Invité de la 11e édition du Festival international de la bande dessinée d’Alger, Mohamed El Bellaoui, artiste emblématique de la « nouvelle génération » de bédeistes marocains, a notamment abordé, vendredi dernier, en marge de la rencontre «Une BD pour changer le monde», la situation de la bande dessinée marocaine.
Cette dernière se démarque par des œuvres abordant des sujets variés, souvent humoristiques, sociaux ou historiques et qui, au-delà des circuits classiques de l’édition, trouvent aujourd’hui de nouveaux chemins vers le grand public à travers Internet et les réseaux sociaux.
Le bédéiste marocain, auteur en 2013 de l’album «Le Guide casablancais », a débuté dans le «Street art». Il nous précisera qu’il doit une grande partie de sa notoriété à l’impact des réseaux sociaux, d’Internet et des nouvelles technologies. Une situation qui apparaît également être le principal moteur du renouveau de la BD marocaine. En effet, rappelant que le neuvième art au Maroc, en tant qu’industrie, est relativement récent, bien que ses origines remontent à l’indépendance du pays, Mohamed El Bellaoui précise à ce sujet que «si l’on parle de la bande dessinée marocaine en tant qu’industrie, cela est très récent et remonte seulement à quelques années. Mais la BD à bien existé auparavant en étant rattachée à la presse et au dessin de presse. En fait, depuis l’indépendance du Maroc, des journaux donnaient des espaces à des artistes pour des caricatures ou des bandes dessinées sur une page ».
En ce sens, la bande dessinée marocaine est passée par plusieurs étapes historiques, marquées entre autre dans les années quatre-vingt par le travail de l’artiste et opposant politique Abdelaziz Mouride, souvent considéré comme le précurseur de cette forme d’expression au Maroc. Notre interlocuteur affirmera que la bande dessinée marocaine est aujourd’hui « dynamique » et, par ailleurs, est officiellement soutenue par l’Etat marocain, qui a notamment lancé une formation dédiée à l’Institut des beaux-arts de Tétouan. Il souligne à ce sujet que «depuis les années 2000, plusieurs magazines sont apparus et l’Institut national des beaux-arts a ouvert une branche dédiée à la bande dessinée et organise un festival depuis près d’une décennie ». Ajoutant qu’il y a eu énormément d’initiatives indépendantes à Casablanca, Rabat ou Fès, des festivals sont apparus, bien que certains n’ont pas réussi à survivre par manque de moyens, mais cette dynamique a lancé une nouvelle génération, dont je fais partie ».
Cependant, il semble néanmoins que les maisons d’édition privées n’arrivent pas à suivre cette nouvelle tendance. «Il n’y avait que deux maisons d’édition privées qui publiaient de la BD, et l’une d’elles a fait faillite. Les artistes maintenant s’orientent vers l’auto-édition. C’est mon cas et celui des membres du collectif», explique ainsi le bédéiste Mohamed El Bellaoui.
Il met toutefois en exergue le fait que cette situation n’était pas propre au Maroc. «Il y a un public mais, à mon avis, que ce soit au Maroc ou ailleurs, l’industrie du livre traditionnelle vit une sorte de chute, avec l’apparition du livre électronique et des nouvelles technologies. Même dans les pays les plus développés, les personnages de BD les plus emblématiques sont aujourd’hui repris pour des films d’animation. Le médium a changé, les gens n’ont plus le temps d’acheter et de lire un livre, la tendance est à l’animation, à la vidéo sur téléphone ». En ce sens, invitant ses confrères à s’adapter, Mohamed El Bellaoui s’est lui-même orienté vers l’auto-entrepreneuriat et son l’expérience semble aujourd’hui concluante.
L’artiste également membre du collectif « Skef Kef», et travaillant actuellement sur le deuxième tome de son album, explique ainsi, que d’autre bédéistes marocains misent aujourd’hui sur les nouvelles technologies. Il affirme à ce sujet : «J’ai édité une BD en 2013 intitulée « Le Guide casablancais », nous avons fondé un collectif de BD «Skef Kef » qui a été publié à 10 numéros et, actuellement, nous avons énormément de lauréats de l’Institut des beaux-arts de Tétouan qui commencent à publier des albums ».