La guerre du pétrole

La guerre du pétrole

arton3400-6582d.jpgLe prix du baril a chuté sous le seuil symbolique de 50 dollars. L’économie russe s’effondre, l’Iran s’étrangle, l’Algérie, pour sa part, a été contrainte d’adopter une politique d’austérité. Comment en est-on arrivé là ? Explications.

Le prix du baril de pétrole a chuté de manière inquiétante durant les derniers mois. Quelles sont les causes de cette baisse jamais égalée depuis six ans ? Les groupes armés qui contrôlent nombre de puits de pétrole sont-ils à l’origine de cette chute vertigineuse ?

Il y a près de deux ans, les groupes terroristes en effet affiliés à l’Etat islamique et Al-Qaida, en Libye, en Syrie et en Irak, sont parvenus à contrôler des puits de pétrole. Cette situation avait permis aux terroristes de vendre au marché noir de grandes quantités de pétrole au profit d’acheteurs inconnus. Avec le temps, les terroristes ont réussi à s’enrichir, ce qui leur a permis d’achat des armes et de recruter de nouveaux djihadistes.

Cette situation a, en contrepartie, engendré une catastrophe sur les cours mondiaux du pétrole. Le prix du baril a chuté à 45 dollars. Le cours des deux barils de référence, le Brent à Londres et le WTI à New York, sont descendus sous le seuil symbolique des 50 dollars. Hier, dans les échanges asiatiques, le WTI perdait encore 1,16 dollar par rapport à la veille (45,77 dollars).

Au même moment, le brent cédait 82 cents, à (59,19 dollars). Le pétrole n’avait plus atteint ces niveaux depuis 2009. Cette année-là, le WTI valait environ 35 dollars le baril et le brent s’échangeait à 45 dollars. En 2014, la chute des prix du pétrole a été vertigineuse et surtout rapide. Depuis la mi-juin, elle atteint presque 50%.

Les enjeux politiques influencent-ils aussi les cours du pétrole ?

Indéniablement, selon les analystes. « Ces trois dernières années, nous avions une stabilité du prix du baril (100 dollars), à une époque où l’économie fonctionnait pourtant moins vite. Les prix auraient dû baisser mais ils ont été maintenus à cet équilibre par des considérations politiques », explique Jean-François Lambert. Aujourd’hui, plusieurs hypothèses de cet ordre sont évoquées.

D’abord celle de l’alliance entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis afin d’affaiblir la Russie, sanctionnée pour sa politique en Ukraine. « C’est une logique de démolition économique », assure Dorian Abadie, analyste chez XTB France. Selon une autre hypothèse, l’Arabie saoudite jouerait cavalier seul afin d’affaiblir les producteurs concurrents de schiste et surtout montrer qu’elle est un acteur politique majeur dans sa région.

« En laissant filer les prix du pétrole, elle coupe les jambes à des producteurs aspirant à la normalisation, comme l’Iran. Elle rappelle à tous que sa voix compte », explique Jean-François Lambert. « Et pour se replacer au centre du jeu géopolitique, les Saoudiens utilisent la seule arme dont ils disposent : le pétrole.

Quitte à faire des dommages chez les voisins. C’est une guerre économique », ajoute le spécialiste.

L’Arabie saoudite prend certes le risque de perdre plusieurs centaine de milliards de dollars de revenus mais ses larges réserves de changes lui permettent d’encaisser le choc. Malgré l’inquiétude des marchés boursiers du Golfe, la politique de l’Arabie saoudite est suivie par les pays de la péninsule Arabique.

Lors d’une conférence à Dubaï dimanche, le ministre du pétrole des Emirats arabes unis, Suhail Al-Mazouri, a déclaré que l’OPEP pourrait supporter que le prix du baril atteigne 40 dollars. « Les émirats arabes unis ont renforcé la spéculation » sur les marchés pétroliers, a commenté Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.