Remaniement ministériel et nouveau modèle économique: Les raisons d’un changement

Remaniement ministériel et nouveau modèle économique: Les raisons d’un changement

P160613-12.jpgLe nouveau modèle économique algérien est peut-être moins ambitieux que celui des Saoudiens, mais dans les deux cas, ce sera le succès ou la déchéance.

Le remaniement ministériel opéré, avant-hier, par le président de la République répond principalement à l’exigence de relever le défi économique dans un contexte financier très difficile et qui ne risque pas de s’améliorer dans les semaines et les mois à venir. L’industrie, l’agriculture, le tourisme, les finances et l’énergie constituent, en effet, les piliers de la diversification économique. Cela passe par une mobilisation des financements à travers une exploitation optimale des ressources énergétiques et une gestion rigoureuse des recettes des hydrocarbures et de la fiscalité ordinaire. En fait, chaque ministre doit relever un grand défi et tous sont connectés les uns aux autres par le nouveau modèle économique.

Le développement et la modernisation du parc industriel et du tourisme apporteront un plus en fiscalité, mais à condition que l’administration fiscale sache optimiser le recouvrement fiscal, actuellement au plus bas, malgré quelques améliorations. Une politique fiscale judicieuse est à même de donner au budget de l’Etat plus de vigueur et de marge pour le financement de programmes de subvention de l’agriculture. Celle-ci, qui se trouve déjà sur une dynamique haussière en matière de production et ambitionne d’aller sur les marchés étrangers, produira un double impact positif en matière de ressources en devises et un apport fiscal conséquent. Il est vrai qu’il ne suffit pas de le dire pour que le «petit miracle» se réalise, mais le pays n’a plus le luxe de rater le prochain rendez-vous avec l’histoire. Il doit transformer l’essai, au risque de sombrer dans un chaos économique et social.

La mission des cinq ministres est donc d’autant plus sensible qu’ils portent sur leurs épaules les grands défis de l’heure d’une société légitimement inquiète pour son devenir immédiat. La baisse continue des réserves de changes, estimées à 136 milliards de dollars, et la fonte à vue d’oeil du Fonds de régulation des recettes rapprochent l’Algérie de l’endettement extérieur. Cette difficulté financière vient se greffer à une situation sécuritaire régionale très inquiétante. Ce qui oblige l’Etat à affecter des enveloppes conséquentes à la surveillance des frontières. Cela pour dire que l’Algérie ne peut pas se permettre des coupes dans les dépenses militaires comme le font épisodiquement certaines nations, à l’image de la Grèce.

En fait, le défi est double. Il faut sortir l’économie de sa dépendance aux hydrocarbures, dans un contexte de déficit budgétaire et l’obligation de maintenir un minimum de social pour éviter une détérioration du climat général et une vigilance de tous les instants sur le volet sécuritaire. Tout cela coûte de l’argent que le prix actuel du baril de pétrole n’est pas en mesure de garantir.Cette situation n’est pas propre à l’Algérie qui partage ses difficultés avec un autre Etat pétrolier qui tire 90% de ses recettes des hydrocarbures. L’Arabie saoudite, avec ses 28 millions d’habitants est certes plus riche que l’Algérie, mais fait face à des dépenses proportionnellement aussi importantes. Ses réserves de changes fondent à un rythme affolant, plus de 160 milliards de dollars en deux ans! La guerre qu’elle a engagée au Yémen siphonne le Trésor public à une allure de 1 à 3 milliards de dollars par mois.

Pareille situation, en ces temps de pétrole pas cher est intenable. Comme l’Algérie, l’Arabie saoudite développe une politique de subvention tous azimuts et compte 11% de sa population active au chômage. Les deux pays partagent donc les mêmes difficultés et mettent en branle, chacun de son côté, son nouveau modèle économique. Sauf que l’Arabie saoudite l’assoie sur un matelas financier de 2 000 milliards de dollars, financé par les réserves de changes et l’ouverture du capital, à hauteur de 5% de la compagnie pétrolière du pays. Une transaction qui devrait rapporter à l’Etat saoudien 100 à 150 milliards de dollars. Au plan gouvernemental, le roi Selmane a opté pour un superministère qui réunit l’Industrie, l’Energie et les Mines.

Le royaume qui a confié la mission de conduire le nouveau modèle économique au prince héritier, Mohamed Ben Selmane, se lance donc dans une phase d’investissements tous azimuts avec l’objectif de diversifier l’économie à l’horizon 2030. L’Algérie qui a déjà le pied à l’étrier de la diversification a fixé une progression de ses exportations hors hydrocarbures à hauteur de 6% des recettes globales, pour l’exercice 2016, avec ensuite un agenda d’investissements privés nationaux et étrangers, appelés à connaître un boom dans les deux prochaines années. Le nouveau modèle économique algérien est peut-être moins ambitieux que celui des Saoudiens, mais dans les deux cas, ce sera le succès ou la déchéance.