Dîners familiaux au bord de la plage, soirées artistiques et balades nocturnes :”L’ivresse” du ramadhan

Dîners familiaux au bord de la plage, soirées artistiques et balades nocturnes :”L’ivresse” du ramadhan

P160623-11.jpgLes valeurs du Ramadhan que sont la convivialité, le partage et la bonne ambiance sont au rendez-vous.

Une petite pincée d’air marin dans la chorba, c’est la nouvelle recette du Ramadhan! Beaucoup d’Algériens ont mis de côté les f’tours classiques à la maison, avec de grandes tables dressées comme dans des restaurants étoilés, pour les chaises de…plage! Ils optent pour un f’tour au bord de la grande bleue. En effet, ce phénomène qui est apparu ces dernières années avec le Ramadhan en plein été, a pris de l’ampleur durant cette année du fait des retours positifs d’expérience de ceux qui ont succombé à ce délice les mois de Ramadhan précédents.

La présence massive des éléments de la Gendarmerie nationale et des loueurs de parasols est là pour rassurer les citoyens quant à la sécurité! C’est nickel de ce côté tout comme pour l’éclairage! Filles, garçons, jeunes, vieux, seuls, entre amis ou en famille, ils sont des milliers à avoir succombé à cette expérience très originale, mais surtout rafraîchissante et déstressante. Une ambiance bon enfant règne au niveau de ces restaurants d’un autre genre. Pendant que les parents s’affairent à préparer la table, les petits en profitent pour aller piquer une tête.

Raouf et sa petite famille ont carrément déplacé leur «meïdat ramadhane». «Il fait très chaud ces jours-ci. ‘Dike fel dar ‘. On vit dans un petit appartement avec mes parents et mes frères. Mes enfants suffoquent, alors j’ai choisi de leur faire respirer un peu d’air marin», rapporte Raouf, rencontré au niveau de la promenade des Sablettes. «C’est la 6e fois que l’on vient depuis le début du Ramadhan», assure-t-il non sans se réjouir des équipements disponibles au niveau de cette promenade: table de pique -nique, jeux pour enfants, terrains de sport… «En plus, c’est sécurisé», rétorque ce petit fonctionnaire qui a trouvé le moyen de distraire toute sa famille sans se ruiner.

Les gendarmes assurent la sécurité

Samy est un autre père de famille qui a choisi un iftar marin. On a rencontré cet amoureux de la mer, au niveau de Déca-plage à Aïn Taya, dans la banlieue est d’Alger. Fuyant la chaleur étouffante de son logis, il a étalé nappe et couvert pour rompre le jeûne sur le sable, face à la grande bleue et à ses embruns délicieusement caressants. «Mon dîner du f’tour, je préfère le prendre en bord de mer», explique-t-il. «J’adore la grande bleue, elle me repose, ma femme et mes enfants partagent avec moi cette passion, alors on y vient pratiquement tous les jours pour l’iftar», atteste-t-il. «Ma femme prépare tout à l’avance. Dès que je rentre du boulot on prend nos victuailles dans des glacières et des thermos et on les consomme tranquillement en face d’une mer des plus relaxantes», explique-t-il. «La vue de la mer ouvre l’appétit et la brise fraîche favorise une digestion  »décontractée ».

Les enfants eux, s’en donnent à coeur joie, ils mangent doucement, jouent au bord de la mer…», rapporte tout heureux ce quinquagénaire. Samy insiste également sur la présence des services de sécurité qui lui assurent la quiétude. «Les plagistes sont aussi très corrects. Ils vous louent une table et des chaises à 500 dinars. Ils veillent à votre bien-être, et même si vous n’avez pas les moyens de payer cette table, ils vous la prêtent gracieusement», témoigne-t-il.

Des ingrédients qui, selon lui, sont en train de faire de ce genre de f’tour une mode, voire une nouvelle tradition comme les f’tours publics en Turquie. «Avant on était seuls, tranquilles, maintenant il y a plus de monde, mais ce n’est pas si mal. Il n’y a pas de bruit, seul celui des vagues nous berce. Personne ne dérange personne, ou on vous dévisage. Bien au contraire, familles et jeunes s’entraident, s’échangent la nourriture dans une ambiance conviviale», soutient-il avec autant de bonheur.

Khaled et ses trois amis ne sont pas moins heureux de voir les Algériens profiter des délices de leur mer. «Cela me fait vraiment chaud au coeur de voir l’Algérie se mélanger dans une ambiance bon enfant. Ces f’tours, en bord de mer, représentent l’Algérie dont je rêve, celle de la tolérance et du bien vivre ensemble, malgré les différences culturelles, religieuses ou matérielles», confie-t-il d’un air rêveur avant de nous inviter à le constater nous-mêmes. Il est vrai qu’en cette fin de journée caniculaire, on voit l’Algérie dans sa diversité sur la rive de Déca-plage. Familles, jeunes groupes d’amis avec même des familles, couples, hommes et femmes en maillot, des religieux barbus en djellaba,…Tout ce beau monde se partage en toute convivialité la rive bleue. Personne ne se sent agressé par l’autre. Ils discutent entre eux. Ils s’échangent aliments et ustensiles. Un vrai plaisir de voir ces Algériens réconciliés avec leurs côtes et…entre eux! El Djazaïr retrouve sa baie. D’ailleurs, dès l’heure de l’adhan du Maghreb, les familles commencent à s’échanger les dattes et le lait pour rompre le jeûne. Elles partagent avec celles qui ont oublié d’en ramener, avant d’aller faire la prière collective pour certains, individuelle pour d’autres. Après la prière, place au dîner. Chacun mange à sa manière. Il y a ceux qui le font par étape. Ils entrecoupent leur repas par de petits plongeons à la mer. Le f’tour terminé, les familles se répartissent les desserts. C’est le début des amitiés qui se poursuivent autour d’un bon thé et du «kalbelouze». Après le f’tour, les bambins vont profiter des aires de jeu et les parents de la douceur de la mer.

L’iftar terminé, du nouveau monde commence à affluer petit à petit. Ceux qui ont dîné au bord de la mer sont rejoints par ceux qui ont dîné chez eux. Hommes, femmes, enfants, jeunes, vieux, ils viennent en masse après le f’tour pour profiter de la «sahra». Ça grouille comme dans une fourmilière. «Mes enfants adorent la plage, moi tout autant, l’été de l’an dernier a été très court. Alors on vient de temps en temps après le f’tour surtout quand il fait chaud. C’est très agréable, en plus on ne dépense pas un sou», explique Ali, chef de famille qui dit que l’éclairage et la sécurité qui règnent désormais dans les plages l’ont encouragé.

Après le f’tour, c’est Kheima-marine!

De véritables «salons» sont installés pour l’occasion. Des nappes ou des serviettes de plage étalées à même le sable et sur lesquelles sont dressés des thermos de thé accompagnés de petits gâteaux, font le plaisir des fins gourmets. Pour les plus friands, une crème glacée ne sera pas de trop. Ceux qui ne sont pas équipés pourront siroter le thé vendu par les marchands ambulants. Les jeunes, eux, s’adonnent pendant ces longues soirées à des bains de minuit qui, le moins que l’on puisse dire, rafraîchissent et détendent… Ces baignades nocturnes sont suivies de parties de dominos à même le sable, assorties de «moukasirate» (amuse-gueule), comme ils aiment les appeler. Outre les cacahuètes, il y a aussi le thé et le «kalbelouze».

Toutefois, ce qui paraît indispensable pour passer une bonne soirée en bord de mer, n’est autre que la star incontournable du moment, à savoir le narguilé ou communément appelé la chicha… «Chicha, dominos, thé, les copains, du sable fin, la mer en face, «khir min soltane fi darou» (c’est mieux que le sultan dans son palais)», ironise Mehdi, un jeune assis avec son groupe d’amis. La soirée se poursuit. Et les gens continuent d’affluer pour un «s’hour» marin. Que ce soit la côte Est ou Ouest, les plages ne désemplissent pas tout au long de la semaine. À Déca – palge, Palm Beach, Sidi Fredj, Zéralda,…La ruée vers la grande bleue crée une atmosphère festive. Les valeurs du Ramadhan que sont la convivialité, le partage et la bonne ambiance sont au rendez-vous. Alors n’hésitez pas à plonger dans cette expérience…