Alors que les libyens sont formels, les Américains restent prudents sur son décès, Belmokhtar mort ou vif

Alors que les libyens sont formels, les Américains restent prudents sur son décès, Belmokhtar mort ou vif

P150616-11.jpgLa photo de Belmokhtar qui a circulé hier sur le Net

L’attaque aérienne a été menée avec l’aval du gouvernement de Tobrouk et c’est un drône qui a atteint le chef terroriste lors d’une réunion à Ajdabiya, à 160 km de Benghazi.

Mokhtar Belmokhtar, alias Belaouer (le Borgne, suite à la perte d’un oeil en Afghanistan), alias Khaled Abou al Abbas quand il était un des chefs du Gspc en 1998, sous le sobriquet de MBM ou Malboro, né en juin 1972 à Ghardaïa, a été donné pour mort par les autorités libyennes de Tobrouk, suite à une opération militaire américaine. Ce n’est pas la première fois que la mort de ce terroriste est annoncée puisqu’en avril 2013, les autorités tchadiennes avaient déjà créé l’événement avant d’être démenties par des sites islamistes, affirmant que le chef des «Signataires par le sang» avait survécu à l’attaque. Mort qui, du reste, n’avait été confirmée ni du côté algérien ni du côté français, malgré la vaste opération de recherches lancée contre lui à la suite de la prise d’otages sur le site gazier de Tiguentourine (37 étrangers et un Algérien tués, 27 terroristes abattus). Belmokhtar s’était rétracté, après avoir annoncé son divorce avec Al Qaîda au Maghreb islamique en octobre 2012, lorsqu’il fut qualifié de nouvel adepte de l’Etat islamique, tout en réitérant ses menaces contre l’Algérie, au point de devenir non seulement le brigand du Sahara le plus recherché de la région mais l’homme à abattre pour les Américains. Il semble donc que c’est une frappe aérienne américaine en Libye, annoncée dimanche soir par le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale puis confirmée par le Pentagone à Washington, qui a éliminé la menace Belmokhtar: «Nous continuons à évaluer les résultats de l’opération et fournirons plus de précisions de manière appropriée», a déclaré dans un communiqué prudent le colonel Steve Warren, porte-parole du Pentagone, qui privilégie le wait and see avant de crier victoire. Mokhtar Belmokhtar savait que sa tête était mise à prix par Washington pour 5 millions de dollars, depuis 2012.

A l’inverse, les autorités de Tobrouk ont aussitôt indiqué sur leur page Facebook la «mort de Mokhtar Belmokhtar et d’un groupe de Libyens appartenant à une organisation terroriste dans l’est de la Libye», ajoutant que la frappe a eu lieu «après consultation avec le gouvernement intérimaire libyen». En tout état de cause, l’attaque de l’aviation américaine partie de sa base sicilienne de Sigonela, non loin de Catane, confirme que Washington a bien déployé des drones dans la région. Grâce à l’agence libyenne Lana, citant un responsable du gouvernement de Tobrouk, on sait que cette frappe de l’armée de l’air américaine a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche dans une ferme (…) à Ajdabiya, à 160 km, à l’ouest de Benghazi, chef-lieu de l’Est libyen, où Mokhtar Belmokhtar tenait une réunion avec d’autres chefs de groupes extrémistes, dont des membres d’Ansar Asharia, et qu’elle a fait au moins sept autres morts au cours du raid.

Le gouvernement du Premier ministre Abdallah al-Theni, installé à al-Baida (est), a aussitôt apporté son «soutien» aux frappes américaines, déclarant que «cette opération fait partie de l’aide internationale qu’il a longtemps réclamée pour lutter contre le terrorisme».

Ce n’est pas la première fois que les Américains interviennent en Libye. La dernière opération remonte à juin 2014, lorsque leurs forces spéciales ont capturé Ahmed Abou Khattala, un des organisateurs présumés de l’attaque contre le consulat américain à Benghazi en 2012 qui avait entraîné la mort de l’ambassadeur Chris Stevens et de trois autres Américains.

Confronté à des rivalités au sein même de son groupe d’Al-Mourabitoune, Belmokhtar avait réaffirmé mi-mai sa loyauté à Al Qaîda et récusé par-là même son allégeance à l’État islamique (EI) proclamée par un autre dirigeant, optant pour une fusion entre les «Signataires par le sang» et le «Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest» (Mujao), un des groupes djihadistes ayant contrôlé le nord du Mali jusqu’au lancement de l’opération française Serval.

Les frappes américaines interviennent au moment où de violents affrontements opposent les groupes terroristes rivaux à Derna, fief des milices radicales en Libye, à 280 km à l’est de Benghazi (1000 km à l’est de Tripoli). Les hostilités remontent à plusieurs jours, suite à l’assassinat d’un leader de Majless Mujahidin Derna, Nassir Akr, par un groupe de Daesh, qui tente d’évincer Al Qaîda de cette zone. Un autre leader de cette milice, Salem al-Derbi, a été également tué dans les affrontements qui se déroulent depuis plusieurs jours.

S’agit-il d’une simple querelle des chefs locaux ou est-ce plutôt l’amorce d’une décantation à partir de laquelle Daesh tente de conforter sa présence dans cette zone, pour en faire une base arrière à sa guerre de conquête programmée en direction de la Tunisie et de l’Algérie? La présence ou, si l’on préfère, la cachette de Belmokhtar dans la zone de Derna est un indice qui ne peut en aucun cas être banalisé, même si les forces de ce terroriste enraciné dans les zones sahariennes se limitent à quelques dizaines d’adeptes et si son adjoint, Hassen Ould Khalil, aurait lui aussi été éliminé au nord du Mali.