En vingt-quatre heures, le président de la République a pris des mesures capitales, qui remettent quelque peu en cause la hiérarchie et la nature du commandement. À six mois de la présidentielle, à laquelle théoriquement il n’est pas candidat, ces décisions suscitent des lectures multiples, qui se recoupent entre elles au-delà de leurs paradoxes.
Au moment où commençait à circuler la nouvelle sur un imminent remaniement ministériel, les observateurs politiques pensaient logiquement que le chef de l’État voulait écarter du gouvernement les ministres qui se sont opposés à l’élection de Amar Saïdani au poste de secrétaire général du FLN.
Ils prenaient en compte, dans leur analyse, un argument imparable : l’homme est coopté, à ce poste, par le cercle présidentiel. Pourtant, la diffusion de la liste officielle des nouveaux membres de l’équipe d’Abdelmalek Sellal a conféré à l’acte une lecture plus élaborée.
Bien entendu, les ministres positionnés dans le camp d’Abderrahmane Belayat, dans le conflit du FLN, ont été remerciés sans aucune forme de procès. Ainsi, Moussa Benhamadi, ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, Abdelaziz Ziari, ministre de la Santé, Rachid Benaïssa, ministre de l’Agriculture, Amar Tou, ministre des Transports et Rachid Harraoubia, ministre de l’Enseignement supérieur, quittent le gouvernement. Étrangement, ils ne sont pas remplacés, à la tête de leurs portefeuilles respectifs, par des cadres du vieux parti acquis au nouveau secrétaire général, mais par des personnalités, a priori sans chapelle politique particulière.
Ce qui sous-entend qu’elles sont choisies pour des considérations autres que celles impliquant directement le FLN.
Il est dit que le gouvernement, fraîchement nommé, est chargé de préparer l’élection présidentielle du printemps 2014.
Le président de la République aurait donc constitué une équipe sur mesure pour accomplir une mission précise : baliser le terrain pour l’entrée en scène de la personnalité, qui prendrait en main, à l’issue du prochain scrutin, la destinée du pays, avec l’onction de l’actuel locataire du Palais d’El-Mouradia.
C’est une interprétation sensée, dès lors qu’on accepte, comme une évidence, le fait que le président Bouteflika n’a nullement l’intention de briguer un quatrième mandat.
Dans cette logique, il est loisible d’expliquer l’éviction de Chérif Rahmani du ministère de l’Industrie par un rapide rappel de faits.
Le président de la République a, dès son accession à la magistrature suprême en 1999, mal apprécié la forte médiatisation dont bénéficiait M. Rahmani, alors ministre gouverneur du Grand-Alger. Un statut qui mettait d’ailleurs ce dernier dans une position privilégiée et exclusive au sein des institutions de l’État.
Le chef de l’État a alors pris la décision de dissoudre le gouvernorat du Grand-Alger, institué par son prédécesseur Liamine Zeroual, puis de confiner son rival dans la fonction de ministre de l’Environnement, jusqu’au remaniement de septembre 2012, par le truchement duquel il lui a confié les rênes du ministère de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement.
Il est aisé de supposer, en se référant à ce passif, que le chef de l’État a mis hors circuit son ancien rival, qui se prévaut peut-être aussi de soutiens parmi ses adversaires.
L’on peut croire, certes, que le président Bouteflika, qui se relève d’une maladie éprouvante, capitalise les quelques mois qui lui restent à la tête du pays pour régler ses comptes avec ses ennemis de toujours, ceux qui risquent de contrecarrer sa stratégie et ses desseins pour l’après-avril 2014.
À ce propos, les épreuves qu’il a expérimentées après son départ forcé des rouages de l’État, au début de 1979, quelques jours à peine après le décès du président Houari Boumediene, l’ont, sans aucun doute, parfaitement échaudé.
C’est dans ces rappels et ces recoupements que l’on trouve un débroussaillage cohérent, à défaut d’être tout à fait juste, à ce remaniement ministériel, mais aussi à la création, pour la première fois dans la vie de la République algérienne, du poste de vice-ministre à la Défense, en la personne d’Ahmed Gaïd Salah, qui reste chef d’état-major de l’ANP, et ce, après le rattachement direct du DRS et de ses activités à cette dernière structure.
S. H