«Mane Lahytou Bekharlou.» Inutile de traduire. Tous les Algériens connaissent cette expression qui s’applique à merveille au problème «de l’exportation des produits alimentaires utilisant des intrants subventionnés» examiné lors d’une réunion d’un Conseil interministériel présidé par le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune.
Le communiqué publié à l’issue de la réunion fait état des «incohérences qui caractérisent le fonctionnement de certaines filières dont les produits sont éligibles à l’exportation… Les contradictions et anomalies relevées ont trait aux différents niveaux de la chaîne et concernent aussi bien le système des approvisionnements que ceux de la production et de la distribution».
Le Premier ministre a décidé de confier le dossier à une commission des experts qui devront lui remettre «un rapport détaillé (avec des propositions de solutions) dans un délai d’un mois» pour «mettre un terme au phénomène».
Voilà pour la communication officielle. Sur le terrain, il s’agit, vous l’avez compris, des exportations hors hydrocarbures. En 2016, ces exportations ont totalisé 2 milliards de dollars. Celles-ci sont essentiellement constituées des exportations de produits alimentaires (50%).
Dans le classement des douanes, les premières exportations de «biens alimentaires» sont les sucres (de betteraves et de canne). Or chacun sait que la matière première (les intrants) est totalement importée. La moitié au moins de la transformation de cette matière première est consacrée à l’exportation. Chacun sait que le sucre est un produit subventionné par l’Etat.
Chacun sait aussi que l’encouragement de l’exportation se traduit par des exonérations fiscales et des facilités douanières. Chacun sait également que l’industrie de transformation de ces «biens alimentaires» utilise de l’énergie subventionnée ainsi que les carburants pour la distribution. Les autres produits alimentaires exportés, dans une moindre mesure, sont la datte, les huiles de tournesol et quelques légumes.
Comme on le voit, l’Etat paie en devises l’importation de ces intrants et subventionne leurs prix sans distinction de la part qui sera exportée. Ensuite, l’Etat encourage l’exportation de ces mêmes produits une fois transformés par l’octroi de divers avantages à l’exportateur (initialement l’importateur) qui garde, en sus, 40% des recettes en devises. D’où l’expression citée au début de cet écrit. Ce sont toutes ces «incohérences», ces «contradictions» et ces «anomalies» dont il est fait état dans le communiqué du Premier ministère. Ainsi et après le foncier industriel, agricole, après l’industrie automobile et la filière du lait, c’est au tour de l’import-export à être recadré par le Premier ministre. C’était une question de temps. Une question de priorités.
Le moment est venu pour «renforcer la moralisation de la vie publique, à éliminer les situations de conflit d’intérêt et d’incompatibilité dans l’exercice des mandats et fonctions, à protéger les biens publics, à renforcer la lutte contre la corruption et à prendre toutes les mesures visant à lutter contre le gaspillage» comme a tenu à le préciser le Premier ministre en marge de la présentation de son Plan d’action au Sénat. Qui s’en plaindrait?