Les experts algériens divergent sur l’opportunité de l’Algérie d’adhérer à la Zone de libre-échange continentale (Zlec) pour l’Afrique dont la stratégie de mise en œuvre a été adoptée, samedi dernier, à Addis-Abeba, à l’occasion de la 8e conférence des ministres du Commerce.
La conférence a adopté une stratégique de mise en œuvre du Plan d’action pour intensifier le commerce intra-africain (Biat) et la création de la Zone de libre-échange continentale (Zlec) à l’horizon 2017. Les objectifs du Biat et de la Zlec consistent, notamment, à promouvoir les échanges interrégionaux et accélérer l’intégration du marché africain. « La création d’une Zone de libre-échange en Afrique est en soi une bonne chose puisque c’est un processus mis en œuvre par les Africains pour les Africains et qui ne vient pas d’ailleurs, c’est-à-dire des pays occidentaux », estime l’économiste, Mourad Goumiri.
Néanmoins, le problème, selon lui, « est de savoir que devront mettre les pays africains dans cet accord, en termes de clauses contractuelles pour faciliter et fluidifier le commerce intra-africain et les services qui le sous-tendent (transport, stockage, conditionnement, industrie de transformation, système des prix, assurances…) ». D’autre part, « une décision de cet ordre nécessite des rounds de négociations multilatérales entre les 64 pays d’Afrique dans des différents endroits et à un rythme soutenu pour aboutir, à l’instar des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui a des rounds de négociations de dix ans », releve-t-il.
Conséquence : « cela risque de durer un bon moment », a-t-il signalé. Pour cet économiste, « l’initiative est intéressante mais sa mise en œuvre reste problématique, comme ce fut le cas pour la Zone arabe de libre-échange (Zale) ». Quant aux retombées économiques d’un tel accord sur l’Algérie, M. Goumiri reste sceptique. Et pour cause, « nous sommes, et pour longtemps, un pays mono-exportateur de l’énergie essentiellement, et ce produit est hors de la future Zone de libre-échange, ce qui signifie que notre pays est très peu concerné par la partie exportation de ces accords », observe-t-il. Par contre, « au niveau des importations, il y a un enjeu certain et notre pays a intérêt à négocier pas à pas avec tous ses partenaires africains pour ne pas se retrouver dans la situation dans laquelle il est avec la Zale et celle de s’y retrouver avec l’accord d’association avec l’UE ».
Tout l’enjeu, selon lui, « est de construire notre stratégie économique à moyen et long terme ». Or, pour l’instant, « seul un certain nombre de décisions à court terme existent, incohérentes et dispendieuses, ce qui me fait dire qu’il vaut mieux ne pas trop nous engager dans un processus qui nous sera imposé, après sa ratification ». Pour l’économiste Abdelhak Lamiri, « une Zone de libre-échange est bénéfique pour un pays lorsqu’il a des entreprises fortes, compétitives et capables d’exporter ». Toutefois, l’Algérie a eu une « expérience malheureuse avec l’Union européenne ». « Notre industrie a été laminée, même si on ne s’est pas encore ouvert à 100% », rappelle-t-il.
C’est pourquoi, « l’Algérie doit d’abord créer les industries de compétitivité et qualifier ses ressources humaines au niveau international avant d’intégrer les Zones de libre-échange », conseille-t-il. Pour le moment, notre pays « doit avoir des ouvertures programmées dans les secteurs mis à niveau », selon lui. Avec la Zale, « les institutions ne sont pas préparées et beaucoup de pays nous fournissent des produits qu’ils ont eux-même importés d’autres pays à bas coûts ».
De plus, l’Algérie « ne possède pas les laboratoires, les instituts techniques pour les identifier ». Selon lui, il faut créer d’abord les conditions d’une ouverture efficace avant de s’engager. « Cette nouvelle zone va nous créer plus de problèmes qu’elle ne va en résoudre », a conclu M. Lamiri. Pour rappel, le conseiller à l’exportation et actuel président de l’Association nationale des exportateurs algériens, Ali Bey Nasri, dans une précédente déclaration à la presse, avait avancé que « l’Algérie est en mesure de tripler, voire quadrupler, ses exportations vers les pays africains en un an si les mesures d’accompagnement sont mises en place ».
Il avait signalé que « l’Algérie n’avait signé aucune convention dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), regroupant le Sénégal, le Mali, le Niger, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Togo, le Bénin et la Gambie, alors que la coopération avec cette communauté facilitera l’entrée des produits algériens dans ces pays ».
Fella Midjek