Le mouton sans concession, La fièvre aphteuse enrichit les maquignons

Le mouton sans concession, La fièvre aphteuse enrichit les maquignons

1__mouton_726918487.jpgLe marché à bestiaux de Mécheria, qui compte parmi les plus importants du pays garde toujours la même tendance en matière de prix du mouton de l’Aïd El-Adha. Ceux parmi les spéculateurs qui ont prévu que ce dernier atteindra des cimes vertigineuses jusqu’à 6 millions de centimes n’ont finalement pas eu tort.

Le prix de l’antenais, une bête magnifiquement encornée et la plus convoitée en de pareilles circonstances varie entre 35.000 et 60.000 DA, enregistrant ainsi une hausse de près de 4.000 DA par rapport à l’année dernière.

Selon certains spécialistes, les éleveurs s’en donnent à coeur joie d’ailleurs et restent déterminés à n’offrir aucune marge de répit aux petites et moyennes bourses, les obligeant ainsi à se rabattre sur l’antenaise dont le prix varie entre 22.000 et 28.000 DA.

Les raisons de cette hausse s’expliquent, selon les éleveurs, par tout un éventail de contraintes liées aux charges qui découlent de l’engraissement sachant que le prix du quintal d’orge mélangé frise, aujourd’hui, le seuil des 3200 DA, alors que l’aliment concentré de qualité supérieure, commercialisé par l’O.N.A.B est vendu à 5000 DA le quintal. Toutes ces contraintes se répercutent sur le prix de revient de la bête.

Hadj Miloud, un éleveur qui a pignon sur rue à Mécheria, interrogé sur les raisons à l’origine de la cherté du bétail, étale toute une panoplie d’arguments. «Avec des bêtes payées au départ entre 24.000 et 26.000 DA et destinées à l’engraissement sur une période de 6 mois et consommant une ration journalière d’un kilo d’orge mélangé, payé à 3.200 DA ou 5.000 DA le quintal, les frais d’entretien sont importants et se répercutent automatiquement sur les tarifs. A mon avis, compte tenu des arguments évoqués, les prix proposés localement sont raisonnables.

D’ailleurs les affaires vont bon train, en témoigne la présence en grand nombre d’acheteurs qui animent quotidiennement la cité de par leur va-et-vient incessant». «Ce sont plutôt les intermédiaires qui font grimper les prix, s’empressa de dire un autre éleveur qui s’est joint au débat. De puissants hommes d’affaires venant des quatre coins du pays font la razzia chez les éleveurs en effectuant de gros achats.

Cette année, et à la faveur de la mise en quarantaine forcée des cheptels ovins des suites de l’apparition des premiers cas de fièvre aphteuse, les maquignons ont coincé les éleveurs dans leurs fiefs pour faire main basse sur les cheptels et attendre le moment opportun pour les revendre à des prix qui donnent le tournis. Donc, tout est manigancé par les gros bonnets pour enflammer le marché du mouton», devaitil dire en substance.

Un cadre de l’agriculture qui suivait de près les débats, ne s’est pas empêché d ‘intervenir pour constater cette année l’absence des offices régionaux des viandes rouges qui, de par leurs programmes consistants d’élevage et d’engraissement, ont joué un rôle non négligeable en matière d’approvisionnement des marché locaux. «L’année dernière, à l’approche de la fête de l’Aïd El-Adha, nombreux sont les citoyens qui ont acheté leur mouton aux établissements commerciaux de l’ORVO. Outre la disponibilité et la qualité, les prix proposés étaient raisonnables.

Cette année, malheureusement, leur absence a été très ressentie». Au marché à bestiaux de Mekmen Benamar, dimanche, la tendance des prix était plutôt à la hausse. Aucune concession n’a été accordée aux clients. Mais certains connaisseurs prévoient une légère baisse des prix qui pourrait intervenir le dernier jour. « Alors, il faut savoir attendre », recommandent-ils.

M. S. Laradji

Des prix défiant le bon sens

Plus on se rapproche de la date fatidique plus les éleveurs mettent la barre plus haut et les prix du mouton affichés ces derniers jours donnent le tournis et laissent le père de famille sur le tapis. Inaccessibles, inabordables et insensés tels sont les qualificatifs qui reviennent sans cesse sur les lèvres des modestes bourses qui ont perdu le sens de l’orientation.

Ils ont la cote ces jours-ci les bêtes, et les éleveurs ne se privent nullement de surenchérir et de proposer des prix défiant le bon sens. Qu’il soit de race « Rimbi », engraissé au romarin d’El-Bayadh ou ‘’Hamra‘’ d’Ouled-Djellel, le bélier trône tel un héros sur la place Bayedhie. La tête haute, les cornes très fournies et élancées, sachant que sa tête est mise à prix et les surenchères vont bon train.

Il est proposé à plus de 120.000 DA. Ne vous faites pas d’illusions, il s’agit bel et bien du prix de gros, soit pour un achat groupé de plus de 20 têtes. Et ils sont venus des confins de l’est et de l’extrême-sud du pays pour s’offrir ce luxe. Quant à la brebis squelettique et maigrichonne, élevée à l’alfa et le son, son prix donne des frissons, soit plus de 25.000 DA pour un poids n’excédant pas les 12 kg ! Dans les trois grands marchés à bestiaux de la wilaya, la roue de fortune tourne inexorablement aussi bien en faveur des éleveurs que celle de la multitude de maquignons qui savent de quelle manière s’introduire dans ce juteux marché qui rapporte mieux que la loterie.

La folie s’est réellement emparée des éleveurs de la région, l’une des principales plaques tournantes du mouton. Les chefs de familles s’attendaient à cette machine infernale qui broie leur porte-monnaie. Nombre de familles sont décidées à se passer de mouton et peut-être même du chevreau, autrefois très prisé pour consoler la marmaille. L’inquiétude et l’angoisse se sont emparées des centaines de pères de familles qui se sont rendus jeudi au marché pour jeter un dernier coup d’oeil sur les prix et sur le mouton de leurs rêves. Amère et dure réalité.

Nous avons pu relever lors de notre passage dans les dédales du marché hebdomadaire du chef-lieu, des agnelles et des brebis proposées également à la vente et personne ne se soucie de la pérennité ou de la protection de cette espèce, principale source de revenus pour la population rurale de région et l’idée d’interdire leur vente n’effleure même pas les esprits des responsables du secteur de l’agriculture et encore moins ceux de l’organisation paysanne.

La folie du gain facile et des gros bénéfices n’a épargné aucun éleveur car le prix d’un bélier de trois années, ‘’ Thni’’, atteint la somme inimaginable de plus de 120.000 DA. Pris au piège, après avoir été saignés à blanc par les effets conjugués des dépenses du mois de carême et de la rentrée scolaire, les malheureux chefs de familles déposent les armes et s’avouent vaincus, quitte à cautionner le toit de la maisonnette ou opter pour un minuscule chevreau.

La guerre des prix du mouton bat son plein et rien ne semble mettre fin à l’appétit gargantuesque des éleveurs et maquignons sans scrupules qui n’éprouvent aucune gêne à mettre à genou tout un pan de l’économie nationale en jetant sur le marché local, voire même au-delà des frontières des milliers d’agnelles et de brebis à l’approche de la période de vêlage.

Hadj Mostefaoui