Poursuite hier des mouvements de protestation : Plusieurs secteurs touchés, celui de l’énergie inquiète

Poursuite hier des mouvements de protestation : Plusieurs secteurs touchés,  celui de l’énergie inquiète

Quatre semaines après le déclenchement du mouvement populaire exigeant le départ du système, la protestation ne faiblit pas et gagne de nouveaux secteurs, notamment celui de l’énergie.

par Wafia Sifouane et correspondants

A la veille du 19 mars, date fortement symbolique où de nombreuses manifestations sont prévues, ils étaient nombreux, hier, à investir l’espace public pour se faire entendre. C’est le cas des retraités et des invalides de l’Armée nationale populaire qui ont battu le pavé dans de nombreuses régions du pays, à l’instar de Bouira, Tiaret et Chlef pour dire non à la prolongation du 4e mandat et rejeter les propositions du gouvernement. De leur côté, les avocats sont aussi revenus à la charge, soutenues par les magistrats et les greffiers. Ils étaient d’ailleurs des dizaines à se réunir face aux Tribunaux de Zéralda, Aïn Témouchent et Msila, scandant des slogans exigeant le respect de la Constitution.

A Saïda, les enseignants ont opté pour une manière particulière de protestation en boycottant un concours de promotion pour exprimer leur solidarité avec le mouvement populaire. Les étudiants se sont aussi fait entendre, hier, en organisant d’imposantes manifestations à Boumerdès et Annaba. Même mouvement chez les lycéens de la ville de Bouira qui ont déserté les bancs de l’école pour investir la rue. Du côté des médias, les journalistes de la wilaya de Tizi Ouzou ont aussi marché, hier, pour exiger le départ du système et réclamer la liberté d’expression. Ils ont appelé à «l’avènement d’un véritable Etat démocratique qui consacre le respect des libertés publiques et où la liberté d’expression retrouvera toute sa place».

Ils ont marché aux côtés de parlementaires, élus locaux du RCD et du FFS, des avocats du barreau de Tizi Ouzou et des représentants syndicaux. A Alger, les journalistes de l’ENTV, qui avaient créé l’évènement fin février en tenant un sit-in sur leur lieu de travail pour exiger le respect du droit à l’information des citoyens, ont adressé hier une lettre de protestation au premier responsable de l’entreprise publique, Tewfik Khelladi. Dans le courrier dévoilé sur les réseaux sociaux, les journalistes de l’ENTV ont dénoncé le traitement réservé au mouvement populaire par leur média. «Nous, journalistes, réalisateurs, producteurs, techniciens et tous les professionnels de la télévision algérienne, signataires de la lettre du 7/3/2019 adressée au directeur général de l’ENTV suite au sit-in du 27/2/2019 tenu au siège de la Télévision (…), considérons que la télévision publique n’a pas assuré le service public qui devait être le sien.

En d’autres termes, nous avons constaté que les Algériens n’ont pas eu droit à une information juste, complète et impartiale», est-il écrit dans le document dans lequel ils affirment leur refus d’une quelconque «déformation des revendications populaires clairement exprimées, et ce dans le but de soutenir un quelconque cercle politique ou une quelconque initiative». Le Conseil national de l’Ordre des médecins et le Syndicat des praticiens de la santé publique appellent, pour leur part, à une marche nationale des blouses blanches dans toutes les grandes villes mardi 19 mars.

Protestation à Hassi Rmel

Au cœur d’un secteur-clé, les travailleurs de Sonatrach à Hassi Rmel ont organisé une manifestation imposante pour dire non à la prolongation du 4e mandat et demander le départ du P-dg de Sonatrach Abdelmoumen Ould Kaddour. Les images des travailleurs protestataires ont d’ailleurs été largement relayées sur les réseaux sociaux, ce qui n’a pas manqué de susciter l’inquiétude de certains experts en économie. Interrogé sur l’impact que pourrait avoir de telles actions sur l’économie nationale, l’enseignant universitaire Amar Belhimer a estimé que ce sont «des choses à ne pas faire» et qu’«il ne faut pas toucher à ce qui nourrit les Algériens».

Mettant en garde contre un éventuel amalgame, Belhimer a indiqué qu’il «n’y a aucune relation entre les revendications exprimées par les Algériens et ce qui pourrait résulter d’un cahier des charges socioprofessionnel d’un syndicat, ce sont deux choses différentes. Il ne faut pas amalgamer car on touche à un secteur stratégique, sensible et nourricier». «Il faut préserver les moyens de subsistance si l’on veut continuer à lutter. Je suis contre la désobéissance civile, surtout dans un secteur aussi transcendant qui dépasse tout le monde et qui nous appartient à tous», a-t-il conclu. Pour rappel, il avait également mis en garde contre une grève dans l’industrie pétrolière et gazière nationale, car «excessivement dangereuse» et à «éviter absolument».