Retrouvez le premier discours de l’Ambassadeur des Etats Unis John Desrocher à L’Institut Diplomatique et des Relations Internationales
« Merci à la directrice générale Mesdoua de me recevoir ici aujourd’hui
Distingués invités, collègues, Mesdames et Messieurs,
Bonsoir, a’am sa’eed, assegas amegaz, bonne année!
Il était important pour moi de prononcer mon premier discours en ma qualité d’Ambassadeur des
Etats Unis en Algérie à l’Institut Diplomatiques et des Relations Internationales, un endroit où les
diplomates actuels et futurs apprennent le métier de la diplomatie. Je suis diplomate depuis
presque 30 ans et j’ai servi dans le monde entier. En tant que diplomate, vous apprenez beaucoup
en vous déplaçant d’un endroit à l’autre, mais je retiens une leçon en particulier, c’est que plus
vous en savez, plus il y a à apprendre. Je sais une chose, c’est est que les relations bilatérales
entre les Etats Unis et l’Algérie sont prometteuses et ont le potentiel pour faire avancer les
intérêts de nos deux pays sur un large éventail de questions – approfondir nos liens économiques
et commerciaux, faire progresser notre lutte commune contre le terrorisme et l’extrémisme, en
soutenant des solutions politiques pour les conflits en Libye et au Mali, et en renforçant la
société civile et la gouvernance démocratique, pour n’en nommer que quelques-uns. C’est un
moment palpitant et important d’être ici.
Les relations entre les États-Unis et l’Algérie sont anciennes, profondes et progressent
régulièrement. Les relations diplomatiques entre les États-Unis et l’Algérie ont été établies il y a
55 ans, le 29 septembre 1962, mais nos relations bilatérales remontent à la fin des années 1700.
Le premier émissaire américain a mis les pieds en Algérie en 1785, deux ans seulement après
notre indépendance en tant que nation, pour négocier un traité de paix et d’amitié. L’Algérie a été
l’une des toutes premières nations à reconnaître officiellement les États-Unis en tant qu’État
indépendant en signant le Traité de paix et d’amitié le 5 septembre 1795.
Ces premières interactions bilatérales sont presque inconnues aux États-Unis, et je pense qu’elles
sont également presque inconnues chez les Algériens. Il serait approprié de passer un peu de
temps à discuter de cette période ici dans un institut de formation diplomatique parce que
l’histoire présente de nombreux exemples de la façon dont la diplomatie doit — et ne doit pas —
être menée.
La plupart des Américains ne réalisent pas à quel point la Méditerranée au moment de
l’indépendance américaine était importante pour les États-Unis. La Méditerranée était un marché
important pour le poisson, le bœuf, l’approvisionnement naval et les céréales. En effet, la région
était la destination d’un quart des exportations de poisson des États-Unis et d’un sixième de toutes
les exportations de céréales des États-Unis. Mais la Méditerranée de la fin du 18ème
siècle était un
endroit chaotique et sans loi. Les navires de guerre des ports nord-africains saisissaient les
navires marchands européens et leurs équipages et les navires européens faisaient de même pour
les navires nord-africains. Avant l’indépendance, la navigation américaine en Méditerranée était
protégée par les accords britanniques et la Royal Navy, mais une fois notre indépendance
acquise, nous devions conclure nos propres accords. En effet, certaines puissances européennes
ont encouragé les corsaires algériens à s’emparer de la marine américaine pour faire pression sur
leurs propres commerçants et protéger le marché méditerranéen.
Il ne serait pas exagéré de dire que les efforts diplomatiques méditerranéens ont dominé la
politique étrangère des États-Unis dans les années qui ont immédiatement suivi l’indépendance.
Presque tous nos pères fondateurs – Washington, Jefferson, Adams, Franklin et autres – ont été
mobilisés. Et pendant très longtemps, cela ne s’est pas bien passé.
La jeune nation des États-Unis a souffert d’une réelle pénurie de diplomates expérimentés. La
tâche de négocier avec le Dey d’Alger, Mohammed Bin Othman, fut confiée en 1785 à un
officier de marine nommé John Lamb. Alors qu’un certain nombre de dirigeants américains
soutenaient la nomination de Lamb, ses capacités n’étaient pas claires, mis à part qu’il achetait
des chevaux et des mules à Tanger autrefois. Comme l’a écrit l’historien Richard Parker, Lamb
semblait ne rien connaitre sur Alger ou du reste de la région, il était grossier et argumentatif, et
semblait générer plus de problèmes que de solutions.
Après l’échec de la mission de Lamb, les efforts sont restés en veille pendant plusieurs années.
Le héros naval américain, John Paul Jones, a été chargé de mener cette mission, mais il est mort
avant de pouvoir commencer. La tâche a par la suite été confiée au consul américain à Tanger,
mais il est mort, forçant le secrétaire d’État Jefferson à se tourner vers le ministre des États-Unis
à Lisbonne, David Humphreys. Humphreys n’est jamais venu à Alger parce que le Dey a refusé
de négocier avec lui. Les négociations n’ont repris sérieusement qu’à la nomination de Joseph
Donaldson comme consul des États-Unis à Tunis et à Tripoli. Donaldson a finalement réussi à
négocier un accord avec le Dey en 1795, ce qui a coûté au gouvernement américain près d’un
million de dollars. Pour mettre cela dans un contexte, et pour montrer à quel point il était
important de parvenir à un accord pour la jeune nation américaine, le coût du traité dépassait de
12% les recettes totales du gouvernement américain cette année-là.
Le traité stipulait qu’à partir de ce jour: « Les deux nations se traiteraient avec civilité, honneur
et respect. » Le premier envoyé américain résident arriva deux ans plus tard, faisant de l’Algérie
le sixième pays du monde à avoir une mission américaine permanente, et la première en dehors
de l’Europe. Ce premier représentant américain, Richard O’Brien, avait été, en fait, prisonnier à
Alger pendant une décennie et avait prouvé sa sagesse lors des négociations finales du traité de
1795. Il y aurait eu des Américains assignés continuellement à Alger pour les 220 prochaines
années, à l’exception d’une période de cinq ans à la fin du 19ème siècle où le Congrès n’a pas
réussi à s’approprier des fonds pour garder le poste ouvert.
Il est particulièrement intéressant de noter qu’Alger était apparemment l’hôte du premier
diplomate étudiant américain. William Hodgson fut envoyé à Alger comme « élève-interprète »
en 1826, chargé d’apprendre l’arabe, le turc et d’autres langues.
Après l’occupation française, notre représentation en Algérie devint un consulat, et plus tard un
consulat général. La première délégation du Congrès, ou CODEL, comme nous les appelons,
nous les diplomates américains, à visiter l’Algérie aurait eu lieu en 1869. Samuel Cox, un
membre du Congrès de New York, se plaignait que, tandis que le commerce semblait augmenter
en Algérie, les Etats-Unis n’en profitaient pas. Certaines choses ne changent jamais.
A la fin du 19ème siècle, l’interaction américaine avec l’Algérie commença à se développer un
peu, car Alger devint une destination hivernale de plus en plus populaire pour les Européens et
les Américains qui pouvaient se permettre le voyage. Villa Montfeld, la résidence de
l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger, a accueilli de nombreux visiteurs américains.
Au 19ème siècle, le personnel du consulat se tourna de plus en plus vers la politique algérienne
interne et vers l’agitation croissante contre la domination française. Washington a sans doute
bénéficié de la perspicacité de ses diplomates, mais ils ne comprenaient pas toujours bien les
choses. En 1935, par exemple, le consulat notait l’analyse d’un géologue américain qui rapportait
que « l’énorme zone désertique au sud est couverte … d’un substrat de roches hautement
métamorphosées dans lesquelles il est pratiquement impossible que des gisements de pétrole
puissent exister.»
Le 7 novembre 1942, Ferhat Abbas a demandé à l’émissaire américain Robert Murphy comment
les Etats-Unis envisageraient-ils une Algérie indépendante. Murphy répondit que « les
Américains étaient … avec toutes les aspirations pour l’indépendance ». Mais il a précisé que la
plus grande priorité américaine à cette époque était la défaite de l’Allemagne nazie. Avec cette
défaite, les Etats Unis accordèrent plus d’attention à la question de l’indépendance de l’Algérie.
Dès 1949, le gouverneur général français se plaignait du fait que le consulat général des ÉtatsUnis
à Alger apportait un soutien moral aux nationalistes algériens et que le consulat agissait
comme une ambassade dans une nation indépendante au lieu de rendre compte à Washington à
travers l’ambassade américaine à Paris.
Le 2 juillet 1957, le sénateur John Kennedy a courageusement proclamé au Sénat que «
l’impérialisme [était] l’ennemi de la liberté » et a présenté une résolution soutenant
l’indépendance de l’Algérie. Ses mots ont provoqué la consternation de beaucoup d’alliés (et des
fonctionnaires américains). Mais cinq ans plus tard, la condamnation du sénateur s’avéra juste
alors que l’Algérie émergeait forte et indépendante. Le 3 juillet 1962, le président Kennedy
réaffirmait avec fierté « les liens d’amitié des Etats Unis avec le gouvernement et le peuple
algériens » et engageait nos nations à travailler ensemble « pour la cause de la liberté, de la paix
et du bien-être humain. »
Il est à noter que lorsque le président Ahmed Ben Bella s’est rendu à New York pour hisser le
drapeau algérien aux Nations Unies, il a passé deux heures avec le leader américain des droits
civiques Martin Luther King, dont les Américains célèbrent aujourd’hui l’anniversaire. Au cours
de cette même visite, le président Ahmed Ben Bella s’est rendu à Washington, DC. Il a offert le
toast suivant au président Kennedy à la Maison Blanche, « Que les expériences de nos deux pays
favorisent la cause du grand but universel de l’humanité – la compréhension mutuelle, la paix, le
bien-être, et la vraie fraternité. »
Probablement aucun événement n’aura autant renforcé nos solides relations bilatérales plus que
les efforts de l’Algérie pour la libération en 1981 des 52 diplomates américains retenus en otage
en Iran. Dans quatre jours, nous célébrerons le 37ème anniversaire de la signature des Accords
d’Alger et la libération des otages. Le peuple et le gouvernement américains restent
profondément reconnaissants à l’Algérie pour ses efforts de médiation qui ont conduit à la
libération de nos diplomates. Comme l’a déclaré le Secrétaire adjoint de l’époque, Warren
Christopher, au Comité des affaires étrangères, « je n’ai aucun doute … que sans la participation
de l’Algérie, les otages n’auraient pas émergé de l’abîme de la peur. » Il est également important
d’honorer l’importante contribution de Redha Malek, décédé l’été dernier, à la libération de nos
otages. J’ai passé un peu de temps le week-end dernier avec la famille Malek pour lui exprimer
mes condoléances suite au décès de Madame Malek, une femme qui a été une superbe
représentante de l’Algérie alors que son mari était ambassadeur à Washington et qui est restée
une amie chère des Etats Unis jusqu’à sa disparition il y a deux semaines.
Après ce bref aperçu des deux cents premières années de relations bilatérales, il est peut-être
approprié de parler de la manière dont ces relations pourraient évoluer.
J’ai le sentiment que la relation bilatérale entre les États-Unis et l’Algérie est aujourd’hui plus
forte que jamais et j’ai hâte de travailler avec nos partenaires algériens, y compris vous tous avec
nous aujourd’hui, pour renforcer encore ce partenariat important et dynamique.
Sur quoi allons-nous focaliser? Premièrement, nous travaillerons à renforcer notre coopération
bilatérale en matière de sécurité pour lutter contre le terrorisme et promouvoir la stabilité
régionale,
Deuxièmement, nous voulons développer le commerce bilatéral et l’investissement,
Enfin, nous continuerons à travailler avec nos partenaires algériens pour favoriser les liens entre
les deux peuples et le dialogue sur des sujets couvrant l’ensemble de notre relation. Bien sûr, les
questions diplomatiques, politiques et économiques sont essentielles, mais nous espérons
également élargir nos relations dans les domaines culturels et éducatifs.
Au cours des dernières années, nous avons eu des consultations extensives à haut niveau avec
nos partenaires du gouvernement algérien et avec une participation importante des différents
secteurs, sur le terrorisme et les questions sécuritaires en Afrique du Nord. Nos gouvernements
tiennent des dialogues stratégiques bilatéraux et des dialogues militaires conjoints de façon
régulière. Nous continuons à apprendre de l’expérience et de l’expertise que l’Algérie a acquise en
payant un lourd tribut dans sa propre lutte contre le terrorisme. Nous travaillons en étroite
collaboration pour soutenir le processus politique mené par l’ONU sur la Libye, et nous saluons
les efforts déployés par l’Algérie à la tête du comité de suivi de l’Accord d’Alger de 2015 pour
promouvoir une solution politique au Mali. Je me suis rendu à Bamako en novembre dernier et
j’ai rencontré plusieurs de nos partenaires maliens et diplomates algériens. Nous reconnaissons le
rôle important que joue l’Algérie dans la promotion de la stabilité au Mali et dans la région du
Sahel.
Mais nos relations bilatérales vont au-delà des efforts sécuritaires et de stabilisation régionale. Il
est important de noter que la relation entre les États-Unis et l’Algérie se développe dans les
domaines économique et commercial. L’Algérie a une opportunité importante de poursuivre la
diversification économique, de promouvoir la croissance du secteur privé et d’attirer les
investissements étrangers.
Notre ambassade en Algérie facilite également un large éventail de programmes de coopération
bilatérale qui ne cessent de croître et qui renforcent nos liens sécuritaires, économiques, de
gouvernances, éducatives et culturelles. Cela témoigne de la valeur que nos deux pays accordent
à notre partenariat croissant. L’année dernière, l’Algérie a lancé un nouveau modèle économique
pour développer et diversifier ses industries nationales. Elle a également réévalué les
programmes de subventions de l’État et exploré de nouvelles formes de financement.
Le gouvernement américain applaudit les efforts déployés par l’Algérie pour diversifier son
économie et nous voulons nous associer à ce processus. En janvier dernier, le Département du
Trésor a envoyé un conseiller technique en Algérie pour fournir des conseils sur la gestion
efficace de la dette et le développement du marché de la dette intérieure. En avril, nos
gouvernements ont organisé la dernière réunion annuelle du Conseil de l’Accord-cadre sur le
commerce et l’investissement afin d’identifier les moyens de renforcer les liens économiques en
réduisant les obstacles au commerce et à l’investissement. Le secteur privé américain s’intéresse
également beaucoup à l’Algérie. En avril, GE Power a signé un contrat de services avec la
société algérienne Sonelgaz, d’une valeur de 3,3 milliards de dollars, pour fournir des mises à
niveau et des services à long terme à 10 usines de gaz à travers le pays. En outre, une filiale de
Honeywell International a été sélectionnée pour fournir des services d’ingénierie et de démarrage
pour l’expansion de la raffinerie de Skikda. Nous espérons continuer à faciliter ce type
d’investissement dans votre pays qui aident à créer des emplois pour les Algériens et les
Américains.
Alors que de nouveaux investissements et la diversification économique sont essentiels, l’Algérie
reste l’un des principaux producteurs régionaux de pétrole et de gaz et est une source d’énergie
essentielle pour l’Europe et le Moyen-Orient. Elle est classée 10ème en termes de réserves
mondiales de gaz et 16ème pour les réserves de pétrole. Vu l’expertise considérable des ÉtatsUnis
dans le secteur de l’énergie, j’encouragerai les entreprises américaines à travailler en
partenariat avec des entreprises algériennes pour développer le secteur de l’énergie.
En 2016, le gouvernement algérien a adopté une série de réformes constitutionnelles pour
renforcer le système politique algérien, consacrer les libertés fondamentales et promouvoir la
société civile. Ces réformes renforcent le tissu démocratique et social de l’Algérie et sont des
facteurs clés de la prospérité et de la stabilité que l’Algérie a réalisées dans une région pleine de
défis. J’ai apprécié mes rencontres avec les membres d’une société civile vibrante en Algérie, et
je suis impressionné par leur énergie et le grand nombre de personnes qui travaillent dans le
domaine des droits de l’homme, la société civile et d’autres organisations non gouvernementales
en Algérie. Notre message est clair: nous sommes aux côtés de l’Algérie alors que vous
continuez sur cette voie.
En ma qualité d’Ambassadeur, je vais également donner la priorité à l’expansion des relations
entre nos deux sociétés à travers de nouveaux échanges universitaires et entre nos deux peuples.
J’ai l’impression que l’Algérie – son peuple, sa culture, son histoire – n’est pas bien comprise aux
États-Unis. Je voudrais essayer de commencer à changer cela. Nous voulons aussi partager
l’Amérique avec vous. L’ambassade des États-Unis offre différentes opportunités aux étudiants et
aux chercheurs universitaires pour visiter notre pays. Par exemple, nous offrons des bourses
pour étudier aux Etats Unis à travers le programme Fulbright. Nous offrons également des
opportunités pour les jeunes professionnels de rencontrer et d’apprendre de leurs homologues
américains à travers le programme International Visitors Leadership. Pour ceux qui ont besoin
d’aide pour apprendre l’anglais, nous soutenons également l’apprentissage de la langue anglaise
pour les étudiants dans tout le pays.
Et enfin, nous voulons que les dirigeants algériens et les citoyens algériens sachent que les ÉtatsUnis
sont attachés à un partenariat durable et multidimensionnel qui favorise la croissance
économique inclusive et le développement démocratique.
J’ai hâte de travailler avec vous tous au cours des trois prochaines années pour rapprocher nos
deux grandes nations et nos deux peuples.
Je vous remercie! »