C’est une jeune fille de 28 ans, habitante de la ville d’Annaba. Elle est belle, instruite, et adore l’équipe nationale algérienne. Elle a fait le voyage avec un groupe d’amis.
Croyant qu’elle pouvait réaliser son rêve qui est de voir jouer Ziani & Co à partir des tribunes en Egypte, Amel D. a pris ses bagages, vendu ses bijoux, menti à sa famille et a pris l’avion pour Le Caire.
Elle a effectivement réalisé son rêve, mais le prix à payer était trop élevé. Dans ce témoignage, la jeune fille d’Annaba a accepté de nous raconter son histoire, mais elle a préféré le faire sans divulguer son nom… Elle a honte pour sa famille.
Pour commencer, comment vous avez décidé de venir en Egypte ?
Je suis venue avec un groupe d’amis. J’étais tellement heureuse que j’ai oublié de réfléchir aux conséquences de mon acte. Je n’aurais jamais dû venir.
Je suis une femme, et là, comme dans tous les pays arabes et musulmans, aller au stade voir un match… c’est pour les hommes.
Comment avez-vous payé le voyage et le séjour ?
Je l’ai payé avec mon argent. J’ai puisé dans mes économies et j’ai vendu quelques bijoux, j’ai menti à mes parents. Et je suis venue…
Racontez-nous votre histoire…
(Elle se tait un moment…) J’ai honte de vous raconter ce que j’ai vécu. C’était l’horreur…
Vous voulez dire à l’entrée du stade…
Pas seulement au stade, mais partout. Mais j’avoue que l’incident du stade m’a traumatisée.
Comme vous l’avez vécu, la fouille au stade commençait à l’extérieur.
Au début, les Algériens qui m’entouraient m’ont protégée.
Un jeune a failli se battre avec un policier qui voulait me fouiller. «Ne la touchez pas espèce de chien», lui a avait dit l’Algérien. Pour éviter une confrontation directe avec les Algériens, un officier demanda au policier de me laisser passer, et ça s’est passé comme ça jusqu’à notre arrivée au dernier point de fouille.
Là, il y avait un scanner et une cabine de fouille pour les personnes jugées dangereuses ou suspectes.
L’officier en a jugé que j’étais suspecte, alors il a décidé de me faire entrer dans la cabine. J’ai refusé et j’ai essayé de lui expliquer que je n’avais rien sur moi, surtout que j’étais vêtue d’un survêtement, un T-shirt de l’équipe nationale. Il n’a rien voulu entendre, et il m’a dit, soit tu entres ou tu dégages, pas d’entrée au stade. Je l’ai supplié de me laisser entrer, mais il était intransigeant.
Il m’a dit que je n’avais rien à craindre et que c’était seulement une mesure de sécurité. J’ai fini par accepter tout en lui faisant promettre qu’ils n’allaient pas me toucher ou abuser de moi.
Et après, que s’est-il passé ?
Je suis entrée dans la petite cabine, l’officier et deux policiers sont entrés avec moi.
Ils m’ont demandé de me déshabiller, et j’ai refusé, alors ils l’ont fait.
J’ai commencé à crier, mais personne n’entendait. Ils ont tout enlevé. Et ils ont commencé à rigoler et dire des choses que je ne vais pas dire dans le journal. Au bout de quelques minutes, ils m’on dit, habillez-vous, vous n’êtes pas notre genre. Je me suis habillée rapidement, et j’ai quitté la cabine.
Et pourquoi ils ne vous ont pas touchée ?
– Ils m’ont touché, mais c’était en me fouillant. L’un d’eux m’a dit : on nous a dit que vous cachez les fumigènes dans les sous-vêtements. Ils m’ont dit aussi que les Algériens avaient décidé de camoufler leurs armes blanches et fumigènes chez les femmes pour ne pas se faire prendre.
Qu’est-ce que vous avez ressenti à ce moment-là ?
Je ne vais pas vous mentir, je me sentais telle une fille violée.
Je ne peux pas vous décrire ce que j’ai ressenti quand ce chien me touchait et que ses amis rigolaient. J’avais envie de le tuer, et je l’aurais tué si je pouvais. Je n’oublierai jamais ce que j’ai vécu.
Je suis choquée et traumatisée. Je vivrais avec ça toute ma vie. Le visage de cet homme restera à jamais gravé dans ma mémoire.
Que réclamez-vous ?
Je demande à l’Etat algérien d’ouvrir une enquête sur ce qui s’est passé au Caire. Il faut que ces gens payent, ou que leur gouvernement paye pour les crimes commis par son peuple.
J’ai vu des vieux et des vieilles se faire tabasser.
J’ai vu des jeunes se faire massacrer. C’était l’enfer, c’était l’enfer.
A. B.