L’Arabie saoudite a un plan pour anticiper l’épuisement de ses ressources de pétrole

L’Arabie saoudite a un plan pour anticiper l’épuisement de ses ressources de pétrole

arabie-saoudite-petrole.jpgL’Arabie saoudite a annoncé la création du fonds d’investissement le plus richement doté au monde et la vente d’environ 5 % du géant national du pétrole Aramco. Deux décisions destinées à diversifier une économie ultra-dépendante à l’or noir.

Deux mille milliards de dollars pour sortir de l’obsession de la rente pétrolière. Ce nouveau fonds d’investissement saoudien est l’une des mesures phares de “Vision 2030”, le plan national, dévoilé lundi 25 avril, pour adapter l’économie de la monarchie wahhabite à la nouvelle donne énergétique. Alors que le prix de l’or noir continue à stagner sous la barre des 50 dollars, Riyad cherche à diversifier ses sources de revenus afin de continuer à financer sa généreuse politique sociale.

C’est Mohammed ben Salmane, le puissant vice-prince héritier du royaume, qui a personnellement détaillé les réformes censées révolutionner le modèle économique saoudien. Le nouveau fonds public, le plus richement doté au monde, doit servir à multiplier les investissements hors du secteur énergétique, un peu à la manière de ce que fait le Qatar depuis plusieurs années. “Les investissements doivent devenir la première source de revenus du gouvernement saoudien”, a affirmé, lundi, Mohammed ben Salmane.

Séduire les investisseurs étrangers

Mais une autre mesure, plus financière, révèle davantage l’ampleur des changements à venir en Arabie saoudite. Aramco, la puissante compagnie publique pétrolière, ouvre son capital aux investisseurs étrangers pour la première fois de son histoire. “L’Arabie saoudite va vendre moins de 5 % d’Aramco lors de son introduction en bourse”, a confirmé Mohammed ben Salmane, sans spécifier quand ce géant de l’or noir ferait ses premiers pas sur les places financières. Il espère que cette ouverture du capital permettra à Aramco de valoir plus de 2 000 milliards de dollars, soit quatre fois la valeur en Bourse d’Apple, actuellement la plus importante capitalisation boursière au monde. C’est d’ailleurs cette vente sans précédent qui doit permettre de financer le nouveau fonds d’investissement.

Cette décision inédite illustre la volonté de Ryad d’attirer des fonds étrangers. Elle vient s’ajouter aux simplifications administratives concernant les investisseurs non-saoudiens décidées par les autorités fin mars 2016. Moins de paperasse et la possibilité d’acheter une part du juteux gâteau d’Aramco : le prince Mohammed ben Salmane espère que ces changements ouvriront une nouvelle ère économique dans un pays où 90 % des revenus de l’État proviennent des exportations de pétrole.

Pour le royaume, cette volonté de suivre une cure de désintoxication à l’or noir devient urgente. La baisse, depuis deux ans, du prix du brut a commencé à se ressentir sur le niveau de vie des Saoudiens. Le gouvernement a décidé, début 2016, d’augmenter le prix de certains produits fortement subventionnés, comme l’essence, et de couper des programmes d’aides sociales afin de garder les finances publiques sous contrôle. Cela n’a pas suffi : les recettes en 2016 devraient s’élever à 137 milliards de dollars (sur la base d’un baril à 40 dollars) alors que les dépenses vont avoisiner les 225 milliards de dollars.

Ce trou de près de 100 milliards de dollars, malgré une politique inédite d’austérité, témoigne des limites actuelles de la manne pétrolière. Les internautes saoudiens sont de plus en plus à relayer sur les réseaux sociaux les réactions étonnées, voire courroucées, de leurs congénères face à l’augmentation de la facture d’électricité ou d’eau, comme le souligne Les Échos.

L’obstacle iranien

Le plan “Vision 2030” représente le pendant optimiste de la transition économique saoudienne. Une manière pour le gouvernement de dire qu’il n’y a pas que la rigueur au programme. Reste à savoir si cet agenda économique pourra fonctionner. Rien n’est moins sûr d’après Nathan Hudson, un spécialiste de l’économie saoudienne à l’Université de Princeton. Sur Al-Arabya en anglais, la chaîne d’informations en continu d’Arabie saoudite, il a rappelé que “les précédents plans de réformes sont loin d’avoir atteint leurs objectifs”.

Cet expert reconnaît que cette fois-ci, “les responsables semblent sérieusement désireux d’appliquer ces réformes”. Mais, continue-t-il, il faut que les mesures soient mises en place rapidement afin de ne pas être pris de vitesse par le déclin de la rente financière.

Cette obligation de rapidité se heurte à deux obstacles principaux. Le premier est d’ordre politique, rappelle le magazine britannique The Economist. Les coupes budgétaires et les appels du pieds lancés à des investisseurs étrangers risquent de ne pas être très populaires, ce qui pourrait être récupéré par les opposants au vice-prince héritier.

Le second est géopolitique. Riyad est engagé dans une lutte d’influence avec l’Iran qui a gagné en popularité dans la région à la suite de la normalisation de ses relations diplomatiques avec l’Occident. Cette bataille pour le leadership régional coûte de l’argent, ce qui peut contrecarrer les efforts budgétaires faits par ailleurs.

Le risque pour l’Arabie saoudite et Mohammed ben Salmane est de connaître une trajectoire similaire à celle de Brunei, prévient Ian Storey, un expert du Moyen-Orient à l’Institut des études d’Asie du Sud-Est à Singapour, dans le Globe and Mail. Le pays, fortement dépendant de la rente pétrolière, avait adopté en 2007 un plan “vision 2035” censé permettre de diversifier son économie. Un vaste programme qui n’a pas fourni les résultats escomptés, souligne le site économique Quartz, puisqu’en 2015, Brunei a décidé d’augmenter sa production de pétrole pour faire face à la baisse des prix du brut.