Appel à la transition au soudan, accusation contre les manifestants et tentative de sortie des ministres : Quand le pouvoir nargue le peuple

Appel à la transition au soudan, accusation contre les manifestants et tentative de sortie des ministres : Quand le pouvoir nargue le peuple

Le pouvoir est-il irrémédiablement sourd aux appels du peuple algérien ? En tout cas, huit vendredis de mobilisation inédite ne semblent pas, pour l’heure, l’avoir contraint d’opérer des révisions, à la mesure des défis qu’impose la situation. Même ébranlé, il ne donne pas de signes de vouloir capituler. Si l’on excepte le départ forcé de Bouteflika et qui apparaît, désormais, comme un arrangement dans le sérail pour “sauver les meubles”, force est de constater qu’au fil des semaines, le régime, dans une tentative de maintenir un système condamné et coupé des réalités, alternent la manœuvre et la manipulation.

Et rien de plus emblématique de cette fuite en avant que ces “sorties” de l’Exécutif invisible dont l’idée sous-jacente est de suggérer à l’opinion, notamment internationale, que la situation est presque “normale”. Vendredi, alors que des millions d’Algériens étaient dans les rues pour réclamer le départ de toutes les figures incarnant le système, le ministère des Affaires étrangères se fond d’un communiqué, pour le moins curieux, appelant à… une transition pacifique et fluide du pouvoir… au Soudan. “Confiante en la capacité de ce pays frère à surmonter cette conjoncture délicate en préservant sa sécurité et son intégrité, l’Algérie demeure convaincue que le peuple soudanais pourra réaliser ses espoirs pour un avenir meilleur dans le cadre de la liberté et de la démocratie”, a indiqué le ministère des affaires étrangères dans un communiqué, appelant “à une transition pacifique et fluide du pouvoir conformément à la volonté du peuple soudanais frère et à ses aspirations légitimes”. Que peut bien signifier cet appel dans ce climat révolutionnaire interne, si ce n’est de suggérer que les institutions fonctionnent normalement et que le régime s’en tient à son seul agenda : celui d’organiser l’élection présidentielle le 4 juillet prochain, selon le canevas arrêté et appuyé par Ahmed Gaïd Salah ?

Même dénoncé, Noureddine Bedoui continue à faire la sourde oreille et n’hésite pas à envoyer ses ministres au charbon. Après l’échec d’une visite du nouveau ministre des Travaux publics, Mustapha Kouraba, pour inspecter le creusement d’un tunnel reliant Aïn Naâdja à Baraki, il y a une semaine, annulée en raison de l’hostilité de la population, voilà qu’un autre ministre, celui de l’Intérieur, tente une sortie à Béchar. Et comme son prédécesseur, il a pu mesurer la “popularité” dont il jouit, lui et l’Exécutif. Selon des messages publiés sur les réseaux sociaux, il a été accueilli aux cris de “dégage” et escorté par un dispositif sécuritaire impressionnant. Cette tentative de redéploiement sur le terrain des ministres intervient, alors que la DGSN évoque, comme pour justifier les dérapages de la fin de la marche de vendredi, la présence “d’étrangers pour attiser les tensions et pousser les jeunes Algériens à recourir à des formes d’expression radicales durant les marches populaires”.

Pis encore, elle soutient que ses éléments ont également eu à “déjouer des projets criminels d’envergure, tels que l’arrestation d’un groupe de terroristes fortement  pourvus en armes et en munitions qui planifiaient de commettre des exactions contres les citoyens, profitant de la densité humaine générée par la mobilisation”. Mais en dépit de la gravité des accusations, la DGSN ne nous fournit ni l’identité, ni le nombre, ni les images et encore moins l’endroit où tout ce “beau monde” a été arrêté. C’est dire la suspicion qui entoure l’accusation, et dont l’objectif manifeste est de justifier de futures répressions d’envergure. Confiné dans une attitude autiste, le pouvoir semble plus que jamais opter pour la fuite en avant. Mais jusqu’à quand ? Et à quel prix ?

Karim Kebir