Migrants subsahariens en Algérie : Si dur d’être Noir…

Migrants subsahariens en Algérie : Si dur d’être Noir…

Du sud au nord, d’est en ouest, les rues de différentes villes du pays sont foulées par des migrants, des Subsahariens pour la plupart, qui, il y a quelque temps, se cachaient encore des regards et des forces de police de peur d’être arrêtés puis rapatriés vers leurs pays d’origine. Tout comme d’autres grands centres urbains, Alger n’y échappe pas.

Certains partent travailler, dans l’illégalité, d’autres mendient. Mais le malaise est là ! Après avoir subi une « rafle » et conduits manu militari à embarquer pour un voyage du retour, beaucoup de Noirs ont le sentiment que la couleur de leur peau les trahit. « Les services de sécurité chassent tous ceux qui sont de peau noire, qu’ils soient en situation régulière ou en séjour illégal, qu’on travaille ou qu’on mendie », témoigne, avec amertume, un Sénégalais, dont beaucoup de compatriotes, en séjour légal, ont été tout de même rapatriés.« J’ai une carte consulaire qui régularise ma situation en Algérie. Mes compatriotes aussi, mais ils ont été rapatriés. Ils sont au Sénégal. A quoi sert donc cette carte en Algérie ? », se désole Lamine.

Il affirme que l’Algérie a certes entamé des opérations de rapatriements mais qui n’ont pas ciblé que Subsahariens en situation irrégulière. « Les autorités ont procédé à un rapatriement mal planifié », juge-t-il. Mohamed, originaire de la Guinée Conakry, est-il du même avis ? Lui qui est diplômé en science de langues de l’université de Julius n’Yerere de Kankan, trouve que les « Subsahariens doivent comprendre les craintes de l’Algérie sur la recrudescence de la migration illégale ». Après réflexion, il change son fusil d’épaule : « L’Algérie est le plus vaste pays d’Afrique ; il est en mesure d’accueillir des millions de migrants, mais il les reconduit à la frontière et les rejette dans le brasier qu’ils ont fuit ».

Mais au final, il ne sait quelle position prendre sur les opérations de rapatriement. Tantôt il manifeste une tolérance vis-à-vis des actions des autorités, tantôt il vilipende les décisions qu’elles prennent. Il finit par lâcher : « Je pense que le gouvernement algérien ne veut pas de Noirs sur son territoire, parce qu’il réserve un traitement plus humain aux Syriens notamment, qui sont comme nous, des réfugiés. Peut-être qu’il faut expliquer à vos responsables que la diversité et la différence permettent à une nation de s’épanouir et de s’enrichir et non de s’anéantir », ajoute-t-il.

« Des commis prétendent qu’on est porteur de maladies. Comment pourrions-nous infecter la population autochtone alors que le contact est quasi inexistant entre nous ? », se demande-t-il, non sans reconnaître que le racisme existe partout dans le monde, « mais en Algérie, il est exagéré ». « Je connais l’histoire de l’Algérie. Un pays réputé pour son accueil chaleureux aux démunis.

La compassion de toute une nation avec les opprimés, son alignement en faveur des causes justes. Avec mes compatriotes, je me suis fait de l’Algérie l’idée d’un pays et d’une population tolérants et compréhensifs mais lorsqu’on l’a rejoint, la réalité est tout autre », se confie-t-il. Il estime que « les Algériens sont passés d’un peuple accueillant à un peuple enfermé sur soi qui refuse d’accepter l’autre, le Noir en particulier », dit-il, chagriné. « L’Algérien, sous l’occupation française, s’est exilé et a souffert de l’indigénat. Il ne doit pas oublier les affres qu’il a subis plus d’un siècle durant », assène-t-il.

De mal en pis !

Quotidiennement, les Subsahariens font l’objet de divers types de violences, morale ou physique. « Quand je prends un bus, les gens sortent des déodorants et des parfums et commencent à pomper. Ils ne profèrent pas de juron, mais je comprends que je suis sale et que je sens mauvais. Cela me fait énormément mal de voir quelqu’un du même continent, de la même religion que moi me mépriser, me blesser ». « Récemment, une personne à bord d’un véhicule a volontairement fauché deux Noirs, l’un d’eux a rendu l’âme », témoigne-t-on.

« D’autres se font passer pour des policiers en civil et nous font embarquer dans des véhicules pour nous tabasser, nous voler tout notre argent et nos téléphones portables », d’autres encore « nous traitent de Noirs et même d’Africains comme si l’Algérien ignorait l’emplacement géographique de son pays ». Tous ces témoignages, pris sur le vif, sont de Boubakar. « On ne sort plus que pour faire nos courses et prendre de temps à autre des photos, les envoyer à nos familles pour leur faire croire qu’on vit dans de bonnes conditions en Algérie ». « La majorité d’entre nous regrettent de choisir l’Algérie comme destination », avoue-t-il.

Les « Noirs » sont exploités, et exercent notamment dans des chantiers, dans des conditions difficiles. Le même Mohamed relate la cupidité des patrons et des entrepreneurs avec lesquels il a eu le « malheur » de travailler : « Je suis payé dans la moyenne 1500 DA la journée alors que dans le même chantier, les Algériens sont payés 3 000 DA. Je ne peux me défendre ni demander à être traité sur un pied d’égalité car je suis en situation irrégulière ».

Boubacar se remémore : « J’ai travaillé pendant 3 mois chez un particulier sans que je sois payé. J’ai demandé à sa voisine d’intervenir. Il ne m’a payé qu’un seul mois ; sa voisine a essayé de le convaincre de me payer le reste, il n’a pas accepté car il sait que je ne peux pas porter plainte auprès des policiers vu ma situation irrégulière ». Des mésaventures, il en a vécues lui et ses amis par dizaines : « Il y a des endroits où j’obtiens facilement mon argent, d’autres non, lorsque je réclame mon dû, on me demande de patienter, si j’insisteN on me chasse »