ils ont réussi à retourner certains anciens combattants et en faire des « bourreaux » contre leurs anciens compagnons de la résistance algérienne.

C’est l’un de ces mêmes « vendus » qui avaient fourni aux soldats de l’occupation la localisation détaillée de la cachette de Djamila, mineure lors des faits, et de ses compagnons.

Elle a relaté lors du même entretien à El Khabar son agression par un certain « Adda Sarsar », à qui elle a rappelé les soins qu’il lui a prodigué au maquis avant qu’il ne prenne la fuite avec son épouse pour rallier les rangs des occupants, participer à l’arrestation de Fatima et sa torture.

Au sujet de l’épouse de ce même Sarsar, une certaine « Sourria », Djamila a révélé avoir reçu sa visite dans les années 1980, pour implorer le pardon de la moudjahida et exprimer ses profonds regrets. « J’ai eu pitié d’elle lorsqu’elle m’a rendu visite et m’a trouvé honorée et aimée dans mon pays, entourée de mes enfants et mes petits-enfants », a-t-il rajouté.