EMIRATS ARABES UNIS: Comment Dubaï allie finance islamique et technologies de pointe

EMIRATS ARABES UNIS: Comment Dubaï allie finance islamique et technologies de pointe

Jeremy Wilks  et 

La finance islamique est vraisemblablement aussi ancienne que l’Islam et malgré un recul récent, elle est de plus en plus populaire à l’échelle mondiale auprès des musulmans comme des non-musulmans. D’après les prévisions, elle pourrait représenter 2700 milliards d’euros en 2021. Et quand on ajoute à cela, la technologie financière comme la blockchain, les possibilités deviennent infinies.

Mais voyons d’abord ce qu’est la finance islamique. Selon les principes de la Charia, elle s’appuie sur la participation aux bénéfices plutôt que sur la perception d’intérêts sur les crédits. Les obligations islamiques ou « sukuks », ce n’est qu’1% du marché mondial, mais leur part devrait augmenter. Le Fonds monétaire international est en train d’émettre des règles pour ce secteur actif dans plus de 60 pays.

« Quand on regarde les obligations du marché émergent américain de l’année dernière, on constate une perte de 3,8% alors que les « sukuk » ont engendré une perte de seulement 2,09% : ils font donc mieux, » fait remarquer Anita Yadav, chef de la recherche économique chez la banque des Emirats NBD.

Pour les musulmans et non-musulmans

L’économie islamique est l’un des piliers de la vision économique de Dubaï d’un avenir post-pétrole. En 2016, elle a représenté environ 8,3% du PIB de l’émirat de Dubaï. Ce chiffre devrait progresser dans les années qui viennent d’après Abdulla al-Awar, PDG du Centre de développement de l’économie islamique de Dubaï.

« À l’échelle de la planète, en 2016, les consommateurs ont dépensé plus de 2000 milliards de dollars américains dans des produits conformes à la charia et ses dépenses ont été faites par des musulmans et des non-musulmans, » indique-t-il.

Interrogé par notre journaliste Rebecca McLaughlin-Duane sur l’importance des jeunes musulmans dans cette stratégie, Abdulla al-Awar répond : « On permet en fait à la jeune génération du millénaire – à ces entrepreneurs, à ces PME – de contribuer à l’économie grâce à leurs idées et leurs technologies : c’est pourquoi certaines de nos initiatives s’adressent directement à eux, dans le secteur de la technologie financière par exemple. Nous faisons tout pour attirer ces jeunes entrepreneurs et leur fournir une plateforme idéale où ils puissent proposer leurs technologies innovantes, nous faisons le lien entre eux et le monde économique, » explique-t-il.

La blockchain, révolution pour le secteur bancaire

La blockchain est train de bousculer le secteur bancaire. Ce système accessible et décentralisé qui permet de réaliser n’importe quelle transaction supprime les intermédiaires et apporte aux paiements, transparence et sécurité. Mais que se passe-t-il quand cette technologie révolutionnaire fusionne avec les principes anciens de la finance islamique ? Nous avons interrogé Ibrahim Mohammed, fondateur d’OneGram, une start-up de Dubaï qui a obtenu le titre de « meilleure crypto-monnaie islamique » des Islamic RetailBankingAwards.

« Nous sommes un actif numérique, une sorte de réserve de valeur : il s’agit d’un outil ou d’un actif numérique qui peut être utilisé pour réaliser des paiements, des transactions, mais je crois qu’il faut éviter le terme classique de « monnaie » parce que dans le cas d’une carte de crédit, vous n’utiliseriez pas le terme de « monnaie », non ? » précise le jeune entrepreneur.

Il poursuit : « OneGram a été la première devise à offrir une forme de garantie dans le sens où nous nous appuyons sur l’or par exemple. Ce qui donne un certain degré de protection puisque vous ne pouvez pas arriver à zéro, la valeur de la devise peut baisser pour atteindre le prix d’un gramme d’or, mais elle ne pourra pas passer en-dessous parce qu’elle est indexée sur l’or.

« Nous avons créé notre devise il y a deux ans et aujourd’hui, » précise-t-il, « les choses ont évolué avec la création d’un marché dédié aux « Stablecoins » – aux devises numériques stables – ; nous avons été les premiers sur ce marché, nous l’avons créé en réalité. »

Le fondateur d’OneGram revient ensuite sur l’origine de son activité : « Nous avons réuni des principes qui remontent à 1400 ans et la toute dernière technologie qui est la Blockchain et ensuite, nous avons créé une devise indexée sur une valeur physique : l’or qui est la première forme prise par la monnaie. Donc les répercussions ont été énormes. »

Puis il évoque l’air du temps : « Nous vivons dans une société de l’instant : la Blockchain, c’est de l’instantané, vous voulez faire une transaction, transférer de l’argent de Dubaï_ vers la Chine, vers Londres ou vers l’Australie ? C’est fait en quelques secondes, »_ fait-il remarquer.

Soutien aux femmes entrepreneurs

Dans la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, des programmes de soutien aux start-up contribuent à mettre en place un écosystème favorable à l’entrepreneuriat. L’un d’entre eux fait passer les femmes au premier plan. Womena aide les entreprises dirigées par des femmes à trouver les conseils et le capital de départ pour se lancer.

Parmi les créateurs d’entreprise, très peu sont des femmes dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Elissa Freiha, fondatrice du programme Womena dont le siège est à Dubaï, compte bien faire en sorte que cela change.

« Honnêtement, je crois que cette région, c’est actuellement la plus enthousiasmante pour les start-up dans le monde, tout simplement parce que le potentiel est encore inexploité : les ressources sont là et elles sont en train d’être mises en place, » se réjouit-elle. « Nous commençons à attirer l’attention au niveau international et nous avons le potentiel, tous ces chefs d’entreprise incroyables, ce talent technologique, mais tout cela n’est pas encore parfaitement coordonné, » reconnaît-elle. « Les affaires les plus passionnantes dans lesquelles j’investis, ce sont celles pour lesquelles j’ai une relation personnelle avec leurs créateurs et là où il y a cette connexion avec les gens, » affirme-t-elle.

La Tunisienne Amal Bahloul a bénéficié du tutorat de Womena. Elle a créé « Lights, Camera, Learn! » il y a trois ans pour donner une éducation aux enfants arabes dont de nombreux réfugiés syriens via la réalisation de films.

« Notre objectif, à Dubaï, c’est de prendre une nouvelle dimension et pour cela, nous avons besoin de beaucoup d’aide en particulier pour augmenter le nombre d’enfants qui participent, » dit Amal Bahloul. « En l’espace de trois mois, nous avons mené nos actions éducatives auprès de 179 enfants, créé 24 court-métrages et organisé sept événements autour de projections dans quatre pays différents et nous espérons que notre message caritatif incitera les bonnes personnes à venir travailler avec nous, » précise-t-elle.